Mon entrée au gouvernement
Le 08 décembre 2014, une ordonnance présidentielle portant nomination des membres du gouvernement est lue à la RTNC, la chaîne de télévision nationale. Mon nom, Thomas Luhaka Losendjola, y apparaît aux fonctions de Vice-Premier ministre et ministre des Postes et Télécommunications (PTNTIC) ; c'est-à-dire, le numéro 3 du gouvernement, après le Premier ministre Augustin Matata Ponyo et le Vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab.
La révolte d'un ancien camarade de Paris
En apprenant cette nouvelle, l’un de mes anciens camarades de Paris, Nola Panga, revenu au pays comme moi, va subir un grand choc. Il est révolté. Pourquoi ma nomination le plonge dans cet état ? Est–il animé d’un sentiment de jalousie ? Pas du tout ! C’est plutôt par indignation patriotique qu’il est en colère. Parce que qu’il considère que je ne mérite aucunement cette fonction. Pour lui, en Europe, où nous avons vécu ensemble, je n’ai fait aucune étude supérieure ou universitaire qui puisse me permettre d’occuper de si hautes fonctions en RDC. Je suis donc un faussaire si j’ai présenté des diplômes universitaires.
Mon ancien camarade veut me dénoncer
Pour protéger les intérêts de notre pays, il est prêt à me dénoncer publiquement. On ne peut quand même pas accepter que n’importe qui vienne raconter des mensonges au pays et en tirer bénéfice. Ne pas dénoncer c’est être son complice passif. C’est la conviction de mon ami Nola.
Honnêtement, je dois l’avouer aujourd’hui, je pense que mon ancien camarade Nola était sincère dans sa démarche. Son unique objectif était de préserver les intérêts de notre pays, victime d’une escroquerie dont j’étais l’auteur, selon lui.
Thomas Luhaka, l'ouvrier qualifié
Le jeune Thomas Luhaka, étudiant parisien
En réalité, voici ce qui s’était passé ! Ne bénéficiant d’aucune bourse d’études, comme la plupart de mes camarades congolais étudiants à Paris, j’étais obligé de travailler pour me prendre en charge et financer mes études. A l’école secondaire à Kinshasa, j’avais obtenu le brevet d’aptitude professionnelle (BAP) en Électricité. J’étais donc un ouvrier qualifié de niveau A3. En Europe, je vais donc commencer à travailler dans les bâtiments (construction de maisons, d’immeubles d’habitation ou de bureaux …).
Ouvrier électricien chez "Héraclès"
Pour rendre ce travail compatible avec mon agenda d’études universitaires, je vais donc m’inscrire dans une boite d’intérim dénommé Héraclès située à Colombes, une ville de la banlieue Parisienne. Le travail d’intérim, ou travail temporaire, vous permet de travailler pendant 1,3,6 mois, faire une pause pendant 1,2,3 mois et de reprendre. Pendant les mois de pause, vous vivez sur vos économies.
Et là, j'ai découvert que la grande majorité d’ouvriers de cette société étaient des Congolais. C’est ainsi que je me retrouve sur des chantiers (les missions) avec plusieurs compatriotes et je ferai la connaissance en particulier de mon ami Nola.
Ma résolution : ne jamais parler de mes études sur les chantiers
Par expérience, j’avais remarqué que, je mettais les gens mal à l’aise en parlant de mes études universitaires sur les chantiers.
J’avais donc résolu de ne plus jamais faire mention de cette activité parallèle dans les conversations avec mes camarades ouvriers. En plus, pendant la pause de midi (12h-13h), je m’arrangeais toujours pour avaler rapidement mon repas, afin d’aller me cacher quelque part sur le chantier pour lire mes livres de Droit.
Monsieur Dardinier, notre patron
J’ai observé cette discipline personnelle jusqu’à l’obtention de mon diplôme de troisième cycle, le DEA (Diplôme d’Études Approfondie) en Droit à l’Université du Panthéon-Assas (Paris II) et ma maîtrise en Sciences Politiques. La seule personne dans la boite d’intérim Héraclès, qui était au courant de mes études était monsieur Dardinier, notre patron. J’étais obligé de lui dire la vérité afin de justifier pourquoi pendant plusieurs mois, j'arrêtais de travailler. Il a très bien compris ma situation et il s’est même mis à m’encourager discrètement. A chaque fois que j'avais besoin de travailler, il me trouve des missions. Je lui resterai toujours reconnaissant.
L'ouvrier devient enseignant à l'université
Après mon DEA, j’ai commencé à préparer ma thèse en Droit. Sous la direction de madame Gobert, professeure agrégée. L'un des esprits le plus brillant que j'ai eu à rencontrer dans ma vie. Et qui m'a beaucoup appris.
L’université du Panthéon-Assas, ayant examiné mon cursus universitaire, m’a retenu comme chargé d’enseignement. Et le salaire que je commençais à percevoir m’a permis de quitter définitivement la boite d’intérim et d’abandonner mon travail d’ouvrier électricien.
La colère de Nola
On comprend mieux maintenant la surprise et la révolte de mon ancien camarade de chantier, Nola, lorsqu’il apprend, bien des années plus tard, que Thomas Luhaka, son collègue ouvrier électricien est nommé Vice-Premier ministre au pays.
La rencontre d'explication avec Nola et mes anciens camarades de fac.
Pour apaiser sa colère, due à son ignorance totale de ma vie parallèle d'étudiant, je l’ai invité un jour au bureau où je lui ai expliqué en détail mon parcours universitaire et politique. Pour lui enlever tout doute sur mes études, j’ai fait venir ce jour-là mes anciens camarades d’Université présents à Kinshasa : Déo Nkusu (ancien vice-gouverneur du Kongo-central), Toussaint Tshilombo (professeur d'université), Richard Lukusa (directeur de banque) et maître Laurent Tshilenge.
L'université du Panthéon-Assas (Paris II)
Tous ont attesté devant lui que j’ai bien étudié avec eux pendant plusieurs années à l’Université Panthéon Assas (Paris II) ; la première Université juridique de France. Université qui a formé, entre autres : François Hollande (ancien président de la République), Jean–Marie Lepen et Marine Lepen, Marion Marechal Lepen, Rachida Dati (ancien ministre français de la Justice), Laurent Delahousse (Célèbre journaliste français), Alain Madelin (ancien ministre français), Claire Chazal (Célèbre journaliste française), Bernard Pivot (Célèbre journaliste et écrivain français), Dominique de Villepin (ancien ministre français des Affaires étrangères), Jean–Pierre Raffarin (ancien Premier-ministre français), David Pujadas (Célèbre journaliste français), Léa Salamé (Célèbre journaliste française), Arno Klarsfeld (avocat et célèbre activiste, chasseur de Nazis), Gabriel Attal (actuel ministre français de l'éducation)...
Tout finit bien. . .
Après cet échange amical, au cours duquel mes amis lui apprennent que j'étais même le président de l'association des étudiants congolais de notre université, mon ancien camarade Nola est rentré chez lui, rassuré et souriant ! La poche remplie avec quelques mots de la fin...
Yika mpiko, lobi eza ya Nzambe !
Traduction : Reste déterminé, demain appartient à Dieu !
Thomas Luhaka Losendjola
Ancien président de l’Assemblée nationale, ancien ministre, avocat et Député national