Sur lui, le temps semble sans beaucoup de prise, l’âge aussi, Joseph Kibonge Mafu affiche toujours la même allure. Son visage reflète et évoque la belle époque du football congolais et africain.
La RDC a connu deux seigneurs dans son histoire, le Seigneur Rochereau Tabu Ley, l’icône de la musique congolaise et africaine, et le Seigneur Gento Kibonge, l’un des plus couronnés du football congolais et africain.
Seigneur Gento Kibonge
Retracer l’itinéraire d’une telle légende, c’est faire œuvre utile pour toute une génération, lui rendre hommage de son vivant, c’est lui témoigner la reconnaissance pour ses mérites et réhabiliter cette personnalité qui a fait la fierté du Congo, mais oubliée par les autorités et la jeunesse en perte des repères et des modèles auxquels doivent se référer normalement nos enfants. Ce n’est pas pour rien qu’il a été capitaine, ses collègues et jeunes footballeurs le consultent, l’appellent toujours « Capi » jusqu’aujourd’hui.
Kibonge Mafu est un footballeur hors du commun, capable des dribbles les plus époustouflants, des buts les plus somptueux, il avait du talent, mais avait un petit plus qui le singularisait du commun des joueurs congolais. Joseph Kibonge était un joueur éminemment collectif, même les générations qui n’ont jamais pu le voir jouer admettent que Joseph Kibonge fut le meilleur joueur de tous les temps ; c’est devenu au fil des temps une vérité incontestable, Kibonge, le Seigneur est le meilleur joueur congolais. Il a été la tête pensante de l’AS Vita Club, excellent manœuvrier, les solutions stratégiques partaient de lui, il était l’homme de la dernière passe capitale.
Parmi ses faits d’armes, ce retournement de situation totalement inattendu du 6 décembre 1970, ce jour-là, il avait fait la démonstration de son esprit de dépassement, de meneur d’hommes et fit l’étalage de son immense talent, il a démontré à plusieurs reprises sa capacité à changer les cours des événements. Menés 4-0 (3 buts de Mbungu Tex et 1 de Kakoko), chose impensable, il sollicita et obtint un bref arrêt du match auprès de l’arbitre, il parla aux joueurs, il leur demanda de jeter leurs fétiches-ceux qui avaient des gris-gris les jetèrent-, il leur donna des consignes très précises en leur disant de considérer le match comme étant nul.
À la 65 minute, il marqua le premier but, après Luyeye, Mavuba réduisant sensiblement le score à la 74 eme minute, tandis que Mayanga égalisa à la 86 minute: 4-4. Kembo avait le 5 but au bout du pied lorsque l’arbitre siffla la fin du match.
C’est lui le père de la « Remontada »-terme qui vient d’espagnol-, une remontée de score inattendue permettant à l'équipe qui perd d'emporter la victoire dans un match de football, alors qu'il y avait un grand écart de points entre les deux équipes.
1. Naissance
Joseph Kibonge est né le 12 février 1945 à Leopolville, fils de Joseph Kibongo Kamango et d’Henriette Mayanu Kambamba, il est Mumbala de Fatundu, dans la province de Bandundu. Ses parents sont des protestants, son père était commandant, il travaillait à l’OTRACO (Office des transports du Congo) et sa mère, femme au foyer.
Il a grandi au 64 rue Sandoa dans la commune de Dendale, l’actuel Kasa-Vubu.
Il commence sa scolarité à Christ-Roi et SaintLouis, en 1959, la famille Kibonge s’installe à Bukavu, il poursuit sa scolarité à l’Ecole Francois-Xavier et à l’Ecole Officielle de Bagira.
En 1963, le jeune Joseph obtient son diplôme en Comptabilité à l’Ecole Technique et Commerciale de Léopoldville.
Il était passionné du football, comme tous les jeunes de cette époque, il jouait dans une petite équipe du quartier le FC Amateurs, dirigée par Roger Mensa. On l’appela Coco par son frère Jean Kibonge et Petit José par ses amis d’enfance (Nany Joseph Lutonda Mingiele Pele et Bavon Marie Marie).
2. La carrière
En 1961, il signe sa première licence au V. Sport, une petite équipe dirigée par Clément Aponga, il sera surnommé Gento, le célèbre footballeur espagnol Franscico Gento qui évoluait au Réal de Madrid. Il portera son nom durant toute sa carrière.
En 1962, son équipe subit une radiation à la suite de graves incidents, tous les dirigeants sportifs de l’époque se précipitaient et le voulaient comme joueur, la maison familiale était assiégée.
Sylvain Ngalasi, vice-président de V.Club et Ignace Muwawa, de la même ethnie que Kibonge (des Bambalas), profitèrent des liens familiaux et jouèrent un rôle important dans son choix, un de ses amis aussi, qui évoluait dans V.Club, Luc Mawa était en partance en Belgique avec Cyprien Bula (le papa de Blaise Bula), supplia Kibonge d’intégrer Vita.
Mais la décision finale revint à sa maman Henriette qui l’imposa à jouer à Vita Club, vu ses liens avec Léon Trouet Mukuna. Il signa ainsi dans Vita en 1963.
3. Le Seigneur
Seigneur, c’est le surnom que lui a donné le journaliste Lucien Tshimpumpu wa Tshimpumpu, Kibonge avait marqué un but fantastique, le journaliste cria sur les antennes de la radio : « Kibonge vient d’inscrire un but magnifique, fantastique, seigneurial, le football congolais vient de trouver son seigneur ».
Une semaine après devant une foule de spectateurs au stade dans un match qui opposait son club Vita et l’Himalaya, au premier toucher du ballon, la foule scandait « Seigneur ».
Il devint ce jour-là le Seigneur du football Congolais en 1966, il porta sans discontinuer le brassard de Capitaine.
4. La retraite
Interviewer cette légende fut pour moi un rêve. Il m’a reçu chez lui, dans un bel appartement avec Madame Regine Dimvula Makumbu, son épouse.
Kibonge est un seigneur dans sa vie privée aussi, il est marié depuis le 26 octobre 1968, plus de 53 ans de vie commune. Ils forment un couple solide. Trois enfants sont nés de cette union, Joe, Aimée et Blaise, ils sont grands-parents.
Il a pris sa retraite en 1979, il a été entraîneur (il a suivi des cours en Belgique), il a été engagé par Léon Kengo wa Dondo, Ambassadeur du Zaïre à Bruxelles à l’époque, comme chargé des Relations Publiques à l’ambassade.
Il était le seul pensionnaire à passer la nuit en famille à la veille d’un match même très important alors que ses coéquipiers étaient, sans exception, consignés.
Son tableau personnel de la manière ci-après : 1 titre en Coupe d’Afrique des clubs champions, 2 couronnes en Coupe d’Afrique des Nations, 5 trophées en Coupe du Zaïre et 7 titres en championnat de Kinshasa.
Nous devons permettre à travers des lectures biographiques, que les plus jeunes connaissent ces personnages qui ont marqué de leur empreinte notre Histoire.
Des anecdotes, sa rencontre avec le Roi Pelé, Mobutu sur notre site.
Le seigneur Kibonge et le roi Pelé à Kinshasa , le 2 juin 1967
Jean-Claude Mombong