Faire connaître le Congo aux Congolais

Faire connaître le Congo aux Congolais

L'historien René Rémond a dit : "Comprendre son temps est impossible à qui ignore tout du passé ; être un contemporain, c'est aussi avoir conscience des héritages, consentis ou contestés".

Il est malheureusement constaté qu'un grand nombre de Congolais ne connaît pas l'histoire du pays à cause particulièrement des successions brutales de régimes politiques que le pays a connus, et des animosités ou antagonismes qui ont prévalu entre les dirigeants qui partaient et ceux qui les remplaçaient. Pour légitimer leur pouvoir auprès de l'opinion tant nationale qu'internationale, les nouveaux maîtres du pays ont systématiquement parlé très négativement de leurs prédécesseurs et minimisé les actions de ces derniers. Ils les ont présentés comme les causes des malheurs du peuple, de la stagnation du Congo. Les médias publics, qui ont souvent été enrégimentés par le pouvoir du moment, se sont interdit, en bonne consonance avec celui-ci, de parler avec objectivité du régime précédent. Et encore moins de montrer en images ses acteurs et leurs réalisations, positives, eurent-elles été.

Depuis l'indépendance du pays, tous les successifs pouvoirs ont fait une lecture politique de l'histoire du Congo. Pour les premiers dirigeants congolais, la colonisation n'aura été que violence, exploitation économique et acculturation. Époque "douloureuse" qu'il fallait oublier, qu'on ne devait pas raconter, sinon de façon orientée, et dont il ne fallait surtout pas montrer les images. L'immense œuvre de construction et de viabilisation du pays entreprise par les Belges est dès lors méconnue de plus de trois générations des Congolais.

Pour le régime Mobutu, la première République a été marquée par les guerres civiles, par le désordre d'une classe politique irresponsable et à la solde des puissances financières étrangères. Tranche de l'histoire du pays qu'il fallait aussi zapper de la mémoire des Congolais. Pendant 32 ans, les Zaïrois n'ont ainsi eu droit qu'à des images montrant les hauts faits politiques, économiques et militaires du maréchal-président. Les régimes Kabila père et fils présentèrent à leur tour la période mobutienne comme la plus féroce, caractérisée par l'intolérance politique du parti-État et le pillage des richesses du pays. La radiotélévision nationale ne pouvait donc pas en parler. On raconte que sa médiathèque aurait été vidée - on a parlé d'autodafé - de tout ce qui a concerné cette partie de l'histoire du Congo-Zaïre. Le pays se retrouve ainsi, par égoïsme et rancune politique, sans archives audiovisuelles, sans mémoire.

Aujourd'hui encore et par déplorable atavisme, les Congolais n'ont droit, de la part de la Rtnc - du matin au soir -, qu'au panégyrique des actuels dirigeants. Parler par exemple positivement de Joseph Kabila et de ses réalisations relève d'une faute professionnelle pour des journalistes qui souffrent de crise d'identité : pas facile de louvoyer entre le statut de journaliste, mot pris dans son sens noble, de celui qui est appelé à présenter les faits (et les opinions) dans leur nudité, dans leur stricte et objective réalité, dépouillés de considérations et commentaires particuliers et tendancieux, et de fonctionnaires de l'État, de petits "soldats", de publicitaire s'exprimant sous la dictée et... la cravache du directeur général ou du ministre de la communication. Pénible obligation de ne dire et de ne montrer que ce qui plaît aux régnants du moment.

Il y a ainsi urgence que les Congolais puissent connaître la vraie histoire du pays, avec ses côtés ombres et ses côtés lumières, notamment en images. Une histoire dépolitisée, de l'époque précoloniale jusqu'à aujourd'hui. Nécessaire connaissance du passé qui nous évitera de répéter les erreurs de nos ascendants, les travers de nos prédécesseurs. Elle nous permettra aussi de nous inspirer du positif leurs actions, de causes de leurs réussites. Tout n'aura pas été noir ou blanc.

 

Wina Lokondo
Analyste et Acteur politique

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