L’effet dévastateur de la crue du fleuve Congo sur la ville de Kinshasa est mis en lumière dans une exposition photographique organisée du 10 au 12 février 2024 par le média en ligne « actualite.cd ». Cet événement vise à sensibiliser le public aux conséquences dramatiques de ce phénomène. La crue, survenue les 6 et 7 février 2023, a laissé une empreinte indélébile sur la capitale congolaise, relevant des failles béantes de son urbanisation et les effets dévastateurs du dérèglement climatique.
Avec un niveau d’eau atteignant 6,20 mètres au Port public de Kinshasa le 9 janvier 2024, les conséquences humaines, sociales et environnementales ont été d’une ampleur sans précédent. Les photographies exposées mettent en exergue la réalité brutale de cette crise dans trois communes de Kinshasa. Ce désastre humanitaire et environnemental appelle à une crise de conscience collective et à des actions concrètes pour atténuer les impacts futurs. L’exposition ne se limite pas à un simple à une simple présentation visuelle. Elle offre également une plate-forme d’échange et de réflexion à travers des panels thématiques. Le premier panel « Kinshasa, aujourd’hui et demain » a abordé les défis actuels et futurs liés à l’urbanisation de Kinshasa, mettant les enseignements tirés de la crue récente et explorant des solutions durables avec l’urbaniste et architecte Nicolas-Patience Basabosa et le sénateur Didier Mumengi. Le second panel « Rôle du journalisme dans l’évolution de la ville de Kinshasa » constitué du professeur Jean-Chrétien Ekambo a examiné le rôle crucial du journalisme dans la compréhension et la communication des changements urbains, en mettant l’accent sur les responsabilités des médias face aux défis climatiques. Nicolas-Patience Basabosa a déclaré que la ville de Kinshasa a connu un moment de planification et s'est arrêtée par la suite. Il s’en est suivi une sorte d’absence de responsabilité de la part des autorités pour continuer ces démarches du pouvoir colonial. « Nous sommes entrés dans une phase d’improvisation. Il n’est pas vrai de dire que c’est l’autorité belge qui a construit la ville de Kinshasa. L’autorité coloniale a planifié la ville de Kinshasa. Après la colonisation, le pouvoir du Maréchal a recommencé la même chose mais il s’est arrêté quelque part. La ville de Kinshasa a été construite par des Congolais ».
Pour le sénateur Didier Mumengi, il y a plusieurs phénomènes qui s’entrecroisent notamment le dérèglement climatique et la morphologie de la ville. Il y a la situation géographique de la ville qui intervient dans ce phénomène de crue et des inondations. « Nous avons l’impression que la ville est issue d’un cratère, comme une cuvette cernée de collines. Lorsque nous prenons la dimension morphologique de la ville, sa construction doit tenir compte de ces aspects à la fois morphologiques et climatiques en sachant que nous sommes un exutoire. La ville de Kinshasa a été construite sur des espaces marécageux. Elle a une vingtaine de rivières qui n’ont jamais été aménagées pour sécuriser leurs lits. « Nous avons là une opportunité des réseaux d’évacuation d’eaux tout à fait naturelle qu’on a jamais stabilisé en termes de construction des berges. Si nous prenons conscience au niveau de Kinshasa que le fleuve Congo atteint son exutoire, on devrait ériger des berges même au niveau du fleuve des possibilités des crues ». Le sénateur Didier Mumengi a rappelé que la ville de Kinshasa a connu une crue terrible en 1961. Depuis lors, dans une périodicité décennale, Kinshasa connaît ce phénomène de crue. Depuis 2019, ces crues interviennent tous les cinq ans. Maintenant, cette périodicité se rétrécit. C’est 5 ans et peut-être après-demain avec le dérèglement climatique. Nous sommes aujourd’hui une ville sauvage et qui risque avec le rétrécissement de la périodicité de la crue, la ville de Kinshasa peut être engloutie ».
Un scientifique satisfait de ces inondations tout en rangeant du côté des victimes
Au cours du deuxième panel, le professeur Jean-Chrétien Ekambo qui suit de près ce phénomène dès le début s’est réjoui en ces termes que « cette crue m’a énormément satisfait. Je suis heureux de cette crue. Je ne dis pas que je ne plains pas les victimes. Le professeur Numbi et le sénateur Mumengi avaient beau alerter mais l’on est resté sourds et indifférents ». Les habitants de Kinshasa pensent que l’eau est un visiteur étranger et intrus. Mais pas du tout. C’est plutôt le contraire. « C’est nous qui avons envahi le fleuve. C’est nous qui sommes allés vers le fleuve. Cette vive interpellation par des inondations nous montre que si nous ne revenons pas à la raison, nous disparaîtrons. Non pas parce que nous avons été envahis mais parce que nous avons pensé envahir sans conséquences. Je suis ravi qu’enfin la nature nous a tirés les oreilles pour nous ramener à la raison ». Enfin, le professeur André Yoka a salué le travail réalisé par les journalistes du média en ligne actualite.cd qui a documenté cet événement. Cette documentation a une profondeur incroyable. Le directeur d’actualite.cd, Patient Ligodi, a fait remarquer que son équipe a connu des problèmes lors du tournage puisqu’il a fallu négocier avec des « Kuluna » dans la commune de Baumbu.
La Gazette du Continent