Peu de musiciens, même parmi les plus illustres, peuvent s’enorgueillir d’avoir fait l’Histoire d’un groupe musical au Congo, comme Jossart Nyoka Longo l’a fait avec Zaïko Langa Langa.
Nyoka Longo, voilà cinquante-cinq ans, est de ceux-là.
Pas vraiment disposé à faire de la musique -il voulait être prêtre -, sa voie sera toute tracée par un aîné du quartier qui lui forgera un mental d’acier, c’est dont il aura besoin tout au long de sa carrière musicale : force de caractère, discipline, opiniâtreté et persévérance.
C’est un meneur d’homme doté d’un charisme sobre et d’une autorité réelle.
La trace de l’histoire de Zaïko Langa Langa est indélébile, Jossart Nyoka Longo vient de le démontrer avec sa nouvelle danse « Awa awa te » et le spectacle du 19 mai 2024 à Bruxelles, une réussite totale.
À soixante dix ans, il a battu tous les records dans l’histoire de la musique congolaise.
Après Londres et Bruxelles, deux concerts sont prévus à France.
Maman Sisika, Mukongo ya Koba, Ngwasuma, Funky, Eh mawebo ya kupola, choquez, siatapa, Ngwabin, Sonzo, Cavacha, Wondostock, Au volant, Mame mame, Tala modèle e changer, etc sont autant de danses et de rythmes qui ont perpétué la domination de cet orchestre dans la conscience collective des Congolais.
La nouvelle génération incarnée par les Ferre Gola, Fally Ipupa, Innos , Héritier Watanabe, Fabregas ne lui fait pas peur, il est d’ailleurs indifférent, car il sait que les Congolais ont tous quelque chose de Zaïko, tout âge confondu « Zaïko Eyi Nkisi, Eyi Magie », nous reviendrons plus tard sur l’origine de cette expression.
Zaïko Langa Langa, c’est aussi le Congo dans toute sa diversité, d’abord culturelle et puis générationnelle, avec en arrière-plan l’histoire d’une vie romanesque, jonchée de clair-obscur d’un homme : Jossart Nyoka Longo.
Seul rescapé, il a 16 ans lorsqu’il intègre ce groupe, on peut dire qu’il fait partie des co-fondateurs, mais l’intéressé a toujours refusé cette qualification.
Pour lui, les fondateurs de Zaïko sont au nombre de quatre : Dv Moanda, Marcelin Delo, Henri Mongombe et André Bita, aucun musicien n’est fondateur du groupe.
Dans Zaïko Langa Langa, son itinéraire professionnel sera parsemé d’heures glorieuses et d’heures sombres, mais sans jamais parvenir à épuiser sa soif inextinguible pour Zaïko.
C’est un homme singulier à la vie plurielle, ses collègues du début le regardaient sans jamais le saisir, car derrière son écorce se cachait un homme impénétrable et imperméable.
Il n’a d’ailleurs eu de cesse de susciter des sentiments opposés durant toute sa carrière.
Le destin de Zaïko, il a chevillé au corps, il a déployé sa vie toute entière, tout ce qu’il a obtenu, il l’a conquis et le mérite.
Nyoka Longo n’a jamais été là où on l’attendait, défiant à chaque fois tous les coups de ses rivaux et mauvais pronostics.
Franco Luambo Makiadi, Tabu Ley, Verckys Kiamuanga et d’autres acteurs ont tous comploté et souhaité la disparition de Zaïko, n’eût été sa détermination, Zaïko n’existerait plus.
Il n’est pas non plus un tendre, il sait sortir les griffes lorsqu’il s’agit de Zaïko Langa Langa, il l’a démontré à plusieurs reprises. Derrière cette force tranquille se cache un loup aux griffes bien aiguisées.
Jossart a tout connu et tout vécu dans Zaïko Langa Langa : la naissance, les amitiés, les femmes, les succès, les défections, les trahisons, les moments de doutes, le décès de ses amis, les joies et échecs.
Il doit tout à Zaïko, c’est sa seconde famille, car l’homme était orphelin très jeune, il avait perdu son père et sa sœur immortalisée dans « Nalali Pongi », et plus tard sa mère.
Il serait juste aussi de rappeler que c’est sa chanson « La Toute Neige » qui a propulsé Zaïko Langa Langa en 1970.
L’homme n’est pas aussi saint, mais peu importe quelques petites taches noires au tableau de sa vie haute en couleurs , Jossart Nyoka Longo s’est imposé, a rehaussé Zaïko Langa Langa en majuscule, et a gravé le nom de Zaïko sur le plus prestigieux des trophées de la musique congolaise : patrimoine culturel et institution.
Nous avons tous quelque chose de Zaïko.
Jossart Nyoka Longo marquera de son empreinte toute une génération.
Jean-Claude Mass Mombong
