Rétro : Albert-Roger Mooh Milla, une bénédiction pour le Cameroun

Rétro : Albert-Roger Mooh Milla, une bénédiction pour le Cameroun

Combien de fois l’attaquant de pointe et le renard des surfaces Albert-Roger Mooh Milla avait-il rendu service à son pays, le Cameroun, en difficulté ?

En tout cas plusieurs fois, car à chaque fois que le Cameroun était en très mauvaise posture, il s’en remettait toujours à lui.

Le soldat de la République, le réserviste patriote. Il dépannait un peu partout, un club camerounais engagé en compétition continentale, la sélection militaire etc... ce que l’on avait vu à la coupe du monde 1990 en Italie alors qu’il était semi-retraité dans un club anonyme de la Réunion avant d’être rappelé en sélection, n’était qu’un cas parmi tant d’autres.

Roger Milla fils d’un cheminot, né à Douala en 1952 n’avait pas vraiment beaucoup usé sa culotte sur le banc de l’école, mais surtout au contraire, ses godasses.

Il va signer sa première licence tout petit déjà à l’âge de 13 ans. Les terrains accidentés et cahoteux de Douala et de Japoma furent son université et école de football, passant ses journées entières à empiler des buts en tapant sur le "ndamba’’ (ndembo en lingala) pour affiner sa technique féline.

Il va commencer sa carrière dans ’’l’Éclair de Douala’’ avant d’aller dans les’’ Léopards de Douala’’, demi-finalistes en coupe d’Afrique des clubs 1973. Comme haut fait d’armes, la victoire des Camerounais au stade 28 septembre à Conakry contre le Hafia FC en quart de finale ; un Hafia FC qui revenait d’un stage en Roumanie. Battu 2-4 à domicile.

Un exploit très rare d’un club africain à Conakry. Les Guinéens apprendront à connaître Roger Milla le futur crack de football camerounais ce jour-là. Il sera sélectionné en équipe nationale camerounaise en 1973, et ce sera le début d’une très longue histoire, 20 ans à peu près, un long bail.

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1975, Milla Roger sera transféré dans le Tonnerre Kalara club de Yaoundé TKC, le rival du Canon sportif de Yaoundé. Un véritable paradoxe pour Milla Roger qui n’était pas un érudit, mais qui fera partie de’’ club du livre,’’le club des étudiants ; un ’’Quartier latin footballistique ’’.

Le Tonnerre remportera la première édition de la coupe d’Afrique des vainqueurs de coupe créée à partir de 1975, renforcé par le gardien Thomas Nkono du Canon.

1976, Roger Milla et le Tonnerre Kalara club vont atteindre la finale de la coupe d’Afrique des vainqueurs pour la deuxième fois consécutive, mais cette fois-ci, battus par les Nigérians. Néanmoins Roger Milla sera sacré ’’Ballon d’Or africain ’’ 1976. Le Tonnerre élimina Vita-Club au passage, au match-aller à Kinshasa, Pombi Coco le gardien de Vita-Club aura un doigt cassé. 1-1 à Kinshasa et 1- 3 à Yaoundé au retour. Milla élimina le club zaïrois à lui seul.

Roger Milla, un attaquant racé, teigneux, rusé, belle touche de balle, puissant, spécialiste de jeu du corps, fausses pistes, frimeur et colérique. Non diplomate, un langage crû et sans fioritures.

Roger Milla se plaignait tout le temps contre ses coéquipiers pour une mauvaise passe, mais aussi sur une faute sifflée en sa faveur voire en sa défaveur.

Un éternel insatisfait sur le terrain. Je ne me souviens pas de l’avoir vu défendre. Jamais !

Lui, il était né pour marquer des buts, et non pas pour défendre.

La même année 1976, Roger Milla s’envolera pour l’Hexagone pour le début de sa carrière professionnelle. Valenciennes, Monaco, Montpellier, Basta, Saint-Étienne etc... à une époque où un club européen n’avait droit qu’à 3 joueurs extracommunautaires et pas plus. Loin de ’’l’arrêt Bosman’’ des années 90.

Roger Milla aura beaucoup de difficulté d’adaptation et d’intégration loin de son Cameroun natal. Il jouera même en division inférieure en France. Mais une fois en sélection, Milla retrouvait ses instincts de buteur et de ’’serial killer.’’ Son oxygène.

Il rendra des services énormes à la sélection nationale, les’’ Lions Indomptables’’, comme par exemple lors d’un match qualificatif pour la phase finale de la coupe d’Afrique des nations 1980 au Nigéria.

Face à la Guinée-Conakry truffée des joueurs de Hafia FC détrôné par le Canon sportif de Yaoundé en 1978, donc une année déjà, les Camerounais seront laminés à Conakry à l’aller par 3- 0 ; Roger Milla le professionnel ne sera pas de la partie. Le Cameroun courait toujours derrière la qualification à une phase finale en coupe des nations depuis 1972 à domicile.

Nous étions en 1979, la Guinée-Conakry venait d'éliminer les Léopards du Zaïre malgré les prouesses de Mayel Ayel à Kinshasa, victoire 3-2 et battus à Conakry 2-1. Un arbitrage scandaleux.

Devant ce danger, les autorités camerounaises feront appel à Roger Milla pour venir secourir leur patrie en danger. Milla va débarquer à Yaoundé et annoncera déjà les couleurs devant les journalistes accourus pour l’interviewer :’

"Je suis là, je vais remettre les choses à leur place. Je vais marquer les 3 buts ’’.

Une plaisanterie ?

Les Camerounais ne se donneront même pas la peine de faire le déplacement au stade.

Passer 3 buts aux Guinéens ?

Une mission impossible !

Malgré tout, ils auront quand même le temps de suivre cette rencontre de loin un certain 30 septembre 1979, les oreilles collées sur la radio-transistor, à cette époque le Cameroun n’avait pas encore une chaîne de Télévision nationale.

Un stade omnisports Amadou Ahidjo vide, le gradin clairsemé.

Milla Roger tiendra parole, il va marquer tous les 3 buts de la rencontre en faveur du Cameroun à la 14ème, 31ème et 41ème minute. Un stade vide au coup d’envoi, va se remplir en deuxième période au fur et à mesure que le match tendait vers sa fin ; les gens accouraient de partout pour aller assister de visu à la’’ remontada’’ camerounaise du siècle avant les Espagnols de Barça et Real de Madrid. 3-3 sur l’ensemble des deux matches grâce à un Roger Milla stratosphérique.

Il fallait donc départager en cas d'égalité parfaite les deux sélections nationales, afin de n’avoir qu’une seule qualifiée.

Ça sera alors par l’exercice des tirs au but. Une épreuve supplémentaire pour les nerfs.

Les Camerounais, après avoir fait l’exploit de remonter les 3 buts de retard, finiront par craquer à la fin. Le Cameroun sera éliminé, la Guinée-Conakry qualifiée. 5-6 aux tirs au but.

Roger Milla va pleurer à chaudes larmes, il restera plusieurs minutes sur le terrain ne croyant pas à cette cruelle désillusion après avoir fait presque l’impossible et la moitié de chemin. Il sera consolé par ses coéquipiers et ses adversaires guinéens, un signe de respect, considération et réconfort.

Le soldat réserviste de la République camerounaise Roger Milla avait répondu présent sous le drapeau.

Vous voulez encore d’autres histoires sur Roger Milla alias "Kadhafi, Moussounguédi, le renard des surfaces, le vieux Lion, Son Excellence monsieur l’ambassadeur’’ ?

À la prochaine fois.


Dary Abega

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