Ruben Um Nyobè est un pionnier de l'indépendance du Cameroun qui a été assassiné par l'armée française.
Il était un orateur hors pair, reconnu à la fois par ses soutiens et ses adversaires, il a lutté pour l’indépendance du Cameroun dans la clandestinité avec ses partisans qui ont payé un lourd tribut.
Le 17 décembre 1952, il prononce devant l’ONU, un discours fondateur et fixe les conditions de l’indépendance du Cameroun dans lequel il présente son plan pour la décolonisation et la réunification du Cameroun. Il signera son arrêt de mort.
Au lendemain de la guerre d’Indochine et parallèlement à celle d’Algerie, la France a mené une autre, celle qu’on a appelée la guerre du Cameroun.
Après l’ANC et le parti communiste sud-africain, l’Union des populations du Cameroun (UPC) est le plus ancien parti politique du continent africain.
Sa création fut précédée, dès 1938, par celle de la Jeucafra (Jeunesse camerounaise française).
Parmi les membres fondateurs de cette dernière, Ruben Um Nyobé, commis greffier au tribunal de Yaoundé.
En 1944, il participe à la conférence de Brazzaville et réclame la liberté de la parole et de la presse.
L’Union des syndicats conférés du Cameroun (USCC) se constitue avec Ruben Um Nyobé, une grève éclate le 27 septembre 1945 ; un groupe de colons armés ouvrent le feu sur des manifestants (au moins 60 morts).
Ruben Um Nyobé réclame ouvertement un État indépendant. Il se fait vite dénoncer comme un agent du communisme international.
Face au haut-commissaire André Soucadaux, Ruben Um Nyobé et son parti politique (UPC) dénoncent la discrimination raciale.
Son parti fait mouche dans les pays Bassa (dont il est originaire) Bamileké (ouest du pays), ainsi que dans la ville portuaire de Doula.
Les autorités coloniales suscitent un bloc des démocrates camerounais (BDC) et jouent à la division ethnique (l’arme favorite de l’impérialisme français).
Les élections de 1951 et de 1952 voient la victoire des démocrates (BDC), soutenus par les Français.
En dénonçant les résultats lors d’un rassemblement de l’UPC, une répression ensanglante la région, plusieurs centaines de morts, certains historiens parlent de milliers.
Les autorités coloniales lancent un mandat d’arrêt contre lui et interdit son parti (UPC), le contraignant dans la clandestinité.
Le 13 septembre 1958 sera exécuté Ruben Um Nyobè par une opération menée par les troupes coloniales. C’est dans une forêt de Sanaga Maritime, dans le sud du Cameroun, qu’une patrouille française qui traquait depuis des mois le secrétaire général de l’Union des populations du Cameroun (UPC) repérera son objectif. Et l’abattit comme un animal sauvage. Son corps fut traîné jusqu’au chef-lieu de la région, où il fut exhibé, défiguré, profané.
Soixante-cinq ans après son assassinat, le nom de Ruben Um Nyobè est presque oublié en France. Au Cameroun, en revanche, il reste l’objet d’une timide admiration par une minorité. Mais cette admiration est restée longtemps contrariée, toute référence à Um Nyobè et à son parti, l’UPC, ayant été interdite par la dictature d’Ahmadou Ahidjo mise en place en 1960 avec le soutien de l’ancienne métropole. La moindre évocation de Um Nyobè était considérée par le pouvoir en place comme « subversive » et sévèrement réprimée.
Pour retrouver la tombe de Ruben Um Nyobè, leader de l'indépendance camerounaise assassiné par l'armée française deux ans avant l'indépendance en 1960, il faut se frayer un chemin à travers l'herbe dense du cimetière protestant d'Eseka, près de sa ville natale. Dans cette partie du centre du Cameroun, des militants de l'Union des populations du Cameroun (UPC) tentent de garder vivante la mémoire de ce leader charismatique.
Sa mémoire ne put être perpétuée que par quelques intellectuels.
Son influence avait dépassé rapidement le strict cadre camerounais, il était un fervent partisan de la coordination des mouvements anti-colonialistes, il était devenu au cours des années 1950 une des icônes internationales du tiers-mondisme naissant.
Combattant de l’indépendance du Cameroun, son nom a été longtemps banni des manuels scolaires du pays.
Surnommé « Mpodol », celui qui porte la parole des siens, en bassa, est né le 10 avril 1913, à Eog Makon, et mort assassiné, par l'armée française.
Jean-Claude Mombong