La barre était très haute et les attentes de la très attendue rencontre de Luanda entre le président congolais Félix-Antoine Tshisekedi et le Rwandais Paul Kagame, le dimanche 15 décembre 2024, se sont transformées en illusions démesurées.
Et donc, en un rendez-vous manqué.
La montagne qui a accouché d'une souris a fait autant de déception dans le rang de ceux qui espéraient à un retour de la paix, surtout à la signature de cet accord dans ce processus qui dure et coûte à la République Démocratique du Congo.
Et pourtant, la médiation angolaise, conduite par son président, João Lorenzo, avait obtenu les assurances de deux parties bien avant la rencontre de deux présidents et les deux délégations ont travaillé d'arrache-pied, surtout à la veille pour l'élaboration de cette ébauche qui devrait être signé par les deux chefs d'État.
Échec de la diplomatie agissante ?
Tout porte à croire que la diplomatie congolaise a failli à la limite faire subir à la République, une humiliation pour ce rendez-vous manqué. Car selon plusieurs analystes, l'échec de négociations entre les ministres des Affaires étrangères la nuit, était un signal fort. Plusieurs erreurs ont été commises par la RDC, renseigne une source sous couvert de l'anonymat. « Si j'aurais été conseiller du président, je lui aurais déconseillé de se rendre à Luanda en Angola. L'idée d'un accord s'était éloignée et déjà après la réunion des ministres des Affaires étrangères, je sentais une méfiance, un refus du Rwanda qui n'a pas obtenu ce qu'il voulait, c'est-à-dire intégrer les négociations directes entre la RDC et les rebelles du M23 dans cette feuille de route. Une chose que la partie congolaise n'a pas accepté, mais alors, pourquoi laisser partir le président de la République, comme si la RDC quémandait quelque chose auprès du Rwanda ? Les services sur place devraient geler ce déplacement'', affirme Mfumu Kuka Dolly, enseignant des universités.
Parmi les erreurs commises par la RDC, on peut noter ce changement des ministres, négociateurs à la tête du ministère des Affaires étrangères. Depuis le début de la crise, plusieurs ministres et experts se sont succédés dans ce processus alors que le Rwanda n'a pas changé son équipe.
Est-ce que nous négocions convenablement, qui négocie et avec quel background ? Ces interrogations prouvent cet échec cuisant de la diplomatie selon India Omari, cadre de l'ancien régime de Joseph Kabila.
''Sur le plan stratégique, nous n'étions pas quémandeurs dans ce processus, mais seulement en matière de négociations, on exige l'habileté et surtout la subtilité de ceux qui ont le plein pouvoir du président de la République'', a-t-il fait savoir.
''Le président de la République et toute sa délégation se sont déplacés pour rien. Paul Kagame nous fait marcher et il fixe les règles du jeu. Nous sommes comme des moutons. Pourquoi le président a fait le déplacement alors que nous tous étions déjà au courant de la manigance du Rwanda. Nous savions que c’était un échec qui se profilait à l’horizon ?'', s'est interrogé un analyste politique.
La ruse et le chantage du Rwanda
Dans sa ruse, Kigali fait du chantage à la République Démocratique du Congo ramenant sur la table de négociations l'épineuse question des M23. Il s'agit d'un sabotage et d'un chantage qui viennent saper les efforts, surtout l'optimisme de Luanda qui espérait voir l'aboutissement de ce long processus. La RDC a choisi de négocier avec le Rwanda, dans sa mauvaise foi. Ce pays, le Rwanda a choisi d’imposer une négociation directe entre la RDC et ce groupe rebelle, le M23 qui est sous sa coupe.
''On a passé plus de 9 heures sur le fait que le Congo est resté sur sa position de ne pas négocier avec le M23 dès lors que le point à l'ordre du jour n'avait pas été respecté. C'était inutile pour nous de continuer..., si rien n'est fait dans ce sens avec le M23. Kinshasa risque encore d'accuser le Rwanda'', affirme le chef de la diplomatie rwandaise.
Dans ce communiqué, il mentionne encore les menaces dont sont victimes les autorités rwandaises de la part des autorités de Kinshasa. Un faux prétexte selon un diplomate congolais qui est plutôt déçu par ce comportement du Rwanda après ces efforts de Luanda.
''Et pourtant, il y avait une ébauche déjà élaborée que les deux chefs d'État devraient signer. Il veut nous imposer des exigences irréalistes'', a-t-il fait savoir avant de préciser que ''nous avons été invités et nous devrions aller jusqu'au bout''.
La porte-parole du chef de l'État, Tina Salama, estime quant à elle que ''le Rwanda a torpillé le processus de Luanda''.
Le retour de la paix n'est pas pour aujourd'hui à l'Est du pays avec le dos que vient de tourner le Rwanda à l'accord qui devrait aboutir à la cessation des hostilités, au retour des populations déplacées suite à cette guerre d'agression.
Sur terrain, l'on signale la prise de la localité de Matembe par ces rebelles du M23 soutenus par le Rwanda. Au regard de ce revers, Kinshasa doit changer des narratifs sur cette question, abandonner les déclarations condamnant ce pays de soutenir le M23 et créer une manœuvre de mauvaise foi de saper le processus de Luanda, plutôt de passer à une autre option car toutes les voies ont été épuisées sans succès.
La Gazette du Continent.