Mboka Kongo - Décolonisation et Renaissance de notre nation : de l’union des partis politiques à l’union politique des tribus

Mboka Kongo - Décolonisation et Renaissance de notre nation : de l’union des partis politiques à l’union politique des tribus

Comme je l’ai démontré dans mes précédents articles, le modèle de gestion de notre pays reste colonial à tous les niveaux : politique, économique, religieux, socio-culturel. Conçu pour la domination, il est à l’image du Roi Léopold II qui a vécu somptueusement aux dépens du peuple congolais : fortune en millions de francs, villas à la côte d’Azur, bateau et wagon luxueux, jeunes femmes comme 2ème bureau, etc. Notre classe politique le copie et mène, elle aussi, une vie de faste dans les quartiers huppés de Kinshasa ou à l’étranger. Quoiqu'elle ne se rende auprès du souverain primaire que le temps de la campagne électorale pour lui prendre le pouvoir, elle ne se prive pourtant pas de l’accuser de lui inoculer le tribalisme. Les regroupements politiques, conçus pour exercer le pouvoir sans partage, sont souvent utilisés contre les tribus. Dans cet article, je récuse cette accusation étant donné que nos tribus ne participent pas à la gestion du pays quoiqu'elles en aient les compétences. Ce qui a été maintes fois prouvé dans leur mode d’administration efficace des nations et des pays qu’elles ont construits. C’est le sens de mon appel à l’Union Politique des Tribus en lieu et place de l’Union des Partis Politiques.   

En effet, ainsi que le soutient le professeur Mwayila Tshiyembe, contrairement à certaines idées reçues, l’ethnie est une organisation sociale historique qui égale à la nation. En contexte africain et suivant notre tradition ancestrale, confirme le professeur Tshitenge Kaleka, les tribus, clans, ethnies, pays, états, nations, peuples, races, etc., désignent une même réalité. C’est en raison de cette donnée importante que les tribus rejettent l’exclusion dont elles sont victimes dans la construction du pays et souhaitent ardemment y participer. C’est pour cela qu’il y a des manifestations ou des prises de parole de leurs membres pour se faire entendre. Par exemple, lorsqu’un des membres de telle ou telle autre ethnie est nommé à un poste politique important par le Chef de l’État, les représentants remercient ce dernier en ces termes : « Nous, les ressortissants de... remercient le Chef de l’État, Son Excellence... d’avoir élevé à la dignité de... notre frère/sœur... Par la même occasion, lui exprimons notre indéfectible attachement ... ». A l’inverse quand un heureux promu tombe en disgrâce et est menacé de licenciement ou est renvoyé, ils montent au créneau pour le défendre : « Nous, les ressortissants de.... condamnons avec la dernière énergie... l’acharnement contre un/une digne fils/fille de notre contrée/tribu... et exigeons... sans condition... » (A. Tshitenge Kaleka, 2022, p. 7-8 ; 10).

En général, c'est l’unique mode d’apparition de la tribu sur la scène politique nationale. C’est aussi à travers ces manifestations sporadiques qu’elle est condamnée sous le motif de tribalisme. Celui-ci entre en jeu à travers les agissements des acteurs politiques dans leur recherche d’accession au pouvoir. Il peut aussi se rapporter au fait que les mêmes acteurs politiques nomment au sein des structures étatiques qui leur sont confiées, à tous les niveaux, certains proches parmi lesquels se retrouvent leurs enfants, épouses, amis de naissance ou d’école ou bien des connaissances. 

Ce sont ces membres recrutés dans des cercles restreints autour des responsables que les adversaires politiques pointent du doigt pour accuser leurs concurrents de tribalisme. Dès lors, tout le monde accuse tout le monde de tribalisme sans que la tribu, accusée, n’ait eu un moindre rôle à y jouer. Au contraire, c’est très souvent à Kinshasa ou bien à l’étranger que sont organisées des fêtes grandioses après des nominations à des postes politiques. Pourtant, bien de personnes dans ces cercles politiques, dont beaucoup ont étudié dans des écoles consulaires ou privées et sont engagés à Kinshasa ou à l’étranger, ne fréquentent les régions d’origine ni ne parlent les langues locales.

L’ethnie ou la tribu sert ainsi de caution morale pour des revendications politiques personnelles. Souvent, pour ces cercles d’amis, les tribus auxquelles ils se réfèrent ne vont pas au-delà de leurs milieux kinois. Car les membres des familles ou les amis qui sont nommés sont aussi des habitants de Kinshasa ou viennent de l’étranger. C’est pour cela que d’une façon générale la tribu ou l’ethnie qui se retrouve sur le banc de l’accusation politique y est totalement absente.

Généralement, c'est dans le but de conserver le pouvoir pour eux-mêmes que les acteurs politiques font intervenir les velléités ethniques comme ce fut le cas au Nigéria lors de la guerre de Biafra ou bien chez nous avec les sécessions du Katanga et du Kasaï. Le but n’est pas de mettre la tribu au pouvoir, mais de se maintenir au pouvoir en se servant de la tribu. Elle reste ignorée tant que l’on garde le pouvoir et surgit au moment où celui-ci est menacé ou doit quitter telle ou telle autre personne (J. Wolf et C. Brovelli, 1969, p. 26).

Ma proposition est de ne plus se servir de la tribu ou de l’ethnie pour accéder et se maintenir au pouvoir dans son unique intérêt, mais de mettre cette entité au centre du jeu politique au Congo pour le bien de tous. Cela d’autant que nos tribus et nos ethnies se sont constituées comme des entités politiques. Chaque tribu a des frontières reconnues, une langue, une économie et un système de gouvernement communs. Dans notre pays, nonobstant le désordre actuel qui résulte des fameux accords de Sun City, chaque tribu, ethnie ou peuple, connait ses limites territoriales. Elles n’ont pas été tracées au compas, mais résultent de l’occupation progressive et acceptée des espaces rencontrés. La colonisation, malgré sa violence, n’est pas parvenue à les effacer. Pas plus qu’elle n’a pu le faire avec les langues et la coutume. C’est grâce à leur victoire que nous sommes en vie. Les oppositions tribales qui apparaissent çà et là résultent bien souvent des frustrations ou de l’instrumentalisation des hommes politiques vivant loin des foyers dans lesquels ils allument le feu. Car dans notre pays, je l’ai dit précédemment, le régime colonial a érigé un mur rigide entre son élite à qui il avait remis le pouvoir afin de mieux le conserver et les ethnies ou les tribus ainsi que leurs villages qui ont été exclus. C’est ce mur qui présente les tribus comme ennemies de la démocratie et de la gestion de la nation congolaise (Cfr le discours du Roi Baudouin 1er le 30 juin 1960). 

Cette opposition est préjudiciable à la bonne marche du pays. Il est temps de rétablir la justice et de donner à nos tribus, à nos ethnies, à nos peuples, la personnalité juridique qui leur est refusée jusqu’aujourd’hui. Cela veut dire qu’ils peuvent recevoir un statut politique qui les transformera en provinces à l’instar de la province des Bakongo appelée Province du Kongo Central. Certains trouveront que cela va engendrer un désordre généralisé et que le pays va être définitivement divisé. L’exemple de la province des Bakongo contredit cette perception. Car ils sont unis et restent unis à la République. Si cette Province éprouve souvent du mal à se faire entendre, c’est justement parce qu’elle demeure toute seule dans le genre. Il s’agit maintenant de faire de cette exception la règle. C’est ce que j’appelle l’Union Politique des Tribus à l’exemple de la province du Kongo Central, Province des Bakongo, justement.

Il ne s’agira plus de se battre pour arracher des postes politiques à Kinshasa pour y demeurer sans s’en occuper et prétendre se soucier des tribus lointaines, mais de gérer convenablement sa province tribale et natale, en y habitant, pour le bien de la tribu, de l’ethnie, entière à l’exemple de nombreux pays dans le monde comme l’Allemagne, la Suisse, la Belgique, l’ancienne Libye de Kadhafi ou encore le Japon. Les performances des uns vont réveiller la léthargie des autres. Notre pays qui a un peu plus de 400 ethnies, enregistre plus de 600 partis politiques. Donc, même si toutes les ethnies devenaient des provinces, il y en aurait moins que les partis politiques à la croissance métastasique et qui ne vont plus avoir de raison d’exister. Car les unions des partis politiques ne servent que les intérêts de ceux qui les forment. En ce qui concerne ces nouvelles provinces, les unions politiques entre elles réduiront fortement leur nombre sans que ceci soit une nécessité absolue.

Une telle réforme qui va engendrer la refondation véritable de notre pays, elle va apporter une paix durable car les tribus auront enfin ce qu’elles ont toujours réclamé, c’est-à-dire le pouvoir chez elles. Elles vont renaître ou lieu de périr comme on le voit actuellement. Nos langues et nos coutumes vont aussi refaire surface. Le Congo étant celui des Ancêtres, nos richesses naturelles du sol et de sous-sol ne seront plus bradées à la léopoldienne par des hordes des prédateurs, mais sauvegardées par leurs gardiens authentiques.

Je propose que les chefs des provinces, les Rois, forment le futur parlement autour du Chef de l’État, l’Empereur de Mboka-Kongo, dont le mode de désignation sera déterminé par le nouveau parlement. Vu le nombre d’ethnies transformées en entités politiques, le parlement gardera le nombre actuel des membres, à la seule différence qu’il sera désormais composé des véritables représentants du peuple résidant auprès de lui. Ainsi les sessions parlementaires auront un vrai sens car les députés viendront de chez eux pour un bref temps au chef-lieu de l’Empire, auprès de l’Empereur, et retourneront avec des solutions aux problèmes réels de leurs populations.

 

Prof. Kentey Pini-Pini Nsasay,
Université de Bandundu (Uniband) et Institut Africain d’Études Prospectives (Inadep)

 

Notice bibliographique

- A. Tshitenge Kaleka, Les affirmations ethno-régionalistes et l’appartenance nationale, dans Cahiers des Religions Africaines, 2022, Vol.3, n°6 ;  
- J. Wolf et C. Brovelli, Guerre des rapaces, la vérité sur la guerre du Biafra, Paris, Albin Michel, 1969.

 

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