C'est avec une profonde tristesse que nous nous interrogeons : regrettons-nous le Maréchal Mobutu ? À l'époque du Maréchal, les communautés Hema et Lendu coexistaient en Ituri sans se livrer à des massacres mutuels. De même, à Mambassa, les Pygmées ne vivaient pas dans la peur de se faire dévorer par un marabout cannibale.
Les Ntore tutsi dansaient pour Mobutu, symboles d'une paix retrouvée. Ils étaient présents dans des entreprises comme la Gécamines, SNCZ, BDP, SOZACOM, et personne ne mentionnait Minembwe. Les Bazombo étaient intégralement zaïrois, sans que cela ne dérange personne. Ils faisaient partie intégrante de la société, représentés par des figures telles que Ngunza Tchang-Laï, Matadidi Mario, Mavuba, Mvuzatoko, Mpembele, Tangi & frères, Kilou Olivetti, Dos Santos, Nimy Nsansi, et bien d'autres.
Les Congolais "ya CFA" traversaient le Beach Ngobila bien avant l'ère de Wendo. Antoine Mundanda a été célébré à Kinshasa. Extra-Musica, sans hésitation, est devenu une version miniature de Wenge Musica, enregistrant même au studio Maman Angebi. Youlou Mabiala est reconnu comme l’héritier musical de l’OK Jazz.
Qu'en était-il des Congolo-Zaïrois ? Le mariage intertribal et interethnique était courant, chacun épousant qui il voulait, sans considération de tribu ni d'origine. Ce brassage a produit des personnalités telles que Seti Yale, Loko Massengo, Koffi Olomide, JP Bemba, Losembe Cardozo, Olivier Kamitatu, d’Oliveira Kyungu, Moïse Katumbi, Abeti Massikini, José Endundo, Lokwa Kanza, Olive Lembe, Maurice Poto, Engulu Léon, Bobi Ladawa, Keisha, et d'autres. Prenons l’exemple de Lokanga Lwadjo Pene Lwambo Makiadi, dit Franco de Mi Amor, qui incarnait ce mélange intertribal avec sa verve tetela et ses origines mukongo.
Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une fragmentation en "provincettes" avec des gouvernements dont l'efficacité reste à prouver. Des ministres en pagaille pullulent à travers la RDC, créant peut-être des emplois pour réduire le chômage des cadres. Les mobutistes se sont transformés en kabilistes convaincus, peuplant l'AMP. Comme si de rien n'était, la continuité après Mobutu s'est traduite par un tribalisme et une guerre permanente.
Nous voyons des distinctions entre les gens de l’Est et de l’Ouest, avec des tentatives d'imposer des langues. Les Bazombo sont chassés, les Hemas et les Lendus s’entretuent, les Kivutiens ont oublié que le Kivu était un paradis à force de compter les morts. Les Tutsis, associés au CNDP et à des criminels recherchés par la CPI, se revendiquent de Minembwe. Les richesses du pays s'évaporent par Kasumbalesa et ailleurs. Le Rwanda, sans ressources minières propres, devient de miraculeusement producteur de coltan et de diamants grâce aux rebelles de toutes factions. Les FARDC ne ressemblent plus en rien à l’héritage de la Force Publique. Certains réclament le départ de l’actuel régime, d'autres son retour.
Est-ce cela le déluge ? Cela ressemble en tout cas à une inondation, une catastrophe progressive où tout semble se déliter.
Morceaux choisis par Jean-Claude Mvuemba
Président national du MPCR, ancien député national et ancien président de l’Assemblée provinciale du Kongo-Central
