Le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, Christophe Lutundula a fait un bref rappel de l’approche actuelle de la République Démocratique du Congo sur la crise sécuritaire grave qui sévit depuis un quart de siècle dans sa partie orientale, plus précisément dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, victimes des activités criminelles des groupes armés terroristes dont le Mouvement dit du 23 mars, M23, soutenu en matériels de guerre et en hommes des troupes par le Rwanda, agresseur pays connu des Nations Unies.
Par sa lettre du 1er septembre 2023 au Président du Conseil de Sécurité, il a communiqué la vision et les propositions du Gouvernement de la RDC pour un partenariat efficace et fructueux avec l’Organisation des Nations Unies afin de rétablir réellement et durablement la paix ainsi que la sécurité sur l’ensemble de son territoire national ; ce qui, sans nul doute, contribuera à restaurer la confiance rompue entre elle et le Peuple congolais et à redorer l’image ternie de cette Organisation.
Afin d’arrêter la dégradation continue de la situation, de donner les chances de réussite aux processus de paix de Nairobi et de Luanda et de prévenir le pire, il a non seulement suggéré de « clarifier le mandat de la MONUSCO » mais aussi signifié « la préférence du Gouvernement de la R.D.C de voir la MONUSCO concourir à l’imposition de la paix, Peacemaking, et équipée d’un armement adapté aux défis et enjeux du moment » face à une armée conventionnelle d’un État membre de l’ONU, les Forces de Défense du Rwanda, RDF, et à ses supplétifs du M23.
Au demeurant, cette demande recoupait la déclaration du Secrétaire Général de l’ONU, Monsieur Antonio Guterres, à la presse internationale, reconnaissant avec beaucoup de sincérité et un sens élevé de responsabilité, l’impossibilité pour la MONUSCO d’affronter le M23, en possession d’armes lourdes et plus sophistiquées que les siennes, d’une part, et, d’autre part, proposant, lui aussi, de renforcer son mandat ainsi que ses équipements militaires pour qu’elle accomplisse ses missions statutaires de protection des populations civiles et d’appui aux FARDC.
Antonio Guterres, Secrétaire Général de l’ONU
« Par ailleurs, j’ai, à la même occasion, renouvelé la requête du Gouvernement congolais au Conseil de condamner fermement l’agression de notre pays par le Rwanda et de sanctionner sévèrement les auteurs matériels et intellectuels des crimes de guerre et de ceux contre l’humanité commis sur notre territoire national », déclaré Lutundula.
Cependant, dans sa résolution 2666(2022) du 20 décembre 2022, le Conseil de Sécurité n’a tenu compte ni des préoccupations et propositions du Gouvernement de la RDC ni des conseils judicieux du Secrétaire Général. Il a renouvelé le mandat de la MONUSCO sans aucun ajustement, comme si de rien n’était. A l’évidence, cette attitude figée du Conseil de Sécurité, fermant les yeux sur les réalités du terrain, faisant fi des revendications légitimes des Congolais et refusant de requalifier le statut de la MONUSCO, n’a pas donné à la dynamique de la paix à l’Est de la RDC une impulsion nouvelle.
Bien au contraire, comme on pouvait s’y attendre, l’hostilité de la population contre la MONUSCO au Nord-Kivu s’est accrue, plaçant son personnel dans la psychose de l’insécurité et provoquant les incidents violents du 30 août 2023 à Goma avec la mort de 42 Congolais, après ceux de juin-juillet 2022 à Goma, Béni, Butembo et Kasindi au cours desquels 30 Congolais et 5 casques bleus ont perdu la vie.
Comme en témoigne le dernier rapport du Secrétaire Général au Conseil de sécurité en date du 02 août dernier, la situation sécuritaire au Nord-Kivu n’a fait que se détériorer et la tragédie humanitaire s’est amplifiée touchant à ce jour environ 5 millions des personnes déplacées. La tension dans la Région n’a pas, non plus, baissé.
Impunité assurée du Rwanda par l’ONU
Paul Kagame, président rwandais
Garantis de l’impunité le Rwanda et le M23 s’entêtent à ne respecter aucun engagement pris, à ne pas appliquer le plan de paix issu des processus de Nairobi et de Luanda, à ne pas se soumettre aux recommandations de la communauté internationale et à ne pas répondre aux appels répétés du Conseil de Sécurité de l’ONU, de l’UA, des Communautés régionales africaines et des partenaires bilatéraux au retrait des territoires congolais occupés.
À ce jour, le Rwanda renforce ses troupes au Nord-Kivu. Le M23 refuse le pré-cantonnement au camp de Rumangabo, le désarmement et le cantonnement dans les sites aménagés dans la province du Maniema avant son retour au processus de Nairobi et l’intégration de ses membres au Programme de Désarmement-Démobilisation-Relèvement Communautaire et Stabilisation, P-DDRCS. Pour tout dire, le processus de règlement de la crise sécuritaire à l’Est de la RDC et dans la Région des Grands Lacs est aujourd’hui totalement bloqué par eux.
Ce que d’aucuns considèrent à tort comme une accalmie n’est en réalité qu’un simulacre de cessation des hostilités de la part du M23 et de son géniteur, le Rwanda, mieux un enlisement qui leur permet de consolider l’occupation de la province congolaise du Nord-Kivu par l’armée rwandaise et la tentative de partition de notre pays.
« Je le répète, une fois de plus, le Peuple congolais, son Président, Son Excellence Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo et son Gouvernement ne peuvent jamais accepter un tel martyr et une telle infamie auxquels aucune fatalité ne les prédestine ni les condamne », tonne le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères de la RDC.
C’est pourquoi, afin d’éviter de tourner en rond alors que la gravité de la situation exige célérité et efficacité dans l’action, notre Gouvernement a opté pour l’accélération du retrait de la MONUSCO décidé par le Conseil de sécurité, depuis 5 ans, dans sa résolution N° 2409 (2018) du 27 mars 2018, en ramenant le démarrage de ce retrait progressif, ordonné, responsable et durable de la fin de l’année 2024 à celle de l’année 2023 en cours. Ce réaménagement tactique du retrait de la MONUSCO vise les objectifs ci-après :
1. désamorcer la tension toujours croissante entre la MONUSCO et la population et éviter de reproduire les tristes expériences d’un retrait précipité, forcé et parfois dans la violence des troupes de l’ONU (Angola, Burundi, Éthiopie, Somalie et actuellement en Afrique de l’Ouest) ;
2. prévenir la répétition des incidents dramatiques de Goma, Béni, Butembo et Kasindi ;
3. Assurer une sortie honorable à la MONUSCO et préserver les acquis de son action en RDC ;
4. restaurer la confiance entre la population congolaise et les Nations Unies, recrédibiliser celles-ci et redorer l’image de l’ONU ternie ;
5. expérimenter d’autres mécanismes de partenariat avec l’ONU pour la paix, mieux élaborés et plus efficaces sur base des besoins réels et des priorités actuelles de la RDC afin de résorber la crise sécuritaire et humanitaire dans le pays et dans la Région des Grands Lacs.
À ce sujet, il est essentiel de rappeler que la priorité et l’urgence du moment pour la RDC en matière sécuritaire sont : la fin de l’agression rwandaise et le retrait de ses troupes du Nord-Kivu, l’éradication des groupes armés terroristes au Congo dont le M23, le retour des populations déplacées à leurs domiciles, la restauration de l’autorité de l’État congolais dans les territoires occupés par le M23, l’organisation des élections sur l’ensemble du pays et la mise en œuvre du Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation, P-DDRCS, en un mot, la restauration de la paix et de la sécurité dans tout le pays.
C’est ici le lieu d’affirmer qu’il est temps que l’ONU tire les leçons de ses interventions en Afrique et change de paradigme quant à ses missions de paix dans notre continent. En vue d’atteindre les objectifs ci-dessus, le Gouvernement de la République Démocratique du Congo demande avec insistance au Conseil de Sécurité, d’une part, de s’inscrire dans la logique de l’accélération, et non de la précipitation, du retrait de la MONUSCO qu’il importe de démarrer au plus tard à la fin de 2023 ; accélération préconisée, par ailleurs, par le Secrétaire Général de l’O.N.U dans son dernier rapport prérappelé et, d’autre part, d’instruire le Secrétariat Général d’engager en urgence des discussions avec le Gouvernement de la RDC dans le cadre du Comité conjoint institué par la résolution n°2409 du 27 mars 2018 susmentionnée, sur les matières ci-après :
1. l’élaboration par l’État-Major des Forces Armées de la RDC (FARDC) et le Commandement des Forces de la MONUSCO du plan de désengagement et du chronogramme de retrait progressif et ordonné des troupes onusiennes ;
2. la définition des modalités pratiques de transfert graduel des activités assurées par la MONUSCO, aux Agences traditionnelles, Fonds, Programmes de l’ONU ainsi qu’au Gouvernement de la RDC ;
3. la diminution progressive des effectifs de la MONUSCO ;
4. l’élaboration du plan opérationnel de la mise en œuvre du retrait ;
5. la définition précise des tâches à accomplir par la MONUSCO pendant la transition au titre de quatre jalons retenus dans le plan de transition révisé, à savoir, la sécurité, la protection de la population civile, l’accompagnement électoral et le P-DDRCS.
Le rapport des travaux du Comité conjoint sur les questions fondamentales ci-dessus devra être déposé au Gouvernement de la République et au Conseil de sécurité au plus tard à la fin du mois d’octobre prochain. Il va de soi que le retrait de la MONUSCO sera évalué régulièrement et les difficultés qui surgiront en cours d’exécution, seront examinées conjointement par les deux parties, congolaise et onusienne pour des solutions idoines.
« Notre Gouvernement attend, en outre, du Conseil de sécurité que, lors de sa session du mois de décembre prochain, il tire toutes les conséquences de la nouvelle approche du retrait de la MONUSCO dans la résolution qu’il adoptera sur son statut ».
Cependant, deux préoccupations pertinentes sont revenues comme un leitmotiv dans les déclarations des interlocuteurs de la RDC, à savoir, la protection des populations civiles après le départ de la MONUSCO et la coordination des initiatives régionales pour la gestion de la crise sécuritaire en Ituri et au Nord-Kivu. La RDC remercie tous ses partenaires pour l’intérêt qu’ils portent sur le retour de la paix et la fin de la guerre dans ces deux provinces ainsi que pour leur marque de solidarité avec le Peuple congolais.
Ce serait manquer de sagacité et contraire à la vérité que de considérer le retrait de la MONUSCO comme une fin en soi et une panacée à l’insécurité ainsi qu’aux violences récurrentes à l’Est de la RDC et dans la Région des Grands Lacs. Ce retrait participe plutôt à la facilitation et aux efforts de déblocage d’un processus de paix très laborieux et fort complexe délibérément bloqué par le Rwanda et ses supplétifs du M23 qui continuent ainsi à défier le Peuple congolais et à narguer la Communauté des Nations.
Ce pays voisin et ce groupe armé terroriste ont transformé le Nord-Kivu en une poudrière qui n’attend qu’une étincelle pour embraser de nouveau cette province martyr depuis deux décennies et demie.
« Notre pays espère que cette fois-ci, le Conseil daignera s’y pencher et suivra les bons exemples du Gouvernement des États-Unis d’Amérique qui a sanctionné le Rwanda pour son soutien aux terroristes du M23 et de la France qui vient de sanctionner deux dirigeants du même groupe et des criminels des Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda ».
Avertissement de la RDC sur la situation dans sa partie orientale
« Agissez, agissez avant qu’il ne soit trop tard. Il est temps de dire le droit en sanctionnant l’agression avérée de la RDC par le Rwanda et les crimes du M23 sur le territoire congolais. Il est grand temps de hausser le ton en sommant sans équivoque aussi bien le M23 à déposer les armes, à aller en cantonnement dans les sites prévus à cet effet et à s’intégrer dans le P-DDRCS, que le Rwanda à retirer sans condition ses troupes du Congo et à cesser son soutien au M23 ».
Pour sa part, la RDC n’a pas failli à ses engagements. Elle ne cessera jamais de se battre pour protéger l’intégrité territoriale et l’indépendance de territoire et assurer le bien-être de sa population. C’est pourquoi, dans le plus bref délais, des Congolais forcés au déplacement intérieur par la guerre nous imposée par le Rwanda et le M23, rentreront à leurs domiciles pour y exercer leur droit légitime d’élire leurs dirigeants à tous les niveaux et ne peuvent plus continuer à vivre comme du bétail dans les camps de fortune des déplacés.
La Gazette du Continent