La culture, c’est ce qui reste quand on a tout perdu, comme cette tradition ancestrale et séculaire entre les tribus Basoko (Basoo) et Lokele dans l’ex-province Orientale, Haut-Zaire, aujourd'hui province de la Tshopo issue du nouveau découpage territorial.
Malgré une certaine idée reçue, les Lokele et les Basoko ne sont pas des Swahili, mais des Swahiliphones car ils parlent aussi la langue Swahili en dehors de lingala, suite à l’influence arabe lors de la traite négrière dans cette partie orientale du pays, la langue Swahili; un vestige de cette époque esclavagiste.
Les deux tribus font partie des Anamongo qui regroupent plusieurs tribus dans l’ex-Équateur, province Orientale et une partie du Kivu voire aussi du Kasai central avec les Batetela ayant une ascendance commune et des ancêtres communs.
Reconnaissables par leurs cultures, us et coutumes et leurs patronymes. Des noms qui se confondent et se ressemblent selon les differentes provinces. On a par exemple : des Nkoy, Longange, Litoke, Booto, Bolongo, Bolenge, Lififa, Lifofa, Elongo etc.... ils s’appellent souvent les Moyomba, Oncle en Swahili et Noko en lingala entre les Lokele, Basoko, Mongo, Batetela, Bakusu, Topoke, Bangando, etc...
Aujourd'hui, je vais plus parler de la tradition ancestrale qui lie les Lokole et les Basoko les ’’Noko’’.
Leur proximité fait en sorte que leur tradition soit très visible entre les deux tribus, et qui ont en commun la pêche comme centre d’intérêt. Les Basoko et les Lokele sont des pêcheurs invétérés, toujours à la traque des poissons, capables de pêcher la nuit comme le jour.
Un Mosoko cadre dans une société de la place ou un Lokele, choisira la pêche comme destination une fois en vacances. Des pêcheurs traditionnels à part quelques exceptions surtout chez les Basoko. Il y a des Basoko pêcheurs, riverains et Basoko terriens ’’ya mokili’’ des agriculteurs.
Un Mosoko affamé qui arrive dans un campement de ses oncles Lokele aura droit à quelques poissons pour aller se restaurer non sans quolibets : ’’prenez, allez manger mon esclave, c’est moi votre roi Lokele ’’.
Toujours dans la bonne humeur, un Lokele aura le même traitement le jour de sa disette de la part de son oncle Mosoko son roi, et vice-versa.
Lors des funérailles, ce sera alors très flagrant, la prédominance de la tradition aux obsèques d’un Lokole ou d’un Mosoko.
Au décès d’un oncle Mosoko, les Lokole viendront en grand nombre pour enterrer ce dernier avec des quolibets et moqueries comme pour dire : cette mort est un sacrifice rituel de la part des sorciers Basoko pour une pêche fructueuse, la victime serait sacrifiée au génie des eaux ’’monama", ou encore au ’’fhonoli ’’le génie de la forêt tropicale.
Ce sera la routine à chaque fois qu’il y aurait un décès dans les deux tribus, surtout si c’était dû au naufrage.
Pour un Mosoko décédé, ce sont ses oncles Lokele qui vont transporter le corps jusqu'au cimetière, pas les membres de la famille éprouvée ni même ses proches ; la même chose se fera pour un Lokole décédé ; la provocation sera alors en son comble, mais avec l’interdiction formelle de se fâcher ainsi veut la tradition.
Arrivé au cimetière, un membre de la tribu Lokele ou Mosoko va descendre dans le trou avant la descente de cercueil. On va alors le supplier de sortir du trou afin que l’enterrement se fasse enfin. Il faudra le supplier avec quelques billets de banque symboliques. Un brin taquin.
Toujours dans la bonne humeur.
Après l’enterrement, tout le monde va rentrer calmement chez lui après une petite collation. Avec toujours l’esprit de revanche de la part de la tribu éprouvée qui venait de se faire humilier, et accuser de la sorcellerie.
’’Attendez-vous au pire le jour que vous serez éprouvés aussi !"
Une promesse qui finira par être tenue lors d’un décès dans l’une ou l’autre tribu.
Voilà une tradition ancestrale qui existe encore aujourd'hui et qui résiste à l’usure du temps. Mon seul constat : les deux tribus ne se marient que très rarement malgré leur proximité.
Parce que c’est une seule famille ?
Les Lokele célèbres : Mokili Saio, Gal Bangala Botowangana, Tokwaulu, Lofombo Geleme, Sombele Jadot etc...
Les Basoko célèbres : Likulya Bolongo, Boose Nkoy Victor, Aïke Nzambe, Makula Joseph, Amundala, Etisomba Lokindji, Evoloko Lay (côté maternel) ,Lingulongo Norbert, Aungane Pierre (Monama) etc....
Dary Abega