Joseph Kasa-Vubu et certains leaders de l’Abako sont arrêtés et présentés devant les juges, le 23 janvier 1959, après les événements du 04 janvier 1959.
Traqué par la Force publique, Kasa-Vubu avait disparu à Léopoldville, il était devenu l’homme le plus recherché du Congo (l’ennemi public numéro un). Après 4 jours de clandestinité, Kasa-Vubu finit par se rendre aux autorités coloniales. Son procès, avec d’autres leaders de l’Abako va s’ouvrir le 23 janvier.
Il sera défendu par Maître Croquez et Van Bilsen qui seront ses futurs conseillers comme chef de l’Etat, le général Nyamasseko qui l’avait arrêté et giflé, sera son officier d’ordonnance.
Kasa-Vubu était un petit homme timide, portant lunettes, et dont un ancêtre, dit-on, fut l’un de ces Chinois venus construire vers 1895 le chemin de fer Matadi–Kinshasa.
Le dimanche 4 janvier 1959, la poudrière éclate dans la capitale, malgré les appels au calme de Kasa-Vubu. L’émeute gronde, le sang coule. L’armée intervient, Kasavubu est arrêté et considéré comme responsable de l’explosion.
Où était-il caché ?
Après avoir prononcé son bref discours devant la foule surexcitée à la Place Ymca, Kasa-Vubu rentre chez lui au 1 avenue Inzia dans la commune de Dendale (l’actuel Kasa-vubu) sur le rond-point Gambela, il est surpris par la présence des policiers.
Un de ses amis le reconnaît, et le prend à bord de sa voiture pour l’amener en catastrophe vers un quartier africain éloigné du centre de la ville, Léo II. En prenant l’avenue Prince Baudouin, depuis Léo II, il est ramené à Foncobel (Kimbangu) chez un cadre de l’Abako, en traversant Bandal et Mboka-Sika (Ngiri-Ngiri).
Foncobel est en flammes, les magasins des Portugais, Juifs, Grecs sont pillés et incendiés.
Kasa-Vubu et son ami perçoivent un groupe de militaires , Kasa-Vubu craint d’être abattu, et reste chez ses hôtes, après quelques minutes d’atermoiements, son ami le dissuade d’aller se mettre à l’abri à Yolo chez le bourgmestre Arthur Pinzi, ils seront rejoints par Gaston Diomi.
Ne se sentant pas en sécurité, il va chez les parents de son ami, l’abbé Jean Loya à Yolo-Nord. Il est activement recherché, l’Armée commence à investir Yolo-Nord.
Kasa-Vubu se résout à atteindre son fief du Bas-Congo. L’abbé Jean Loya propose de lui prêter une soutane, et d’enduire son visage qui était très clair et ses mains de la cendre.
Au soir du 7 janvier, les deux amis vêtus des soutanes roulent sur l’avenue Bay-Pass en traversant Lemba, vers l’Université Lovanium, (Unikin). Du fait du profond respect qu’inspirent les prêtres, ils passent sans heurts tous les barrages dressés par l’Armée.
Kasa-Vubu dépasse le campus, et toute la brousse de Kindele, pour atteindre la gare de Kimuenza, il est exténué, mort de faim et de fatigue, il s’assoupit.
A l’aube, il reprend sa route, mais il s’est trompé de direction. Il n’est pas en train d’aller vers le Bas-Congo, mais il revient à Léopoldville, et se retrouve à Rifflart. En ce jeudi 8 janvier, les avions militaires font des rotations dans le ciel, tout est bouclé. Les passants commencent à remarquer bizarrement cet étrange abbé au visage et mains salis, dont la soutane est maculée et déchirée.
Les avions ne cessent de tourner au-dessus, une autre patrouille est prévue pour l’après-midi.
Il décide finalement de se rendre, au lieu d’être arrêté comme un vulgaire délinquant.
Sa maison est ceinturée par une forte présence militaire. Il se présente calmement auprès d’un policier gardant la porte, et leur dit, comme si de rien n’était : « S’il vous plaît, voulez-vous m’ouvrir ? » On le fait entrer. Les policiers téléphonent au Commissariat, d’où deux commissaires font irruption, et l’amenèrent au commissariat central ; ensuite auprès du procureur-général Lafontaine. Acheminé au camp Léopold (Kokolo), il sera gardé dans une petite cellule, et giflé par un des premiers gradés de la force publique, Nyamesseko.
Kasa-Vubu n’était pas seul, il y a eu des anonymes, de compagnons, de dirigeants et activistes de l’Abako, non des moindres qui ont joué un rôle déterminant dans la mobilisation de la population le 4 janvier 1959, mais qui sont oubliés. Ils ont été arrêtés par le pouvoir colonial mais leurs noms ne sont jamais évoqués dans les manuels d’histoire, ils sont effacés dans la mémoire collective.
Pourquoi ne pas baptiser des rues, des écoles, des édifices ou des lieux publics des noms de ces personnes historiques qui ont lutté pour l’indépendance, c’est aussi un moyen de se souvenir de leur combat et de perpétuer leur mémoire dans la construction du récit national du Congo.
Il s’agit d’Edmond Nzeza Nlandu qui fut le président de l’Aboka, Daniel Nkanza Kinsona, Philémon Madudu, Esaïe Kiyena, Raphaël Batshikama, Raymond Bikebi, Antoine Makengo, Vital Moanda, Simon Nzeza, François Makungu, Joël Nsiku,Boniface Langa, Alphonse Masamba, Antoine Kitolo, Paul Ngumba, François Pululu,Gaston Diomi, Arthur Pinzi (jeune bourgmestre de Kalamu , un quartier à Yolo porte son nom), Alphonse Mangonda, Philibert Luyeye, Dominique Ndinga, Albert Ndombele, Simon Nkanga, Antoine Mawangu, Simon Malenga Diyoya, Jean Baptiste Nteke, Antoine Kingotolo, Joseph Mumbamuna,Robert Weyi Kiangudi, Jean Sala, Georges Masianga Fundu, Daniel Ngonda, Jean Landu Nzeza.
Jean-Claude Mombong