L’histoire d'amour entre les deux Congo (Kinshasa et Brazzaville)

L’histoire d'amour entre les deux Congo (Kinshasa et Brazzaville)

’’Kinshasa-Brazzaville ezali mboka moko, kaka ebale ekaboli biso; ebale ya Congo ezali lopango te, ezali se nzela’’ ; Kinshasa-Brazzaville, les deux capitales les plus rapprochées au monde etc...

La littérature ne manquera jamais pour expliquer aux jeunes générations les liens consaguins et séculaires entre ces deux nations. Et jusqu'à présent, il y a encore des familles congolaises écartelées entre ces deux pays à partir du pool-Malebo (Stanley) jusqu'à plus loin dans la cuvette-centrale vers Lokolela, Mossaka etc...

Bien avant l’arrivée des explorateurs européens Henry Morton Stanley (anglo-américain) et Pierre Savargnon de Brazza (Italo-français) ,les deux peuples autochtones vivaient en harmonie ,et l’Île Mbamou au milieu du pool (bassin), fut un campement des pêcheurs Batéké - humbu qui s’adonnaient à leurs activités, commerces mais aussi un endroit où les sorciers faisaient leurs sacrifices rituels de victimes humaines.


Henry Morton Stanley 


Pierre Savargnon 

Les colons français et belges auront leur dernier mot. Deux États séparés par le fleuve Congo, verront donc le jour de suite à la colonisation, des familles qui seront désormais divisées.

Le Congo démocratique ex Congo- belge dans les années 40 -50 avait une longueur d’avance sur le Congo d’en face ; des entreprises, industries et autres compagnies de production, Léopoldville ,une ville moins peuplée à l’époque ,qui aura plus besoin d’une main d’œuvre qualifiée ou pas pour le travail. Ouvriers, manutentionnaires ,chaînes de production etc...

Les colons belges et français signèrent un accord de collaboration à cet effet . Léopoldville se trouvant seulement à un jet de pierre de Brazzaville, le problème de déplacement et de mobilité ne se poserait pas .

Les ouvriers congolais de Brazzaville pouvaient rentrer à’ Bea’’ pour un week-end en famille. L’argent circulait, le Congo- belge attirera les Africains de partout comme une sirène. D’où,’’ Lipopo Léo- Malebo, poto mohindo’’. Les Marsavco, Chanic, Chanimetal, Sedec, Otraco, les industries de disques vont prosperer, Texaf, Solbena , etc...il y avait de l’emploi pour tous, on ne chômait jamais à Léo. Journaliers ou pas. D’où, le début d’un exode rural dans le Congo belge. Il fallait voir Léopoldville puis mourir après.

Les lieux de divertissements ne manquaient pas après le travail, tout était presque centralisé dans la commune- mère de Kinshasa (Léopoldville).

Raison pour laquelle, les orchestres congolais de Léopoldville comptaient un grand nombre de ressortissants de l’autre rive parmi -eux. En tout cas tous ceux qui feront carrière sur l’autre rive séjourneront à Léo à une certaine époque de leur vie artistique.

Les joueurs de football comme les Tandou Paul de Vaticano, Bakekole ’’Lumumba ’’,Diantela Augustin de Vaticano puis V.Club, Kibiasi Vignal, Nganga Dafirma de Daring/ Imana et beaucoup d’autres moins célèbres étaient tous originaires de l’autre rive du fleuve-Congo, ou possédaient un des parents venant de l’une ou l’autre rive; Loko Massengo ’’Djeskain ’’par exemple, et de la famille comme le joueur Garry Ngasebe etc...

Le Congo- belge devait surtout ravitailler la métropole, la Belgique isolée pendant la guerre -mondiale 1940- 45. L’effort de guerre viendra de colonies belges d’Afrique: Congo-belge - Rwanda-Urundi.

Les autorités coloniales seront obligées d’agrandir la capitale Léopoldville en traçant d’autres nouvelles communes et leurs avenues, car, à l’époque, elle en avait que trois. (Léo I Kinshasa, Léo II Kintambo ; Kalina- Gombe comme cité européenne).

Les deux capitales (Léo-Brazza) joueront un rôle très capital dans la libération de la France et de la Belgique occupées par l’Allemagne- nazie économiquement et militairement. Raison pour laquelle le général Charles de Gaule viendra personnellement à Brazzaville en octobre 1940 pour lancer un appel solennel à la résistance. Brazzaville la capitale de l’AEF (Afrique Équatoriale Française).

Brazzaville la capitale de la France-libre.

C’était dans ce cadre là que les communes Saint-Jean, Dendale et Mboka-sika ’’Ngiri-ngiri sortiront des terres".

Une forte communauté congo- brazzavilloise s’installera dans la nouvelle commune de Saint- Jean (Linguala) et va y construire pour habiter dans la durée; la ville de Brazzaville fera office d’un prolongement de Léopoldville, avec libre-circulation entre les deux peuples. Saint- Jean comptera à l’époque une nombreuse population en provenance de ’’Bea’’; une autre population viendra de Ponton- sur- Mer ’’Pointe-noire’’ la ville- portuaire, de (Lari-Vili) en majorité et qui amènera dans ses bagages les grains et boutures pour les jardinages au Congo- belge. Les Pontonégrins seront orientés vers ’Ndjili -Brasserie’’ à des fins potagères.

Ndjili ,une commune- annexe. La culture du jardinage aujourd'hui partout au Congo démocratique venait de là. Un vestige de cette époque coloniale. La Blette appelée ’’Pointe -noire ’’en RDC en souvenir de ce legume amené par les agriculteurs originaires de la ville de Pointe-noire, Congo- Brazza.

D’après une certaine rumeur, la famille de la future icône congolaise de football Bahamboula Mbemba Jonas ’’Tostao ’’fut propriétaire d’une parcelle dans la nouvelle commune de Saint- Jean, qui malheureusement, sera refoulée en 1964; toutes les démarches entreprises en aval auprès de son nouvel acquéreur congolais de Léopoldville n’aboutiront à rien dans le seul but de récupérer une petite somme d’argent pour se refaire une vie au Congo d’en face. Ladite parcelle était tout justement à l’endroit où se trouvait le bar du journaliste- animateur radio Matete Kanda MK d’heureuse mémoire’’ Le micro d’or’’. La ’’famille Bahamboula’’ rentrera définitivement au village Bakongo sans ressources.

Elle ne va rebondir que grâce au talent de Tostao, joueur dans l’équipe de Diables- noirs et la sélection nationale les Diables- rouges, champions d’Afrique des nations 1972 au Cameroun. Une histoire occultée de sa vie.

Même l’actuel Chef de l’État Denis Sassou Nguesso avait ses habitudes dans la commune de Saint -Jean surtout tous les week-ends où il comptait de la famille.

Patatras !

Le tout va s’écrouler en 1964 et la cohabitation pacifique volera en éclat par la faute à Moïse Tshombe, le premier ministre congolais du régime Kasavubu après la fin de sa secession Katangaise .

La mort de Patrice Emery Lumumba en 1961 au Katanga chez le secessioniste Tshombe fut un choc pour les panafricains, une perte énorme pour les peuples du continent noir épris de liberté. Un espoir déçu.

Les gouvernements guinéen, ghanéen, malien et congo- brazzavillois apporteront leur soutien indéfectible aux Lumumbistes qui combattaient le régime de Léopoldville, et surtout, le président Alphonse Massamba Débat en tête qui fera de son pays, une base-arrière lumumbiste ;un bastion contre le régime de Léopoldville.Tshombe Moïse décria ce soutien avec véhémence.

Il va alors décider de refouler tous les ressortissants congolais - brazzavillois chez- eux, dénoncés par les petits enfants, amis à leurs enfants et voisins du quartier dans les rôles d’indicateurs en représailles, sans crier gare ;et dans leur sillage tous les Guinéens et Maliens voire Ouest- africains, chassés comme des malpropres sans ménagement abandonnant tout derrière. Maisons, emplois, jardins, amis ,copines etc....comme seuls biens apportés : les baluchons et malles sur la tête, les matelas, les velos, les valises rangées à la va- vite; plusieurs années de dures labeurs perdues à jamais . Ils prendront d’assaut le beach Fima ( Ngobila) sous bonne escorte avant une traversée sans retour.

Arrivés en catastrophe à Brazzaville, le gouvernement Massamba Débat désemparé devant cet afflux inattendu, va les installer dans un terrain vague en attendant ; sur un terrain appartenant à son propriétaire monsieur Ngobali cédé à l’État pour un temps, et qui deviendra plus tard l’arrondissement ’’Talai ngai ’’actuel, l’endroit fut avant constitué des deux petits villages: Madjiri et Intsiba aujourd'hui une grande agglomération.Tala -ngai comme un défi au régime de Léopoldville et à Tshombe Moïse ? Je n’en sais rien.’’Tala ngai’’ comme pour dire : Regarde- moi ou encore : Me voici ! Résumé en un seul mot : arrondissement 6 de Brazzaville, ’’Talangai ’’.

Beaucoup d’entre-eux, les Bakongo pour la plupart, des agriculteurs, rentreront même dans leurs villages d’origines avec regret d’avoir investis pour rien à Léopoldville. Les Ouest- africains maliens, mauritaniens, guinéens refoulés de Léopoldville vont continuer d’exercer leurs activités commerciales comme à Léopoldville dans cet arrondissement 6 aujourd'hui encore au marché de Talangai, un arrondissement commercial très animé.

Raison pour laquelle l’histoire entre les deux pays a toujours été rythmée par des conflits et réconciliations comme en1968 entre Mobutu et Massamba- Débat, plus tard avec Marien Ngouabi .Une véritable histoire d’amour. Pendant la guerre qui ravagea Brazzaville en 1997, les Brazzavillois trouveront refuge de l’autre côté du fleuve Congo ; et après la stabilité retrouvée, les Congolais de Kinshasa en situation illégale ,seront refoulés manu- militari par le général de la police Jean-François Ndenguet dans ’’l’opération mbata ya mokolo’’vers Kinshasa dans des conditions inhumaines et humiliantes; il en sera toujours ainsi entre les deux frères jumeaux qui s’aiment ,se haïssent et se détestent à même temps avant de se rabibocher à nouveau.

À une réconciliation succederait souvent une accalmie ensuite un conflit.

Le volcan semblait être éteint définitivement quand soudain, voici qu’en 2018 ,le massacre de la population Banunu- bobangi ( Balobo) à Yumbi et Yuki dans le Maï -ndombe ,va pousser une partie de la population congolaise de cette contrée d’aller trouver refuge de l’autre côté du fleuve -Congo chez leurs parentés dans le district de Makotimpoko/ Congo-Brazzaville ,Ils y sont encore aujourd'hui.

En plus de céder une centaine de kilomètres de terres au Rwanda par le gouvernement Sassou Nguesso à des fins agricoles, l’ennemi supposé de la RDC, ressenti comme de la trahison ; les Congolais d’en face pour ne pas arranger les choses sont allés planter un panneau pour l’occupation des terres congolaises à Kinshasa la capitale dans la commune de N’sele pour une exploitation agricole. Voyez- vous ?

Ça recommence à nouveau !

 

Dary Abega

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