Entre le président Mobutu et Franco Luambo : au commencement c'était la guerre !

Entre le président Mobutu et Franco Luambo : au commencement c'était la guerre !

Le musicien Luambo Makiadi ex François ou encore ’’Franco de mi-amor’’ était connu et reconnu comme étant un chantre de la deuxième République et du Mobutisme, certes, et pourtant au début ce n’était pas le cas.

Pourquoi ? voyons !

L’assassinat de Premier ministre Patrice Emery Lumumba en janvier 1961 au Katanga fut mal vécu par tous les nationalistes congolais, les panafricains et surtout les musiciens congolais de l’époque, Joseph Kabasele ’’Grand Kalle ’’un proche de Premier ministre assassiné ; il fera partie du premier gouvernement congolais à l’indépendance chargé de l’information. Il y avait aussi lWendo Antoine, Franco Luambo et Vicky Longomba parmi ceux qui désapprouvèrent cet ignoble assassinat commandité par les impérialistes.

Les chansons ne manqueront pas pour rendre hommage à ce digne fils d’Afrique et héros national de l’indépendance.

Des chansons comme ’’Ba nationalistes balati mokuya’’ de l’OK Jazz et ’’Emery wa baba’’ de Grand Kalle des hommages à titre-posthume dédiés à Lumumba.

Désormais, ils commenceront à se méfier de Mobutu Joseph-Désiré, ancien secrétaire particulier de Premier ministre assassiné, bombardé plus tard colonel, et chef d’État-major de l’ANC par le Premier-ministre et ministre de la Défense Patrice Emery Lumumba; pour eux, Mobutu fut à la base de la disgrâce de Lumumba après son premier coup d’État perpétré en septembre 1960 avec la neutralisation de Kasa-Vubu et Lumumba, alors que le seul objectif, c'était d’écarter ce dernier ; Mobutu sera qualifié de traitre et d’ingrat vu que c'était grâce à Lumumba qu’il devait son ascension sociale et sa promotion.

La mort de Lumumba plus tard n’arrangera pas les choses.

Tous ces musiciens nationalistes le détestaient ; la géopolitique du monde avait fait de Mobutu un traitre, d’après certains, Mobutu avait les moyens de faire éviter une mort si atroce et l’assassinat de son mentor Lumumba. Mais hélas....

Arrivés au pouvoir en novembre 1965 au bénéfice d’un coup d’État militaire accueilli timidement par la population congolaise ; Mobutu et le Haut Commandement militaire vont suspendre tous les partis politiques existants de leurs activités et instaureront une dictature militaire féroce.

Comme acte fondateur de ce pouvoir militaire et nouveau régime : La pendaison de la pentecôte en juin 1966 à la place de la cité à l’endroit où est construit l’actuel ’’stade des Martyrs’’ de Kinshasa devant des milliers de citadins venus nombreux assister en direct à la pendaison des 4 conjurés.

Un climat de terreur va alors s’installer dans le pays pendant les 32 ans de règne de Mobutu ; les Zaïrois seront mis au pas. Bâillonnés et réduits au silence.

Alors Franco Luambo le musicien, sera le tout premier à braver le nouveau ’’Léopard’’en 1966, il va lancer une chanson pamphlet à l’endroit de Mobutu : "Luvumbu ndoki" en kikongo surtout pour confirmer les rumeurs faisant état de la dépression du nouveau chef de l’État après ces pendaisons. Mobutu informé par ses sbires, Luambo Franco sera recherché et traqué par la sûreté nationale. Alerté à temps, Franco Luambo sautera sur une première occasion pour se retrouver de l’autre côté du fleuve-Congo à Brazzaville. Donc, Franco Luambo se retrouvera en exil, lui et ses musiciens à leurs corps défendant. Franco exilé, un opposant du régime Mobutu.


Franco Luambo Makiadi

Après quelques années, Mobutu va décréter une mesure d’amnistie pour un retour de tous les exilés politiques au pays, et surtout tous les anciens lumumbistes réfugiés à l’extérieur. C’est ainsi que Franco Luambo décida lui aussi de rentrer au pays pour bénéficier de cette mesure et de renouer avec ses fanatiques au bar ’’vis-à-vis’’ de Renkin.

À peine arrivés au beach Fima (Ngobila), un camion militaire les attendait déjà sur le débarcadère, lui et ses musiciens, à destination de la prison de Ndolo ensuite de camp Tshatshi, intimidés, humiliés, diminués pour leur faire payer leur témérité afin de venir à bout de l’esprit de résistance de Franco. Tout était bien commandité en haut-lieu.

Après cette épreuve de nerfs, Franco Luambo l’exilé sera présenté à l’homme-fort du pays, le président Mobutu en tête-à-tête, après une série des questions comme par ex : Pourquoi ne voulait-il pas de lui ? Pourquoi ne chantait-il pas pour lui ? Etc...

Les deux signèrent ensuite une paix des braves et surtout ayant comme dénominateur commun, l’équipe de V.Club de Kinshasa, leur club de cœur. Franco promettra alors de faire table-rase du passé et repartir sur les nouvelles bases.

La chanson ’’Lumumba héros national’’ une chanson patriotique qui louait le nationalisme de Mobutu et digne successeur de Lumumba comme un avant-goût pour sceller leur nouvelle amitié.

Franco Luambo deviendra quelques années après le président de V.Club de Kinshasa d’après le deal signé entre lui et Mobutu, qui en fait, était derrière la présidence de Franco Luambo en lui donnant tous les moyens financiers et matériels au bénéfice de leur équipe, le V.Club.

Franco Luambo de son côté, deviendra un privilégié du régime Mobutu, un chantre de la Révolution, un Mobutiste plus que Mobutu lui-même. Il n’avait fait que respecter sa promesse d’après l’exil. Il va arroser Mobutu par une dizaine de chansons partisanes pour le plus grand plaisir de Mobutu lui-même et des Zaïrois. Des chansons mémorables.

En substance, je dirai : Luambo Makiadi fut un Mobutiste de raison que par conviction. Lui au moins osa résister. L’État zaïrois prendra ses obsèques en charge avec raison d’ailleurs. Un baron du régime voire un oligarque.


Dary Abega

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