Le 26 juin 1964, retour d’exil de Moise Tshombe. Avant l'aube, il débarque à l'aéroport de N’djili (à Léopoldville). Adoula et Mobutu lui font un accueil cordial, lui exposent leur désarroi et s'en remettent à lui. L'accueil du Président Kasa-Vubu est, par contre, plus froid.
Joseph Désiré Mobutu et Moïse Tshombe
A son retour au Congo, le pays est plongé dans une crise multidimensionnelle. Moise Tshombe est désormais perçu comme l’ultime recours, le seul homme politique capable de sauver le Congo, et de combattre les rébellions lumumbistes, très actives à l’ouest du pays (Kwilu, avec Pierre Mulele) et à l’est (Nord-Katanga, Maniema, Kivu).
Les chefs de ces rébellions lumumbistes ont même installé une "République populaire du Congo" à Stanleyville (actuel Kisangani), chef-lieu du Haut-Congo. Le Président Kasa-Vubu est dépassé par les événements, de même que son Premier ministre, Cyrille Adoula.
Le "Groupe de Binza", cercle très influent auquel appartiennent, notamment, Justin Bomboko (ancien Ministre des Affaires Etrangères), Victor Nendaka (chef de la Sûreté), et Joseph-Désiré Mobutu (Commandant en chef de l’armée), pensent alors à Tshombe pour sortir le pays de l’impasse. C’est Mobutu en personne qui envoie un émissaire à Moise Tshombe pour lui demander de venir à Léopoldville. De son côté, les lumumbistes du CNL-Brazzaville avaient déjà entrepris la même démarche. Courtisé par les 2 camps, Tshombe choisit Léopoldville, où il débarquera ce 26 juin 1964.
Pourquoi avoir choisi Moise Tshombe ? D'abord, parce qu'il est riche (en s'exilant en Espagne en jan 1963, il aurait emporté avec lui un butin de guerre évalué à 92 millions de francs belges), possède un carnet d’adresses impressionnant et compte beaucoup d’amis dans les milieux financiers internationaux. Les choses vont aller très vite. Dix jours après son retour (6 juillet), Tshombe est chargé de former un nouveau gouvernement. Le 10, c’est chose faite : il met en place un gouvernement dit "de salut public", très réduit, comprenant 10 membres dont la particularité est de n’avoir participé à aucune autre équipe depuis l’indépendance, le 30 juin 1960. L’ancien homme fort du Katanga devient l’homme politique le plus populaire du Congo, au point qu’il se permet d’aller honorer la mémoire de Lumumba.
Patrice-Emery Lumumba
Son plan de lutte contre les rébellions réussit et, en mai-juin 1965, il organise des élections législatives que remporte haut la main sa coalition, la Convention nationale congolaise (Conaco). Pour le Président Kasa-Vubu, Moise Tshombe devient un élément dangereux qu'il faudrait peut-être écarter. De son côté, Moise Tshombe (que l’on surnomme "Monsieur Tiroir-Caisse") finit par lorgner le fauteuil présidentiel, d’autant que le mandat du Président Kasa-Vubu est en train de s’achever. Mais celui-ci fait savoir qu’il sera candidat à sa propre succession.
Le 13 octobre 1965, coup de théâtre : le Président Kasa-Vubu révoque son Premier ministre Tshombe s’exile une nouvelle fois en Espagne. Un mois plus tard, le Général Joseph-Désiré Mobutu s’empare du pouvoir, fatigué, dira-t-il, d'assister aux luttes interminables entre politiciens.
Benjamin Babunga