Le président de la RDC s’est entretenu ce samedi 21 décembre avec les cadres de sa famille politique.
L’occasion de faire le point sur la médiation angolaise censée mettre fin à la guerre dans l’Est, mais aussi de tacler le voisin rwandais et la communauté internationale.
C’est une réunion dont le contenu n’était pas destiné à être connu du grand public.
Samedi 21 décembre, tout juste revenu de Brazzaville où il avait fait le point avec son homologue, Denis Sassou Nguesso, sur le processus de paix dans l’est de la RDC, Félix Tshisekedi s’est entretenu avec plusieurs des cadres de sa famille politique à la cité de l’Union africaine.
Étaient présents des députés, des sénateurs, des membres du gouvernement, mais également des chefs de regroupements politiques affiliés à l’Union sacrée.
Félix Tshisekedi a tenu à leur donner sa version des raisons qui ont conduit à l’échec du sommet de Luanda, prévu le 22 décembre.
Négociations au point mort ?
Ce jour-là, le président congolais devait rencontrer le Rwandais Paul Kagame dans le cadre de négociations menées sous l’égide de l’Angolais Joao Lourenço.
Mais la réunion tripartite tant attendue n’a pas eu lieu. La RDC refuse de négocier directement avec les rebelles du M23 soutenus par Kigali, tandis que le Rwanda accuse Kinshasa de ne pas chercher (ou de ne pas parvenir) à neutraliser les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé fondé par d’anciens génocidaires hutu et présent aux côtés des forces armées congolaises dans l’Est. Pour Félix Tshisekedi, l’heure était donc à la clarification.
« Comme vous le savez, j’ai fait le déplacement de Luanda dimanche dernier pour parachever ce qui avait été commencé par nos délégations ministérielles respectives, qui avait été conduit de fort belle manière par la médiation angolaise et qui consistait à aboutir à une sorte d’accord de paix », a-t-il déclaré devant les représentants de sa majorité dans un audio consulté en exclusivité par Jeune Afrique.
« Cet accord comprenait notamment le règlement de la question des FDLR. Comme vous le savez, notre agresseur ne cesse d’utiliser la présence de ces forces négatives pour justifier son agression. Et la communauté internationale est tombée dans cette manipulation depuis 30 ans. Et en échange, les forces qui nous agressent – c’est-à-dire les Rwandais – devaient quitter la RDC. » a-t-il poursuivi.
Une assistance conquise
« Moi, je m’étais préparé donc à faire le déplacement [à Luanda], puisque j’avais suivi de très près l’évolution des discussions et le comportement de notre délégation, et la veille, juste un peu avant que je n’aille au lit […], j’ai eu une alerte de notre ministre d’État, ministre des Affaires étrangères [Thérèse Kayikwamba Wagner], au sujet de l’allure que prenaient les discussions. Et donc j’ai quand même tenu à y aller, par respect pour le médiateur, et j’ai dit à la ministre d’État, quoi qu’il arrive, demain, je serai là. »
« Et au réveil, ce que je craignais est arrivé, a continué Félix Tshisekedi. Ou je dirais même plus, ce à quoi je m’attendais est arrivé, parce que je sais que ce régime prédateur était pris en tenaille, en étau, et il n’avait pas d’autre choix que la fuite. »
Sous les applaudissements d’une assistance conquise, le président congolais a déroulé son récit. « Lorsqu’il y a des troubles, de l’instabilité en RDC […], ça réjouit le voisin parce qu’il en profite. Et [le processus de Luanda] mettait fin à tout ça. Donc moi, je m’y attendais, je n’étais pas du tout étonné. »
Les FDLR, une menace « qui n’existe que dans l’imagination des agresseurs »
Le président congolais a expliqué avoir fait le déplacement « pour montrer à la face du monde [que nous voulons] la paix, malgré les fausses accusations [dont nous faisons l’objet]”. Quant aux FDLR, elles sont une menace qui n’existe, selon le président congolais, “que dans l’imagination des agresseurs, parce que […] moi, ça fait très longtemps que je n’ai plus entendu parler d’une attaque quelconque contre le Rwanda”.
Félix Tshisekedi a également de nouveau opposé un non catégorique à l’idée d’un dialogue direct avec le M23. « Ils savent très bien que nous sommes intransigeants, et j’insiste sur le mot, sur le principe de devoir discuter, ou ne fût-ce qu’entamer des discussions, avec ce qu’ils appellent le M23, qui est en fait le Rwanda. Et donc, ils ont simplement émis ce principe en disant voilà, nous, on veut bien venir, mais tant que la RDC n’a pas entériné le fait de discuter avec le M23, on ne vient pas. C’est sorti d’où ? On ne sait pas. Mais évidemment, le but, c’était de bloquer la machine, parce qu’ils savaient que c’était une ligne rouge, que nous ne pouvons pas traverser, que nous ne traverserons jamais. »
« Notre agresseur comptait évidemment sur ce moment pour […], essayer de progresser, gagner des localités, voire des villes, pour ensuite nous mettre devant le fait accompli et nous obliger à discuter avec le M23. Mais j’aimerais vous dire ceci : ils peuvent même arriver jusqu’à la porte de Kinshasa ou de l’OUA ici, je ne discuterai jamais avec le M23”, a insisté le chef de l’État.
Félix Tshisekedi en a profité pour tacler la communauté internationale. « Même si [le M23] arrivait, je ne discuterais jamais avec cette coquille vide que le Rwanda agite simplement pour pouvoir exister et justifier sa présence en RDC. Ces gens ne sont rien. Ce qui se passe, c’est l’armée rwandaise. Et cette armée est soutenue en haut lieu dans la communauté internationale. Heureusement que certains de leur soutien commencent à comprendre les choses et j’espère qu’ils vont aller jusqu’à comprendre qu’ils sont complices de crimes commis dans notre pays depuis maintenant près de 30 ans. »
Tout en disant attendre des indications de la part du médiateur angolais, le président congolais n’a pas hésité à se montrer menaçant. « Nous n’avons pas à compter sur cette communauté internationale qui est très versatile d’ailleurs, nous devons mettre les bouchées doubles pour pouvoir faire face à cette agression. Je mettrai tout ce qu’il faut mettre comme moyens pour récupérer toutes les localités que nous avons perdues. Si nous ne les obtenons pas par la discussion telle qu’elle est menée en ce moment par le médiateur angolais, nous n’aurons pas d’autre choix que de récupérer nos territoires par la force. Mais moi, je ne me plierai pas au diktat d’un régime prédateur et criminel, qui ne vit que grâce au sang de nos compatriotes… et au pillage de nos ressources. Je ne plierai pas, quel qu’en soit le prix. »
Le chef de l’État a enfin profité de l’occasion pour évoquer des questions de politique interne. Il s’est dit peu satisfait du fonctionnement actuel du présidium de l’Union sacrée, au sein duquel siègent notamment Jean-Pierre Bemba, Vital Kamerhe et Augustin Kabuya. Félix Tshisekedi a dit souhaiter que la plus haute instance de sa majorité soit élargie aux présidents des partis et regroupements politiques qui forment l’Union sacrée. Il n’a pas évoqué la question de la révision ou du changement de la Constitution, mais a fini en proposant à ceux qui ne partagent pas sa vision… de partir.
Jeune afrique pour La Gazette du Continent