Partout au monde, aujourd’hui plus qu’hier, les peuples sont en quête d’ancrages mémoriels pour mieux enraciner leur développement économique, social et technologique. Aussi, ils construisent de manière volontariste et audacieuse leurs lieux de mémoire, au point qu’on est en droit de qualifier ce siècle comme étant celui de « Memory Boom ».
Si, mieux que n’importe quelle institution, la Rumba œuvre comme un puissant vecteur de fraternisation ontologique des peuples de deux Congo, la perspective de cette « Confédération culturelle» s’adosse à pic sur cette ressource immatérielle pour rejoindre cette ère mémorielle mondiale marquée par la cohabitation de trois paradigmes fondamentaux ci-après :
- Celui des « lieux de mémoire commune » ;
- Celui du « travail commun de mémoire » ;
- celui de l’« économie mémorielle gémellaire», à savoir les conditions commerciales, industrielles, sociales et spatiales de la co-production micro-régionale et de l’évocation concertée des souvenirs liés à la rumba.
Ce projet de «fusion transfrontalière» répond donc à une problématique de géostratégieessentielle, axée sur la recomposition de territoires frontaliers, à savoir : comment dessiner les contours d’une stratégie géoculturelle nouvelle, susceptible de rassembler les deux Congo autour d’un patrimoine mémorielcommun ? Ou encore : dans quelle mesure la perspective de la reconnexion mémorielle avec l’histoire de la rumba, comme objet d’une géographie socio-culturelle étroitement imbriquée,peut-elle générer des pratiques mémorielles qui utilisent synchroniquement les espaces communs de deux Congo, inventant des espaces « patrimoniaux » accolés, des « lieux de mémoire » mixtes, des « paysages de mémoire » encollés…
Quoi qu’il en soit, la Rumba a un avantage sur nos ressources géologiques et forestières si prisées : elle est au cœur de notre pensée cosmogonique. Elle est un paramètre anamnestique axial de l’âme congolaise. En effet, selon la cosmogénèse kongo, la Rumba est la première création des premiers êtres Kongo créés par le Dieu Tout Puissant Nzambi-A-Mpungu. Et depuis, en inventant sans cesse de nouveaux genres de la Rumba, de nouveaux styles de la Rumba, de nouveaux rythmes de la Rumba et de nouvelles danses de la Rumba, nos artistes rendent impérissable et perpétuelle ce pensement originel.
Avec son inscription à l’UNESCO comme patrimoine immatériel universel, les contributions affectives, identificatoires, symboliqueset armorialesde la Rumba sont à leur acmé. La Rumba ne peut donc plus être considérée comme une simple activité musicale et artistique. Elle est devenue l’image de marque des deux Congo.
Les caractères fondamentaux que l’on donne habituellement à un bien culturel commun, à un objet collectivement partagé, à un « marqueur d’identité civilisationnelle » et, finalement, à une ressource immatérielle territoriale se retrouvent aujourd’hui dans la Rumba.
De la confédération culturelle à une stratégie d’économie mémorielle gémellaire
Il ne devrait plus y avoir de la place pour ces grilles de lecture partiales et limitées, propres aux économies rentières et extractivistes, consistant à considérer le capital musical comme inapte à sustenter une filière d’activités susceptible d’être source d'opportunités économiques et de création d'entreprises.
L’heure est venue d’élaborer une perspective théorique capable de faire de la Rumba un actif immatériel de premier ordre au service de l’attractivité territoriale et mieux, de mettre en place progressivement des stratégies de pilotage de ce patrimoine, en tant que pilier intangible du développement commercial et industriel. Et désormais, d'appréhender la notion même de développement industriel comme étant une intelligence stratégique culturellement déterminée.
La force de ce puissant facteur d’influence est telle aujourd’hui que les deux Congo se doivent de construire leur propre politique de rayonnement culturel dans le monde sur la notoriété de la rumba. En conséquence, le défi de l’urgence de la modélisation de l’économie de la Rumba doit, en fait, consister à transformer cette ressource immatérielle originale en un actif industriel, constituant dorénavant le fer de lance d’une nouvelle conception du développement économique. Son mot d’ordre serait la valorisation, entre les deux rives du fleuve Congo, des produits du patrimoine historique endogène, dans le cadre plus large de la promotion d’une « économie identitaire transfrontalière », tout en renforçant la cohésion sociale entre les habitants grâce à une réflexion sur l’identité commune et les valeurs partagées de part et d’autre du fleuve Congo.
Sur la base de ce diagnostic et pour exploiter pleinement ce potentiel, les deux Congo doivent travailler sur de nouvelles formes de bilatéralité collaborative, où à l’aune de l’impératif de la complémentarité transfrontalière des efforts et de la fertilisation croisée des initiatives, découlera immanquablement mieux qu’une interdépendance mais plutôt une liaison organique. Sur le plan géostratégique, la rumba aurait ainsi aidé les deux Congo à corriger une anomalie historique, à l’heure où l’industrie de la musique occupe une place toute particulière dans l’économie mondiale.
En effet, avec plus de 7.000 maisons de disques basées dans l'Union Européenne, et notamment au Royaume-Uni où on en trouve 1.670, en Allemagne 910 et en France 800, la musique représente deux millions d’emplois et contribue à l’économie à hauteur de 82 milliards d’euros par an dans les 27 pays de l’Union Européenne et au Royaume-Uni.
Aux États-Unis d’Amérique, l’industrie musicale a récolté en 2021 pas moins de 15 milliards de dollars. La Chine est aujourd’hui le leader mondial dans l'exportation d'instruments musicaux et produit, tous les ans, environ la moitié d’instruments de musique utilisés dans le monde. En 2019, plus de 240 grands producteurs ont exporté de Chine vers près de 200 pays, des instruments musicaux d'une valeur de 1,74 milliards de dollars, après avoir réalisé des revenus d'exploitation principaux de 6,14 milliards de dollars.
En marge de ces prouesses productives, chaque année, depuis 2002, se tient le plus grand salon mondial des instruments de musique en Chine, à Shanghai. En 2021, cet événement a attiré près de 82.000 participants et 1,62 millions de téléspectateurs en ligne.
En Afrique, le secteur musical est l'un des plus gros contributeurs à l'économie du Nigéria. Les artistes musiciens y réalisent des revenus annuels de plus de 150 millions de dollars grâce à la vente de leurs œuvres. La musique est aussi une importante source d’emplois pour des centaines de milliers de Nigérians. Les secteurs des médias et du divertissement emploient 1,5 million de personnes…
King Sunny Ade, musicien nigérian
Ce chiffre pourrait doubler d'ici à 2025. Par ailleurs, l’ensemble du secteur créatif est le second employeur du pays après l'agriculture et la quatrième activité économique du pays, représentant 5 à 10 % du PIB et pesant environ 8 milliards de dollars.
Tout compte fait, nombreuses sont les études qui attestent que toutes les filières industrielles du marché mondial de la musique connaîtront des progressions ininterrompues, en termes aussi bien de croissance de revenus et de rentabilité par secteur d’activité, que d’innovation technologique et des mutations industrielles.
Un exemple à titre illustratif… De 2020 à 2021, les 523 millions d’utilisateurs de comptes d’abonnement payants dans le monde ont fait augmenter de 21,9 %, les revenus du streaming par abonnement payant, soit 12,3 milliards de dollars en une année.
Les deux Congo doivent donc se hâter pour que les intéressantes perspectives commerciales, industrielles et technologiques de l’écosystème musical mondial engendrent entre Kinshasa et Brazzaville une économie mémorielle gémellaire, orientée vers le champ musical et immergée dans la valorisation de tout le potentiel de cette filière créative, en optimalisant son impact socioculturel, touristique, festivalier…
En d’autres termes, force est de s’empresser d’inscrire la « Rumba » dans un véritable écosystème productif, à l’heure où d’une part, la théorie des avantages comparatifs repose sur la valorisation des ressources patrimoniales et la culturalisation du phénomène économique, et d’autre part, la quête du critère économique distinctif réside de plus en plus dans la stratégie de la différence productive reposant sur la particularité culturelle de l’économie ! Autrement dit : dorénavant, l’économie est appelée à emprunter le détour du culturel, carles déterminismes du marché sont infléchis par le fait que les actes de production industrielle, de commerce et de consommation sont surinvesties sentimentalement. Ce, étant donné que les principaux acteurs de l’économie nationale se retrouvent liés par la reconnaissance d’un fond culturel commun.
Le rêve de projets transfrontaliers d’économie culturelle
Qu’elle soit personnelle ou nationale, la vie est un rêve. Si vivre ici-bas signifie aller jusqu'au bout de ses rêves, le rêve sert à se fixer des objectifs. Voici un rêve que j'aimerais tant voir devenir une réalité économique transfrontalière entre les deux Congo!
Je me vois dans une pirogue qui navigue à contre-courant. Je pagaie sans répit au risque, au mieux, de reculer, et au pire, de chavirer.
Au rythme des chansons féeriques du vent et des mélodies mystiques du sifflement des arbres, j’apprivoise sans coup férir les cataractes et les chutes de cet endroit cosmogonique, que l’on me présente comme l’antre sacrée du Royaume Kongo, où naquit MAHUNGU, le premier homme créé par l’Eternel Dieu Tout Puissant Nzambi-A-Mpungu, selon la cosmogénèse kongo.
Un vieillard sans âge, qui me prie de m’asseoir à même le sol, me dit, je cite :
« … C’est ici, raconte le vieillard, au cœur de ces forêts sacrées qui ceinturent ces chutes magiques, où est né Muntu, le premier être noir. On l’appelait MAHUNGU. NZAMBI-A-MPUNGU l’a fait apparaître ici au milieu des tonnerres... MAHUNGU était androgyne, à la fois homme et femme. La cosmogénèse kongo raconte que MAHUNGU a désobéi à Nzambi-a-Mpungu, en osant braver le mot d’ordre divin de ne guère contourner l’arbre sacré Yala-Nkuwu et explorer sa partie interdite, qui incarne le mal. Il devint aussitôt braque et fantasque.
À la suite de cette indiscipline, MAHUNGU a été sectionné en deux parties, à savoir : MALOANGO, l’homme, et NDUMBA MADIKU, la femme. A force de psalmodies et de pardons, ils ont créé une musique, une danse, et inventé quelques instruments, pour imiter les bruits du tonnerre, de la foudre, des vagues, du sifflement d’arbres, perçus par eux comme des diverses apparitions subtiles de Dieu.
Sur cette même lancée, cherchant à cadenasser leurs deux nombrils, dans l’espoir de redevenir l’androgyne MAHUNGU qu’ils furent, ayant foi en l’exaucement de leurs psalmodies, MALOANGO et NDUMBA MADIKU inventèrent une musique et une danse à double tempo : la phase supplicatoire dite « Kulomba » et la phase analeptique, à savoir « Kumba ». Ces obsécrations à la fois mélodieuses et orchésographiques devinrent « Rumba » avec nos familles esclavagisées ici et amenées outre-Atlantique par les immondes négriers européens.
Oui ! C’est ici à Nsundi que tout cela se passa. Cet endroit cosmogénésiaque est un lieu mystique, où le Dieu tout puissant NZAMBI-A-MPUNGU déposa le « Nkisi » du MUNTU, le génie de l’être noir…C’est là où Simon KIMBANGU, en route pour NKAMBA, de retour de Kinshasa après avoir travaillé de 1918 à 1920 aux Huileries du Congo-Belge, s’était arrêté pour recevoir de NZAMBI-A-MPUNGU la sainte mission d’être le prophète des Noirs sur la terre…
Voilà pourquoi tous les princes héritiers du Royaume Kongo y résidaient, pour leur formation intellectuelle, spirituelle et mystique »,dans des antres ésotériques au cœur des grottes de LOVO, de MBAFU, de MVANGI…
Toujours dans ce rêve, je me suis retrouvé magnétisé par une présence innombrable et innommable des Africains et Afro-descendants venus de l’Amérique latine, des Etats-Unis d’Amérique, du Canada, des Caraïbes, des Antilles, de l’Inde, de l’Europe et de partout en Afrique… Ils avaient tous le regard figé sur un gigantesque panneau signalétique, au cœur duquel était mentionné : « Bienvenue à la Cité de la Rumba ».
Drôle de rêve ! Aux encablures des monumentales chutes rendant cet endroit féerique, un cénotaphe pyramidal porte sur son fronton l’inscription : « Ici reposent à jamais les Légendes de la Rumba congolaise ». Je vois de nombreux pèlerins africains et afro descendants en pèlerinage de dévotion, rendant hommage aux âmes des légendes de la Rumba, arpentant les allées dallées labyrinthiques, entrecoupées par des mausolées de Wendo Kolosoy, de Paulo Kamba, de Bowane Henri, d’Adou Elenga, d’Antoine Moundanda, de Grand Kallé, de Tabu Ley, de Luambo Franco, de Nico Kassanda le docteur, de Nganga Edouard, de Jean Serge Essous, de Lucie Eyenga, d’Abeti Massikini, de Mpongo Love, de Célestin Kouka, de Pamelo Mounka, de Pépé Kallé Yampanya, de Papa Wemba Shungu Wembadio, j’en passe et des meilleurs…
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(g à d) GRand Kallé, Tabu Ley, Papa Wemba Shungu Wembadio et Wendo Kolosoy
Docteur Nico Kassanda
Le vaste parvis de cette « Nécropole Pharaonique » donne sur un véritable paradis enchanté, où d’innombrables espèces végétales congolaises, ainsi que le génie artistique congolais interagissent avec des micro-villages, où chaque « Légende de la Rumba » a son propre micro mausoleum-musée-bar et petite boutique de souvenirs.
Cette « Cité de la rumba » est traversée par une rivière majestueuse, qui tient lieu de colonne vertébrale à ce territoire-musée. Juste là où cette rivière se heurte à une foultitude d’exceptionnelles chutes, créant un écosystème d’une rare richesse, s’érige un somptueux « Hôtel Arts et Cultures ». Ce « Palace » est en réalité une résidence artistique, une sorte d’ermitage tant pour la création musicale que la création écrite sous toutes ses formes et au croisement de toutes les disciplines de la création : théâtre, littérature, danse, cinéma, audiovisuel, bande dessinée, arts numériques, etc. On y trouve des studios d’enregistrement, des boutiques d’arts noirs, une plate-forme d’antiquités africaines, etc.
L’Hôtel s’inscrit dans une démarche participative qui permet d’accueillir des ateliers, des stages, des expositions, des conférences et autres événements, notamment les rencontres entre artistes ou entre auteurs. Entre la « Nécropole Pharaonique des Légendes de la Rumba » et l’Hôtel Arts et Cultures », plastronne le « Musée des musiques de deux Congo », où sont notamment exposés les 8.000 instruments de musique fraichement revenus du « Musée de Tervuren ».
Au premier étage dudit « Musée » est aménagée la « Bibliothèque de la rumba et des musiques afrodescendantes ». Cette bibliothèque est plutôt organisée en « Centre de Recherche et de Documentation spécialisées ». Elle a 5 départements, à savoir :
- Le Département d'archéologie musicale, d’ethnopaléontologie et d’ethnomusicologie, de l’anthropologie culturelle, instrumentologie traditionnelle congolaise et africaine… ;
- Le Département de la solfégologie, del’acoustique et technologie musicale, de latechnique de studio et informatique, de la documentation musicologique.;
- Le Département de la musique dans l’antiquité égypto-nubienne ;
- Le Département de la musique dans la traite-négrière et pendant la colonisation ;
- Le Département de la linguistique et sémiologie musicales ;
- Le Département de la bibliographie des écrits musicaux…
En plein centre de ce territoire artistique et culturel trône « l’Université de la Rumba ». Mêlant l’apprentissage des techniques solfégiques et chorégraphiques, des pratiques instrumentales, les enseignements de l'évolution du langage musical et l’acquisition d’une culture musicale générale solide, cette université dispense un cursus « LMD » entier : Licence, Master Enseignement et Master Recherche, Doctorat.
Les enseignements de musique et de musicologie délivrés ont pour vocation d'étudier et comprendre le phénomène musical « Rumba », ancré dans son champ historique et géographique, en s'ouvrant plus largement à l'étude des civilisations Bantu, de l’Egypte antique aux deux Congo.
Tous les patrimoines musicaux de deux Congo sont étudiés, des musiques traditionnelles aux musiques actuelles en passant par l'ethnomusicologie et les musiques afrodescendantes, y compris l’ensemble de ses périodes historiques.
Toutes les matières techniques, managériales, entrepreneuriales ou industrielles inhérentes aux carrières liées à la musique sont enseignées. Et les enseignements, qui sont d’ordre théorique, méthodologique, historiographique et pratique, regroupent des disciplines telles que : la théorie de la musique, l’organologie, l’acoustique, l’histoire de la rumba et des musiques afro descendantes, la rumba et la sape, la rumba et le théâtre, la rumba et le cinéma, la musique électroacoustique, les pratiques collectives de la musique (chorale, vocale, instrumentale), l’écriture musicale, la formation musicale pratique, les techniques vocales, les techniques instrumentales, les différents accompagnements, les arrangements instrumentaux, les techniques d’écoute etd’analyse des langages musicaux, ainsi qu’un cursus complet d’informatique musicale et des méthodologies de la recherche (philologie musicale, épistémologie de la musique, etc.).
La particularité de cette université, c’est le département de l’Ingénierie Industrielle et logistique de la musique et des arts du spectacle vivant. Son principal objectif est de former des fabricants d’instruments, d’équipements et de matériels de musique ainsi que d‘accessoires de spectacle, mais aussi des ingénieurs et techniciens de son, sans oublier des cadres intermédiaires (agent artistique, producteur de musique, coach musical ou vocal, Chargé de production d’un label, etc.), tous aptes à occuper des postes de responsabilité ou d’encadrement et capables de piloter l’ensemble des flux (physiques, informationnels, industriels, économiques, financiers…) de la chaîne logistique des entreprises musicales.
Décidemment, ce rêve est fabuleux ! A quelques lieux de cette université, au milieu de ce véritable choc d’un décor paysager original, où s’égrènent des merveilles de la nature d’une beauté exceptionnelle, alternant délicieusement entre vallées majestueuses, jungle luxuriante, bosquets sacrés et chutes impressionnantes, j’entrevois la « zone industrielle musicale de deux Congo ». Surprise : une gigantesque usine de fabrication des instruments de musique est au centre de cette « zone industrielle musicale ». Son show-room présente des likembés (Sanza), des lokombés, des xylophones, des lokolés, des tam-tams, des pluriarcs, des harpes, des cithares, des hochets, des cloches -gongs, des trompes, les racleurs ou les frottoirs, et flûtes traditionnelsainsi qu’une multitude d’instruments de la tradition musicale congolaise, tous refaits en design moderne et garnis d’amplificateurs high-tech.
Cette « zone industrielle musicale de deux Congo » est en fait un cluster manufacturier de fabrication d’instruments, d'équipements, de matériels, de divers accessoires et produits dérivés de la musique. Il regroupe tout aussi une « grappe d’entreprises du secteur musical », des centres de recherche et de formation spécialisés dans la production du son musical, mis en place dans le cadre du « Programme d’Appui au Développement des Filières Industrielles de la Musique », PADFIM en sigle.
Ce PADFIM a 7 objectifs, à savoir :
- soutenir la création musicale et promouvoir tous les métiers de la musicalité dans les deux Congo;
- permettre aux structures de production de musique enregistrée de développer leur activité de production et d’innovation;
- favoriser la professionnalisation des équipes artistiques et le renforcement des liens d’affaires dans tous les aspects de l'industrie musicale ;
- structurer les activités des artistes et soutenir les réseaux de répétition, d’enregistrement, de production scénique, de diffusion et de distribution des œuvres musicales ;
- accompagner les maisons de production face à la mutation du marché de la musique enregistrée, à travers notamment la production des logiciels de composition et de musique de synthèse, en facilitant l’importation et l’appropriation endogène des modes d’articulation, d’induction et d’utilisation du progrès technique et technologique dans le secteur musical ;
- promouvoir tous les aspects de l'industrie musicale, ainsi que la production industrielles des produits dérivés de la musique, à travers un volet institutionnel et un volet opérationnel portant, tous les deux, l’ambition de contribuer à l’amélioration et la sécurisation des revenus des acteurs de la chaîne de valeur ajoutée du disque, du spectacle vivant, de la fabrication des instruments et accessoires de spectacle, etc. ;
- et enfin, forger la première destination transfrontalière du tourisme musical et mémoriel en Afrique.
En terme d’équipements publics, outre toutes ces méga-infra structures, la « Cité de la rumba » est dotée d’un centre de santé, d’une école maternelle, d’une école primaire, d’un collège, d’une maison de retraite réservée aux artistes en fin de carrière, d’une crèche, d’un centre d’accueil périscolaire, d’une gendarmerie, d’une église catholique et quelques églises protestantes, d’un office de tourisme, d’une maison des services, d’un espace polyvalent, d’une médiathèque, des banques, d’un bureau de poste, d’un gymnase, d’un terrain de football, des terrains de tennis, etc.,
Aussitôt après cette « cité de la rumba », me voici à l’entrée de la ville de Kinshasa.
Nous sommes un certain 24 Janvier : « Journée mondiale de la culture africaine et afro-descendante ». Quelle surprise ! Le stade Tata Raphaël est devenu Stade Mohamed Ali. Juste devant ce stade, l’avenue Sendwe qui féconde l’avenue Luambo Makiadi Franco, devenue Avenue Édouard Nganga, est noire de touristes venus de tous les continents du monde, pour participer au « Carnaval des Musiques traditionnelles de deux Congo ».
En contre-bas de l’avenue Édouard Nganga, le boulevard Triomphal est devenu Boulevard Benny Moré, en hommage au Père de la Rumba cubaine qui, de son vivant, revendiquait à souhait ses origines congolaises.
Benny Moré
Le rêve continue. Quatre mois après, jour pour jour, le 24 avril : date commémorative de la « Journée africaine de la musique », se tient à Brazzaville, de manière concomitante : le « championnat mondial de la Rumba sportive » ; la « Grande parade des tresses africaines » ; le « Grand festival gastronomique de deux Congo », lors duquel les grands chefs cuisiniers de Kinshasa et de Brazzaville exhument les talents culinaires les plus délicieux de toutes les traditions gastronomiques de tous airs traditionnels de deux Congo...
Sans oublier la « Fashion Week de deux Congo » ou le grand défilé de mode Haute couture féminine et masculine congolaise. Quel bonheur de voir la filière coton complètement et systémiquement relancée entre les deux premières capitales mondiales de la « Sape », des champs cotonniers aux magasins de prêt-à-porter, en passant par les industries textiles locales, les stylistes et modélistes locaux, les couturiers et accessoiristes de mode tous Congolais, etc.
Est-ce un rêve lucide ou un rêve prémonitoire ?
Au fond, je me suis permis ce rêve pour rendre justice à la Rumba, dans l’espoir que cette ressource immatérielle se place dorénavant au centre des préoccupations des chercheurs, des investisseurs, des économistes et des décideurs politiques.
J’ai fait ce rêve pour provoquer un changement de paradigme du développement dans les deux Congo, car l’heure est venue de faire de la Rumbala ressource axiale du développement des industries de fabrication des instruments et accessoires de musique, de production des sons et des équipements de scène pour tous les spectacles vivants, mais également pour la revitalisation du tourisme, de l’économie festivalière, de l’industrie carnavalesque, du business de l’art et de l’artisanat, etc.
Ce rêve de la rumba comme intrant dans des processus de production industrielle plurielle, je l’ai voulu au regard de la faillite des moyens économiques mobilisés traditionnellement depuis les indépendances pour produire la croissance économique, au sens d’une trame cohérente et diversifiée d’activités créatrices d’emplois et de richesses.
C’est donc un rêve de bon sens, car il vise à faire de la Rumba « le symbole du modèle congolais de développement ». Cette modélisation multidimensionnelle et systémique de l’économie de la musique ne constitue pas seulement un créneau industriel porteur pour la RDC. Ce tournant conceptuel de la structuration du développement économique, où la musique prend le statut de variable-clé d’un système économique d’essence patrimoniale et identitaire, est tout aussi valable pour le pays de MALOANGO, la République du Congo.
En effet, d’après le récit cosmogonique du peuplement originel kongo, à l’heure du KUKABUKA, c’est -à dire à l’heure de la séparation, MALOANGO, descendant mâle de MAHUNGU, à la tête des forgerons groupés en une puissante confrérie des guerriers, fonda le royaume de Loango, sur la côte atlantique, au nord-ouest de NSUNDI, dans l’actuel département du Kouilou, aux encablures de Pointe-Noire.
Mon rêve s’arrête juste au moment où je me retrouve devant les autorités politiques de deux Congo, leur priant de mettre sur pied un « Comité conjoint de mise en œuvre des projets relatifs à la Confédération culturelle de deux Congo », pour transformer ce rêve en réalité.
Didier MUMENGI
Ancien ministre, Sénateur et Ecrivain