On ne juge pas les morts, ceux qui nous ont déjà précédés dans l’au-delà, car ils ne sont plus là présents pour se défendre et se justifier. Simaro Lutumba Ndomanueno fut-il réellement un poète ? C’est-ce que nous allons essayer de voir.
Simaro Lutumba guitariste-accompagnateur, fera son entrée dans l’orchestre TP OK Jazz de Luambo Makiadi Franco et de Vicky Longomba à partir de 1961, et depuis, lui et Franco ne vont plus se séparer jusqu'à la mort de ce dernier en octobre 1989. Lutumba, un des fidèles lieutenants de Franco et Bosuma Nicolas ’"Dessouin". Après la mort de son patron, Lutumba Simaro restera toujours fidèle à cet orchestre, avant qu’un conflit d’intérêts le sépare de la famille du défunt. Avec quelques rescapés, ils iront monter l’orchestre ’’Bana OK’’, qui n’était qu’un OK Jazz new-look jusqu'à sa mort.
Revenons à notre sujet !
Un artiste musicien, c’est avant tout ses oeuvres. Simaro Lutumba était connu à travers ses compositions pleines de sagesse, moralité, conseils et enseignements sur la vie, raison pour laquelle il fut surnommé le ’’POÈTE LUTUMBA ’’. Les chansons comme : Mabele, Ebale ya Zaïre, Mbongo, Mandola, Maya, Verre cassé, Liwa ya Bowule, Cœur artificiel, Mamba, Odutaka na la vie mon cher, faute ya commerçant etc... seront à jamais gravées dans la mémoire collective des mélomanes congolais. Des œuvres signées Lutumba Simaro, qui sera plus connu pour ses œuvres musicales que pour la touche de sa guitare -rythmique.
Pourquoi cette mutation brusque ?
Chaque musicien, chaque artiste a sa touche personnelle, son écriture propre qu’il soit musicien, peintre, dessinateur, chanteur, écrivain, comédien ; une sorte d’identité. Ça ne changera jamais. Ni avec le temps.
Les touches de Franco Luambo, Nico Kasanda, Manuaku Waku, Alain Makaba de la guitare seront reconnues toute suite même si on fermait les yeux. Alors qu’en était-il de Lutumba Simaro depuis le début de sa carrière musicale dans l’Ok Jazz ?
À ses debuts, ses compositions antérieures n'avaient rien de poétiques mais des compositions normales dans le vrai’’ style Odemba’’, cher à l’Ok Jazz. ’’Muasi ya ba patrons, Fifi nazali Innocent, Mokolo ya pasi, etc...’’
Mais soudain à partir de 1972, un changement brusque de style, authenticité oblige ou bien l’arrivée de nouvelles inspirations ?’’ EBALE YA ZAÏRE ’’ 1972 ensuite’’ MABELE ’’en 1974. Lutumba Simaro devint alors un POÈTE à partir de 1972- 74, selon les chroniqueurs musicaux de la presse écrite et audiovisuelle de l’époque.
Gina Efonge Isekofeta l’autre POÈTE ne s’était-il pas déjà fait signaler dès sa première chanson ’’CONSOLATION ’’ dans Zaíko Langa-Langa en 1971 ? Ne Confirmera- t- il pas plus tard avec les chansons ’’ BP YA MUNU et YO NALINGA ’’ ? Comme quoi : on naît poète, on ne le devient pas. Pourquoi Simaro Lutumba avait attendu 11 ans après son arrivée dans l’OK Jazz pour enfin se découvrir une nouvelle vocation de poète ?
Quel était alors cet élément déclencheur extérieur qui va influencer autrement la carrière de Lutumba Simaro ?
Qui désormais, sera surnommé le POÈTE de la musique congolaise ? Il faut remonter vers 1967 avec l’arrivée de LOLA CHECAIN, le beau, le chanteur deuxième voix dans l’OK Jazz, le petit-frère de chanteur-crooner, poète, l’élégant Nyembo Fariala alias ’’FRANCK LASSAN ’’, donc, Checain est issu d’une famille des musiciens et artistes. Il avait aussi un autre frère musicien, un certain JOHNNY BOKOSA. C’était grâce à Simaro Lutumba que Lola Checain deviendra chanteur dans l’Ok Jazz. Son protégé. Un chanteur calme et très effacé qui se signalera déjà à l’époque par ses chansons ’’Émilie na Gabon’’ et ’’Ya Gaby ozali coupable’’, une chanson qui fera un tabac, et rendait fou l’animateur Ignace Mabeka tous les matins à la radio nationale . Et derrière cet homme calme se cachait un grand compositeur, un génie, un véritable poète. C'était ce que Simaro Lutumba avait compris en avance. Ses chansons remplissaient des cahiers, et Checain les travailler avec son aîné Simaro Lutumba chez lui à Saint- Jean( Linguala) en dehors du cadre Ok Jazz et en vase-clos pendant des jours. C'est ainsi qu’à bon arrangeur, Lutumba Simaro récupéra certaines compositions de Checain Lola pour en faire les siennes, c’était comme ça que les EBALE YA ZAÏRE, MABELE verront le jour en s’appuyant sur le meilleur chanteur-moraliste de l’époque Sam Manguana à son arrivée dans l’orchestre OK Jazz en 1972 .
En tout cas, Lola Checain céda la plupart de ses chansons à Lutumba Ndomanueno Simaro , sans faire du bruit dans un cadre d’amitié et de collaboration professionnelle. Certaines chansons récolteront un grand succès et d’autres pas.
Par essence, je dirai : Lola Checain fut un vrai poète mais très discret.
Mais cela n’enlèvera à rien les mérites de Lutumba Simaro devenu poète et mort en poète. Une carrière musicale en deux temps .Ainsi voulait la vie. Quant à Lola Checain, il est mort comme étant un chanteur normal et sans grade dans un monde normal et un peu oublié.
Lutumba Simaro Massiya fut-il réellement un poète de la musique congolaise ? La réponse est certainement dans mes écrits. Paix à leurs âmes.
Dary Abega