« Pour l'exercice 2023, par exemple jusqu'à ce jour sur 108 entreprises et établissements publics, 9 seulement ont déposé leurs états financiers, mais sans les documents requis. Je souhaite vivement que les autres leur emboîtent les pas après cette activité. Les états financiers des entités susvisées ne sont pratiquement pas transmis à la Cour des comptes, empêchant par ce fait même cette institution financière de les contrôler avec efficacité et efficience et d'adresser, les cas échéants, des alertes utiles à leurs tutelles respectives ». C’est ce qu’a déclaré le premier président de la Cour de Cassation, Jimmy Munganga Ngwala le 4 avril 2024 lors de la journée de vulgarisation organisée en faveur des mandataires publics.
Le premier président a salué l'implication du chef de l’État, Félix-Antoine Tshisekedi, dans la lutte pour la réhabilitation de la Cour des comptes matérialisée par des actes concrets qu'il a posés le 27 juin 2022, en l'occurrence la nomination à tous les niveaux des animateurs des structures de la Cour des comptes, suivie quelques jours plus tard de la prestation de serment de tous ses magistrats. Il a saisi cette occasion pour lui réitérer ses vœux de réussite dans son nouveau mandat.
« Sans doute avec raison, nous avons vu en cette réhabilitation de la Cour des comptes une expression claire de la volonté du magistrat suprême d'assainir la gestion des finances et des biens publics en misant notamment sur la Cour des comptes, l'institution supérieure des finances publiques en République Démocratique du Congo ».
Aussitôt hissé à la tête de la Cour des comptes il y a de cela 2 ans, Jimmy Munganga s’est employé à mettre en place les fondements d'une institution supérieure de contrôle capable de lever les défis de la lutte contre la corruption, les fraudes de toute nature et les autres maux qui gangrènent notre système économique.
Le diagnostic posé à cet effet lui a permis de comprendre que les principaux acteurs de la gestion des finances et les biens publics de la RDC, demeurent dans l'ignorance de leur devoir sacré de recevabilité, tel qu'il est organisé par la loi organique de la Cour des comptes qui a été vulgarisée en faveur des mandataires publics. « Kozanga koyeba eza liwa ya ndambu », disait un sage congolais. C'est la raison pour laquelle la cour des comptes a lancé depuis l'année dernière un programme de vulgarisation de sa loi organique. La journée de vulgarisation à laquelle les mandataires ont été conviés est la troisième de la série qui a commencé avec la société civile d'abord et ensuite avec les comptables publics.
« Cette activité que j'ai l'honneur de présider à pour objectif principal d'échanger avec les mandataires publics sur la mise en œuvre de leur devoir sacré de redevabilité vis-à-vis du peuple congolais à travers la Cour des comptes en tant qu'institution supérieure de contrôle des finances et des biens publics. Tenant fermement à sa vision actuelle qui consiste à se positionner en tant qu'institution supérieure de contrôle des finances et des biens publics, indépendante, crédible et veillant au bon emploi des deniers publics, la Cour des comptes est déterminée à contribuer efficacement à une gestion plus saine et la plus rationnelle des entreprises du Portefeuille et des établissements publics.
En effet, ces deux organismes publics personnalisés constituent des maillots très importants du tissu économique de RDC. Promulguée depuis 2018, la loi organique de la Cour des comptes est pratiquement ignorée de tous les mandataires publics placés à la tête des entreprises et établissements publics. « Alors que conformément à la loi organique de la Cour des comptes, la redevabilité des gestionnaires des entreprises et établissements publics se traduit par la transmission annuelle des informations nous provenant du greffe de la Cour des comptes sont alarmants ».
Dans quelques rares cas où ces états financiers sont transmis à la Cour des comptes, ils le sont régulièrement sans respecter les dispositions de la loi organique de la Cour des comptes avec des risques évidents de tomber sous les sanctions de la chambre de discipline budgétaire pour faute de gestion.
Des orateurs ont tablé du dépôt des comptes annuels au greffe central de la Cour des comptes de la répression des fautes de gestion liées à la non-transmission des états financiers et enfin de la manière dont la Cour des comptes par le canal de sa chambre en charge des entreprises du Portefeuille et des établissements publics exploitent les états financiers qui lui sont transmis. « La journée de vulgarisation de ce jour revêt certes un caractère pédagogique, mais n'oublions pas que les défauts de transmission des états financiers constituent une faute de gestion punissable d'une amende qui peut approcher le double du salaire brut annuel de la personne mise en cause ».
S'il faut faire un peu de mathématiques, le juge de la Cour des comptes fixera l'amende encourue par la personne mise en cause en multipliant son salaire par 24 sans dépasser ce montant. Très bientôt, la Cour des comptes va passer de la pédagogie à la répression pour mieux accompagner ces entreprises et établissements publics de manière à ce que ces entités cessent d'être des problèmes pour l’État pour devenir plutôt des solutions à ses problèmes.
De la rétribution des mandataires publics exorbitante
Le procureur général du Parquet près la Cour des comptes, Salomon Tudieshe a souligné que les états financiers ne sont qu’un point que les différents orateurs ont évoqué. Pour lui, l'opportunité est bonne pour cette vulgarisation de la loi organique devant les acteurs de l’économie et des acteurs de développement. Le Procureur général avait reçu la dénonciation de la société civile sur les avantages que s’offrent les membres des comités de gestion. « Ni le premier président ni le Parquet général près la Cour de comptes n'étaient informés et associés aux rémunérations des mandataires publics. Un rapport de contrôle avait affirmé que les mandataires s’étaient octroyés des émoluments très élevés sans se référer aux organes compétents ».
D’après le procureur général, cette question ne pouvait être résolue à une simple formalité d’adoption par une assemblée générale. Ce sont des mandataires qui prennent part à l’assemblée générale qui sont intéressés. « Donc, ils sont juges et parties au moment où ils déterminent eux-mêmes leurs avantages. Ce n’est ni correct ni moralement défendable. Dans la foulée, j’ai appris d’un conseil d’administration qui était sur le point de s’octroyer 180.000 dollars américains ».
La Gazette du Continent