Tabu Ley Rochereau : la voix du seigneur de la rumba congolaise s’est tue à jamais le 30 novembre 2013

Tabu Ley Rochereau : la voix du seigneur de la rumba congolaise s’est tue à jamais le 30 novembre 2013

Pascal-Emmanuel Sinamoyi Tabu est l’âme de la musique congolaise.

Pascal Tabu Ley, alias Rochereau est né le 13 novembre 1940 dans un petit village de Sinamoyi, territoire de Bagata, dans la province de Bandundu.

Il est l’un des grands monuments de la musique africaine, Roi de la rumba congolaise, inspirateur et légendaire créateur.

Son héritage musical est revendiqué quasiment par tous les artistes congolais, dix ans après sa mort, son image, ses chansons n’ont pris aucune ride, ses œuvres sont encore vives, entretenues par des prétendants qui ne cessent de se présenter comme des héritiers de l’icône de la musique congolaise et africaine.

Il a été plébiscité par Jeune Afrique comme personnalité congolaise, à côté de Lumumba, de Mobutu, comme ayant marqué l'histoire de l'Afrique au XXe siècle.

Il est l’un des premiers artistes africains à jouer à l'Olympia- le 12 décembre 1970-, son spectacle demeurera un événement historique de portée nationale et africaine, la première soirée fut d’ailleurs retransmise à la radio nationale congolaise.

Comme beaucoup de gosses de son âge, Tabu Ley a commencé dans les chorales d'église.

Lauréat à un concours de meilleur chanteur, Tabu Ley a chanté devant le Roi Baudouin en 1955 à l’inauguration du stade Tata Raphaël et des finalistes congolais dont André Boboliko, Thomas Kanza, Henri Kathalay etc.

Sa rencontre avec le Grand Kallé Kabasele fut déterminante pour le reste de sa carrière musicale. C’est Grand Kallé qui lui a mis le pied à l’étrier.

En 1956, à 16 ans, élève à Sainte-Anne, un hasard providentiel les a fait rencontrer à Itaga chez Ok Bar dans la commune de Kinshasa ; celui-ci l’invita chez lui au 108 rue Kongolo, chez la sœur du Cardinal Malula ; dans sa chambre, Tabu Ley l’épata en chantant « kaji bolingo... nayebaki te okozonga .... », c’est comme ça que Tabu Ley pendant quatre ans écrira des chansons pour le Grand Kallé.

Le 6 juin 1959, Kabasele était absent à un concert, profitant de la circonstance et à la demande insistante des fans, Tabu Ley monta sur scène pour la première fois, l’histoire du génie s’écrira ce jour-là sous les yeux ébaudis des spectateurs.

L’élève a-t-il dépassé le maître ?

De l’African Jazz du Grand Kallé Kabasele à l’Africa Fiesta avec le docteur Niko Kassanda, Tabu Ley créa l’Afrisa International et règnera en seigneur ; il devient le Seigneur de la musique, le Seigneur Ley. Il a joué partout dans le monde, aux États-Unis, en Europe, et dans toute l’Afrique. Le témoignage de Papa Wemba à son sujet est éloquent. Sa filiation musicale se décline en plusieurs nuances et tendances, même l’intraitable Koffi Olomidé n’hésite pas à revendiquer sa part d’héritage, il l’a d’ailleurs rendu un bel hommage de son vivant dans « Koffi chante Tabu Ley ».

Qui n’est pas Tabu Ley de nos jours ? La question ne se pose plus, au regard des artistes musiciens congolais-toutes tendances confondues - tous se réfèrent à son style de musique, ils revendiquent tous une parenté ou une filiation musicale. Il a été le parrain de l’orchestre Zaïko Langa-Langa.

Meilleur compositeur, plus de trois mille chansons à son crédit, précurseur, inventeur de danseuses (Les Rochettes), créateur de styles, de danses, il a été le premier à introduire la batterie dans la musique congolaise.

L’exil

En 1977, Tabu Ley connaît l’exil, il s’installe aux Etats-Unis, puis en Belgique.

Contrairement à Luambo Makiadi qui fut le chantre du mobutisme, Tabu Ley était lumumbiste.

Il était toujours en controverse avec le président Mobutu.

Il était républicain, en défendant les valeurs républicaines et démocratiques, Tabu Ley devient la cible du pouvoir.

Il connaît la prison politique deux fois sous ce régime.

A la chute du président maréchal en 1997, Tabu Ley rentre au Congo et s’investit dans la vie politique tout en gardant un pied dans le monde artistique.

Tabu Ley avait-il fait un mauvais choix politique ?

Il fait partie du Rassemblement Congolais pour la Démocratie, (RCD), un ancien mouvement rebelle congolais porté par le Rwanda et qui fut l'un des acteurs majeurs de la guerre à l’Est du Congo.

Le 30 juin 2003, un gouvernement de transition est nommé selon l'accord global et inclusif de Pretoria du 17 décembre 2002 qui sera ratifié le 2 avril 2003 lors du dialogue intercongolais à Sun City, en Afrique du Sud.

Tabu Ley sera ministre, député en 2005 et vice-gouverneur de la ville de Kinshasa.

Tabu Ley s’aliène une partie de ses fans qui ne comprennent pas son choix politique, cette parenthèse politique a tari son inspiration et terni son image.

En juillet 2008, peu de temps après avoir représenté la RDC (République Démocratique du Congo) au festival mondial de musique organisé à Varadero, à Cuba, le seigneur Ley est victime d’un accident vasculaire cérébral. L’annonce de sa mort suscite une vive émotion, fausse nouvelle qui sera aussitôt démentie par la famille et ses proches, avec à l’appui des images sur les réseaux sociaux de l’artiste dans son lit d’hôpital.

Tabu Ley ne se remettra plus.

Il décède le 30 novembre 2013 à Bruxelles. Il a laissé plus de 80 enfants.

Des funérailles officielles auront eu lieu à Kinshasa.

Tabu Ley sera enterré le 9 décembre 2023.

 

Jean-Claude Mombong

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