Le président Mobutu s’appuyait sur un Parlement transformé en chambre d’enregistrement des décisions présidentielles.
Ce jour-là, pour la première fois depuis la prise de pouvoir du président Mobutu Sese Seko, une fronde surgit au cœur du régime. n (M.P.R.), le parti unique. Certains d’entre eux avaient joué un rôle important au sein du parti, comme M.
Étienne Tshisekedi, qui fut membre du premier bureau politique du M.P.R. en 1967, ministre de l’intérieur ; d’autres ont joué un rôle historique dans la lutte pour l’indépendance, comme M. Ngalula.
Le 1er novembre 1980, treize commissaires du peuple (députés) zaïrois commettent un crime de lèse-majesté. Ils rédigent une Lettre ouverte au citoyen président qu’ils envoient à l’intéressé. Le ton était faussement respectueux, mais très radical dans le contenu.
Après avoir passé en revue tous les maux du régime, ils réclament une profonde réforme politique garantissant la démocratie et les droits de l’homme. Par leur franchise et leur audace, les « Treize » lancent un défi sans précédent à Mobutu.
Une lettre de cinquante-deux pages :
« Voilà quinze ans que nous vous obéissons. Que n’avons-nous pas fait, durant ce temps, pour vous être utiles et agréables ? Chanter, danser, animer, bref, nous sommes passés par toutes sortes d’humiliations, toutes les formes d’avilissements que même la colonisation étrangère ne nous avait jamais fait subir […]. Après ces quinze ans de pouvoir que vous avez exercé sans partage, nous nous trouvons en présence de deux camps absolument distincts. D’un côté, quelques privilégiés scandaleusement riches. De l’autre, la masse du peuple croupissant dans la misère noire et ne comptant plus que sur la charité internationale pour survivre tant bien que mal. Et quand cette charité arrive au Zaïre, les mêmes riches s’arrangent pour la détourner au détriment des masses misérables … ».
Pour la première fois, permettez-nous de faire usage de cette liberté démocratique que vous avez publiquement reconnue. Et permettez-nous d'en user en nous adressant directement à Vous- même: « …il est une chose dont sur laquelle tous les zaïrois, peu importe leurs opinions politiques s’accordent......le Mal Zaïrois n’est pas d’ordre économique ou administratif. II est essentiellement d‘ordre politique et moral . En d’autres termes, il y a une crise profonde de confiance tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. À l’intérieur, les populations boudent manifestement le Parti et paraissent blasées par la multitude de slogans qui se contredisent et ne se traduisent jamais dans la réalité quotidienne.
Le Zaïre a perdu toute crédibilité et ses dirigeants sont considérés comme les plus mauvais gestionnaires qui soient.
La Révolution ne se fera pas par I’écrasement de l'individu, nous sommes pour la liberté humaine ,la suppression des oppressions politiques, la réaffirmation des grandes libertés traditionnelles : liberté d’opinion , la liberté de presse, liberté de conscience, le citoyen doit être respecté dans sa liberté qui lui rend la force de son dévouement ... »
Il s’agissait de 13 parlementaires ( commissaire du Peuple) , Ngalula Pandajila, Tshisekedi wa Mulumba, Makanda Mpinga Shambuyi, Kapita Shabani, Kyungu wa Kumwanza, Lumbu Maloba, , Kanana Tshiongo, Lusanga Ngele, Kasala Kalamba, Biringanine Mugaruka, Dia Onken Ambel, Ngoyi Mukendi, Mbombo Lona.
Les 30 et 31 décembre 1980, les « treize » sont arrêtés, accusés de complot et déportés dans différentes provinces. S’ensuit une épuration dans les milieux politiques, diplomatiques, militaires et intellectuels soupçonnés de sympathie envers la démarche des « treize ».
Ils subiront des emprisonnements, traitements cruels, inhumains et dégradants, tortures, bannissements et déchéance de leurs droits civils, politiques et sociaux.
Le 4 décembre 1981, sous la pression internationale, les « treize » sont libérés.
La naissance de l’Udps vaut à ses fondateurs une popularité au sein de la population, le président Mobutu ordonne leur arrestation, le 27 mai 1981.
Leur procès s’ouvre le 19 juin à Kinshasa. Le 28 juin, le verdict est rendu : ils sont condamnés à quinze ans de déportation pour atteinte à la sécurité de l’État et seront transférés dans onze prisons, dispersés dans six provinces.
Ils deviendront le symbole de la résistance au régime.
Le 18 mai 1983 , ils bénéficieront de l’amnistie générale décrétée par le président Mobutu à l’occasion de son accession au maréchalat.
Quarante un an après, le mal Congolais persiste toujours.
C’était le début de l’échafaudage de l’état de droit et de la démocratie.
Une pensée pour ses vaillants fils du pays.
Jeanclaude Mombong