Rwanda : l’opposante Victoire Ingabire n’est pas autorisée à se présenter à la présidentielle

Rwanda : l’opposante Victoire Ingabire n’est pas autorisée à se présenter à la présidentielle

Un tribunal a rejeté, mercredi, la demande de restauration des droits civiques de cette figure de l’opposition au président Paul Kagame. Elle en avait été déchue après sa condamnation à quinze ans de prison en 2013.

La Haute Cour de Kigali a rejeté, mercredi 13 mars, la demande de restauration des droits civiques de Victoire Ingabire, figure de l’opposition au président rwandais, Paul Kagame. Une décision qui l’empêche de se présenter à la présidentielle du 15 juillet, contre ce dernier.

L’opposante de 55 ans, qui ne peut pas faire appel de cette décision avant deux ans, avait été déchue de ses droits après sa condamnation en 2013 à quinze ans de prison notamment pour « minimisation du génocide de 1994 », qui a fait 800 000 morts entre avril et juillet 1994, essentiellement parmi la minorité tutsie.

« Je ne suis pas d’accord avec cette décision. Elle est clairement politisée. Nous avons toujours un pays où les tribunaux ne sont toujours pas indépendants », a-t-elle immédiatement réagi auprès de l’Agence France-Presse (AFP), depuis le tribunal de la capitale Kigali où elle assistait à l’annonce du jugement.

Libérée en septembre 2018

Depuis son retour au pays, en janvier 2010, après seize ans aux Pays-Bas, cette économiste d’origine hutue a passé une grande partie de son temps en prison. Elle avait été arrêtée et accusée de nier la réalité du génocide, après avoir demandé le 16 janvier 2010, lors d’une visite au mémorial du génocide de Kigali, que les auteurs de crimes contre les Hutu soient aussi jugés. Elle a été libérée en septembre 2018 dans le cadre d’une grâce présidentielle accordée à plus de 2 000 prisonniers.

« Lors de la grâce présidentielle accordée à Ingabire, certaines conditions ont été fixées qu’elle doit respecter », a déclaré mercredi le tribunal dans sa décision, en référence au maintien de la privation des droits civiques en cas de condamnation à une peine de plus de six mois. « Sa requête est donc sans fondement », a-t-il jugé.

Dirigeante du mouvement « Dalfa Umurunzi » (« développement et liberté pour tous »), non autorisé par Kigali, Victoire Ingabire avait annoncé sa volonté de se présenter à la présidentielle de juillet face à Paul Kagame, qu’elle accuse notamment de bafouer la liberté d’expression, de réprimer l’opposition et de négliger les populations les plus pauvres.

« Détermination intacte »

Dans un communiqué diffusé sur les réseaux sociaux, elle a fait part de sa « profonde déception », mais a assuré de sa « détermination intacte ». « La décision d’aujourd’hui nous rappelle brutalement les obstacles à la participation politique et le besoin urgent d’une réforme de la gouvernance de notre pays », écrit-elle. « Je suis déterminée à poursuivre la lutte pour l’établissement d’une véritable démocratie au Rwanda, en plaidant pour le respect des droits de l’homme et de l’Etat de droit », a-t-elle ajouté.

Seuls deux candidats se sont pour l’instant déclarés à l’élection du 15 juillet : Paul Kagame, l’homme fort du pays depuis 1994 et président depuis 2000, et Frank Habineza, chef du Parti vert démocratique qui avait obtenu 0,45 % des voix lors du dernier scrutin de 2017.

Le Parti vert démocratique est la seule formation politique autorisée qui critique le pouvoir. Les autres partis dits « d’opposition » ayant un agrément officiel soutiennent Paul Kagame. S’il est crédité du spectaculaire développement du Rwanda, exsangue au sortir du génocide, Paul Kagame est régulièrement accusé de bafouer la liberté d’expression et de réprimer toute opposition.

Elu président par le Parlement en avril 2000, il a obtenu plus de 90 % des voix aux présidentielles qui se sont tenues depuis au suffrage universel en 2003, en 2010 et en 2017. En vertu d’amendements constitutionnels passés en 2015, le dirigeant de 66 ans peut potentiellement rester au pouvoir jusqu’en 2034.

 

La Gazette du Continent avec l’AFP

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