Une nation orpheline...

Une nation orpheline...

La célébration du génocide pour des gains économiques, dit GENOCOST, a eu lieu à Kisangani ce 2 août 2024. Une chose frappante est qu'il n'a donné lieu à aucun déplacement d'une délégation étrangère, même pas des pays qui se disent amis de la RDC.

Ce fut un deuil à “huis clos”, sans consolateurs, sans compatissants, dans presque l'indifférence du monde, y compris des pays africains.

Notre malheur, on nous le reproche. Un narratif a été développé et diffusé à grands renforts de médias sur notre propre responsabilité dans ce qui est arrivé à la RDC depuis près de 3 décennies. Son effet subliminal a conduit bon nombre de congolais à s’auto-persuader qu'ils sont les premiers artisans de la tragédie qui a frappé ce pays.

On a entendu le président français, Emmanuel Macron, dans une sortie très peu diplomatique, reprocher au président Félix Tshisekedi à Kinshasa le fait que la RDC n'a pas réussi à restaurer la paix, à instaurer une justice transitionnelle et équitable, ainsi qu'une administration efficace sur tout son territoire.

Si les faits sont réels, cette analyse reste biaisée car elle se focalise sur les conséquences, tout en éludant les causes. Une façon de clouer au pilori la RDC en omettant la genèse de sa descente aux enfers et les responsabilités de certains États, surtout celle de certaines puissances occidentales.

Ce qui a détruit la paix et la sécurité au Congo, ce sont les guerres de prédation importées dans le pays à partir de 1997 par des États bien connus et qui sont parrainés par des puissances occidentales. Ce n'est pas le Rwanda et l'Ouganda qui ont décidé de conquérir tout le Zaïre, même s'ils n'ont jamais caché leurs visées hégémonistes. Mais aucun plan d'invasion du Zaïre, à l'époque un pion majeur sur l'échiquier géopolitique américain, ne pouvait se faire sans l'aval de Washington. Surtout pour faire partir le président Mobutu, même s'il était très contesté et déjà gravement malade à l'époque.
Qui a oublié l'envoyé spécial Bill Richardson apportant un message explicite faisant de la coalition rwando-ougandaise le nouveau maître du Zaïre ?

Plutôt que de favoriser un processus interne de changement de pouvoir qui aurait eu l'avantage de préserver la paix et la sécurité au Zaïre, surtout qu'un processus interne de transition (certes chaotique) était en cours avec l'opposition, le choix fut fait de sous-traiter une opération d'éviction armée conduite par le Rwanda et l'Ouganda, en se servant de l’Afdl de Laurent-Désiré Kabila comme cheval de Troie. Ce dernier se retournera d'ailleurs contre ses parrains trop envahissants et pilleurs. Il le paiera de sa vie…

Ainsi, ce pays fut mis à feu et à sang avec l'aval occidental.
Et on nous demande de réparer en une ou deux décennies la destruction de plus de 30 ans de paix et de construction de la nation.
Cela avec les lambeaux de l'administration et une armée détruite sciemment par les envahisseurs.
Avec quels moyens ?
Avec quelle aide ?

L'Europe avait au moins bénéficié du Plan Marshall américain après sa destruction durant la 2e guerre mondiale.

Où est le plan Marshall pour la RDC après sa destruction méchante par des États aux agissements criminels qui sont documentés par des rapports des Nations unies et que l'Occident a souvent du mal à citer ?

Si les deux missions de l'ONU (MONUC et MONUSCO) ont contribué à éviter la partition du pays, elles n'ont jamais eu le mandat idoine et les moyens nécessaires pour chasser les envahisseurs, qui continuent encore aujourd'hui de massacrer les populations et de piller le pays, directement ou à travers des proxies. Ces derniers, des groupes armés fantoches et une cohorte de traîtres et de desperados assoiffés d'argent et de pouvoir, sont utilisés dans une recette récurrente pour créer un écran de fumée pendant les massacres et les pillages.

Le choix de détruire la RDC pour s'emparer de ses ressources naturelles a des commanditaires, des exécutants, des receleurs et des bénéficiaires finaux connus.
Tout ce monde a enjambé les corps de victimes congolaises, détourné les regards des charniers, s'est bouché le nez devant les odeurs de putréfaction des cadavres.
Et pour solde de tout compte, ils nous disent "débrouillez-vous"
Oui, l'article 15 on connaît, c'est grâce à lui que le peuple congolais survit sans rien attendre de l'étranger, qui ne lui a apporté que malheurs tout au long de son histoire.

Le Zaïre était un pays qui vivait plus en paix que les deux pays qui l'ont envahi. Le grand Kivu était prospère et grenier du pays, tandis que l’Ituri (à l'époque territoire) était un havre de paix et siège de la production aurifère. Nous avons réussi à faire vivre ensemble plus de 350 tribus africaines sur un territoire aussi vaste que l'Europe occidentale, cela sans conflits majeurs.

Pendant ce temps, le Rwanda était en proie à ses démons tribaux et génocidaires, avec lesquels d'ailleurs, il n'a pas fini. Car sous le semblant de paix, conséquence d'une dictature implacable qui traque et assassine les opposants jusqu'à l'étranger, se cache un volcan entretenu par la discrimination ethnique immanente...

Quant à l'Ouganda, elle sortait d'une longue période d'instabilité et de guérillas. C'est la prise en main du guérillero Museveni par l'Oncle Sam qui lui a permis d'instaurer une paix de cimetière, grâce lui aussi à une dictature renouvelée par de fausses élections depuis près de 40 ans.

Il faut ici souligner que c'est l'appui militaire des USA par l'équipement et la formation des unités de combat qui a permis aux armées rwandaise et ougandaise d'atteindre leur niveau d'efficacité actuel. Autrefois, les rebelles rwandais de Kagame, appuyés par l'armée ougandaise, furent défaits par les Forces armées zaïroises dans leurs premières tentatives d'envahir le Rwanda. C'est peut-être l'une des causes de leurs ressentiments vis-à-vis de la RDC.

On devrait plutôt féliciter les congolais qui, sans aides économiques conséquentes, ont commencé à rebâtir une année moderne et posent les jalons d'une administration améliorée, en affichant la volonté d'éradiquer la corruption qui gangrène la justice.

Certes, beaucoup de chemin reste à parcourir. Des choix éclairés doivent être faits sur la manière la plus efficace de gérer la nation et de conduire le pays vers le développement. C'est ici que réside notre vraie responsabilité, car au-delà de panser nos plaies, comme cela vient d'être fait avec cette commémoration, nous devons matérialiser la volonté d'éradiquer les fléaux qui gangrènent notre gouvernance, avec au premier plan la corruption endémique et les détournements des fonds publics.

Pour conclure, on ne peut pas éluder les causes d'un processus de destruction d'un pays. S'il est vrai que dans le cas de la RDC, il y a des causes endogènes, elles sont constamment battues en brèche par la volonté criminelle qui persiste dans le chef des pays envahisseurs, qui en ce moment même continuent leur œuvre de sape, déstabilisent, tuent et pillent, sous le regard hypocrite du monde et des puissances occidentales.

Nos maigres moyens sont mis à rude épreuve pour faire face à cette machine infernale, car on doit en même temps équiper et faire monter en puissance l'armée, dont les vaillants soldats tombent chaque jour au champ d'honneur pour défendre la patrie, et pourvoir aux besoins fonctionnels d'un État qui a la responsabilité de plus de 100 millions d'âmes.

La nation congolaise est orpheline. Son existence même ne tient que de la volonté de son peuple, qui refuse avec toute son énergie existentielle d'être démembré par des états aux desseins démoniaques.

Si des âmes perdues peuvent être corrompues, le peuple congolais, lui, ne l'est pas.
Il poursuit son destin, celui d'une grande nation au cœur de l'Afrique.
VIVE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO ! 🇨🇩

 


Me Charles Kabuya
Avocat

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