Le responsable du média en ligne Opinion-Info, Edmond Izuba a réalisé une enquête sur la bagatelle de 10 millions de dollars américains, « donation » du président Félix-Antoine Tshisekedi en 2022 pour électrifier la cité de Muanda, située dans le territoire éponyme au Kongo Central, et y mener des travaux de développement, n'a laissé aucune trace trois 3 ans plus tard.
Pas de réalisation fonctionnelle à ce jour si ce n'est la Commission de Gestion des Fonds Muanda (CGFM), mise en place pour gérer cette donation de Tshisekedi. Cette commission fait déjà l’objet des poursuites judiciaires pendant que son compte en banque est passé au rouge, rendant impossible la matérialisation de son projet phare : l'électrification de Muanda.
Sociétés fictives et irrégulières, gestion opaque, paiement en cash, associés douteux, complicité bancaire… plongez au cœur d'une vaste opération de détournement de 10 millions dollars américains, menée sous la supervision du ministre des Hydrocarbures de Didier Budimbu succédé par Molendo Sakombi.
A Muanda, cité côtière située à plus de 550 km à l’ouest de Kinshasa, la tension monte, les esprits sont surchauffés après 2 ans de stagnation. Le Collectif des jeunes leaders de Muanda (CJLM) menace d'investir la rue pour dénoncer la situation qui prévaut et exprimer leur « insatisfaction ». Le Collectif a annoncé à Opinion-Info avoir déjà saisi les instances judiciaires pour accuser de détournement les membres de la CGFM, une commission mise en place par les autorités pour conduire des projets en faveur des populations locales.
« Le fonds mis à la disposition de la commission avait des projets prioritaires comme l’électrification de Moanda pour booster les activités économiques. Malheureusement, jusqu’à ce jour, nous n’avons jamais vu le courant. L’argent a été décaissé pour électrifier la cité, eux ont préféré placer des lampadaires. Est-ce que l’économie de ce territoire, on va la booster avec des lampadaires ? », s’interroge Freddy Lusasi, secrétaire général du CJLM. Le Collectif reproche à la CGFM d'avoir privilégié des dons aux autorités de Muanda plutôt que de réaliser les projets retenus.
« Nous avons appris qu’ils ont remis des véhicules pick-up 4x4 aux chefs des secteurs. Ils auraient remis des bancs aux écoles voire des médicaments à un hôpital. Tout ça pour nous distraire. Ce sont des accessoires et de la poudre aux yeux. Ils ont juste tenté d’associer certains responsables des secteurs à leur coup contre la population », dénonce Freddy Lusasi.
Muanda est une cité du territoire portant le même nom, située dans la province du Kongo Central, qui abrite Inga et Zongo, deux des plus grands barrages hydroélectriques du pays. Pourtant, cette cité n'a jamais été connectée à aucun de ces réseaux électriques. Muanda, qui baigne dans le noir, contribue pourtant significativement au budget de l'Etat grâce notamment à l'extraction du pétrole onshore et offshore, assurée principalement par les sociétés Perenco Rep et Socir.
A 15 Km de Muanda, le port en eaux profondes de Banana, l'unique du pays, est en pleine construction à la jonction du fleuve Congo et de l’Océan Atlantique, afin d'impulser davantage les activités économiques en RDC. De quoi faire de l'électrification de Muanda, une urgence nationale.
Conscient de cette urgence, le président Félix-Antoine Tshisekedi, avait ordonné au gouvernement, en décembre 2021, de réserver 15 % du montant convenu dans le cadre du 9ème avenant du contrat Perenco, conclu à hauteur de 67 millions de dollars américains, à l'électrification de Muanda et à la réalisation d’autres projets de développement.
Cette instruction, selon Didier Budimbu alors ministre des Hydrocarbures, a été prise dans le souci de « réparer une injustice sociale » dont cette cité était victime. Ainsi, 10 millions de dollars américains ont été logés, sur décision du ministre des Finances de l'époque, dans un compte du Bureau central de coordination (BCECO), choisi par le même ministre des Finances pour gérer ces fonds destinés aux travaux d'électrification de Muanda pour en faire le poumon de l'économie nationale.
Contre l'avis de son collègue des Finances, l'alors ministre des Hydrocarbures, Didier Budimbu, a institué la Commission de gestion des fonds Muanda (CGFM) dont les animateurs ont été proposés par un autre membre du gouvernement, Modero Nsimba, originaire de Muanda qui occupait le portefeuille du Tourisme. Le décor ainsi planté, Budimbu, dans sa casquette de superviseur du projet, a réclamé au ministre des Finances de transférer les 10 millions de dollars américainsdans le compte de la CGFM.
« Le ministre des Finances voulait imposer le BCECO comme vrai gestionnaire de ce fonds et servir de la CGFM comme simple organe de plaidoyer ou de consultance. Il y a eu tollé dans le chef de la population. Ce qui n’a pas parmi au BCECO de résister face à cette pression », signale Teddy Tendayi, membre de la CGFM. Dans son rapport de février 2025, l’Inspection générale des finances (IGF) a confirmé que « la gestion de ce fonds (10 millions USD) a intégralement été assurée par la CGFM ».
Malformations congénitales
La CGFM a vu le jour avec des malformations congénitales dues entre autres à l'absence d'un règlement intérieur devant organiser son fonctionnement. Ses premiers jours ont été marqués par le débat sur le partage de 10 millions de dollars américains, pris tel un butin de guerre, plutôt que sur les objectifs fixés à la jeune structure.
Dans ce contexte, 3 parmi les 13 membres de la CGFM, dépités en outre par la méthode de leur présidente, Michelle Makengo, ont claqué la porte. Il s’agit de Dodo Balu, chargé des marchés, Me Lulu Dilu Mutu, membre de la plénière, et de Crispin Tuamona, inspecteur des finances, désigné pour « l’encadrement de fonds a priori et a posteriori » sur recommandation de Jules Alingete, chef de service à l'IGF.
« La présidente proposait déjà que nous ayons 20 % de 10 millions, soit 2 millions de dollars en liquide, comme frais de fonctionnement avant qu’on commence les travaux. Nous lui avons dit non. Nous devons d’abord commencer les travaux, définir un cadre de travail pour savoir comment est-ce que nous devons évoluer. Elle ne nous a pas écoutés », a confié le démissionnaire Me Lulu Dilu.
L'excès de pouvoir confié à la présidente a aussi porté entorse au fonctionnement de la CGFM. Elle peut par exemple engager la commission en dehors d’un préposé des finances, ou encore de décider sur les marchés. « Dans sa décision, le ministre des Hydrocarbures a confié presque tous les pouvoirs entre les mains de la présidente, agissant comme le fondé de pouvoir. Tout devrait passer par elle, et c’est elle qui devait approuver les marchés. C’était déjà un problème au départ ».
Bras de fer CGFM-Budimbu
Dans sa décision portant création du CGFM, Didier Budimbu a attribué à la commission la mission de construire « un hôpital et une université ». Les animateurs de la CGFM ont boudé ces orientations de Budimbu pour dresser, sur base des recommandations de la table ronde entre le Gouvernement, la Société civile et les 2 sociétés pétrolières actives à Muanda, tenue début 2022, une liste de 150 projets à réaliser dont 5 ont été jugés réalisables dans un délai de 8 à 12 mois. Notamment, le réseau électrique, l'appui aux agriculteurs, l’amélioration du cadre de vie rurale, le micro-projet de développement, l'eau et assainissement.
« Comme acteur politique, il voyait avant tout les élections de 2023. Etant fils du Kongo Central, il pensait que réaliser ces deux ouvrages (hôpital et université) seraient plus pratiques que le projet électrique et autres. Mais nous, on devrait suivre les résolutions de la table-ronde qui étaient un vœu de la population », a expliqué Teddy Tenday.
Et Jean-Paul Makengo, directeur de cabinet de la présidente de la CGFM, d'enchaîner sur les antennes de Radio Okapi que« l’électrification de la cité (de Muanda) correspondait à une forte attente de la population. L’idée de la commission, c’était de ne pas mettre des millions que pour l’électrification de la cité. Il y a eu aussi d’autres projets… Les autres coins (du territoire) avaient aussi besoin d’en bénéficier comme la cité de Muanda ».
Priorité électricité
L'électrification de Muanda a été figée comme priorité de la CGFM, décidée à couvrir le besoin de la population en énergie électrique estimé à 12,5 mégawatts. Pour ce faire, 15 nouvelles cabines électriques devraient être construites, outre l'achat de plus de 68 km de câbles de transport du courant électrique, la création d’un poste de barrière (entre le réseau basse tension de Muanda et le poste de production de Perenco), l’implantation de 900 luminaires dans la cité et l’assainissement du réseau électrique existant.
Selon le document de travail auquel nous avons eu accès, ce projet devrait consommer, à lui seul, environ 60 % de l'enveloppe à disposition de CGFM. A ce jour, alors que ces travaux lancés en 2023 ne sont guère avancés, il ne reste que près de 5.000 dollars américains dans le compte logé chez First Bank RDC, avons-nous appris. Cette somme, ont confié des sources dans cette banque, peut être considérée comme une garantie bancaire.
Dans l'opinion, nombre d'observateurs ont dénoncé que ces différents travaux ont été initiés sans études de faisabilité rigoureuses, et à l’absence totale des experts qualifiés en matière d’électricité et la Société nationale de l’électricité (SNEL).
Opacité
Mi-juillet 2023, la CGFM a recruté, à l’issue d’un appel d’offre local, PIK-Service au détriment de Casa Zinga, Sodimas et Congo Méthode, pour exécuter les travaux retenus. PIK-Service, selon la CGFM, a répondu aux critères de sélection fixés, notamment la capacité financière à gérer des dossiers à coût élevé et la connaissance du terrain d’action (Muanda) et de ses partenaires techniques (SNEL et PERENCO).
« La CGFM s’est servie de l’entreprise PIK-Service pour orchestrer des actes de banditisme financier. PIK va accepter de fermer les yeux devant une autre société qui viendra lui ravir son marché pour ne rester que simple exécutant », dévoile Lulu Dilu.
Il s'agit d'une société de droit chinois, dénommée Ulee International, auprès de qui une somme de plus de 5 millions dollars américains a été versée. Pourtant, l’objectif de l’appel d’offre local a été de faire bénéficier aux entreprises congolaises et particulièrement celles du Kongo Central, tous les marchés du projet. « Cette entreprise chinoise appartiendrait à un certain Georges. C’est la première fois pour moi d’entendre un Chinois portait un nom français », dénonce Dudu Lulu, démissionnaire de la CGFM.
Les responsables de la commission ont rejeté ces allégations, arguant que Ulee International est fournisseur de PIK-Service. « Nous avons juste demandé à PIK de nous montrer son fournisseur. Nous sommes entrés en communication avec la société qui avait déjà sa facture proforma. Et sur base de cette facture, la CGFM a fait le paiement directement auprès du fournisseur de PIK-Service. C’était pour protéger l’argent de l’Etat et éviter que l’argent passe entre les mains des individus », rétorque Teddy Tenday, membre actif de la CGFM.
Pas assez pour convaincre l'IGF qui, dans ses investigations, s'est rendue compte que la CGFM a délivré le marché à Ulee International sans documents administratifs nécessaires. « Absence du protocole de vente et son avenant signés entre la CGFM et la société Ulee International, pourtant mentionnée sur les factures pour une commande d’un montant de 4.804.374 de dollars américains », indique le rapport de l’IGF.
Dans une interview avec Opinion-Info, le responsable de PIK-Service s’est réservé d’expliquer qui est réellement Ulee International. Du côté de la CGFM, on brandit le lien du site internet comme principale preuve d’existence de cette entreprise chinoise qui passe pour la plus chanceuse au monde, tant elle a remporté un marché de plus de 5 millions de dollars américains en RDC sans détenir un contrat formel.
« Michelle Makengo a présenté Ulee International comme une société partenaire à l’épouse du chef de l’Etat en lieu et place de nous dire clairement qui était le fameux Georges qui représentait cette entreprise chinoise. C’est le jour où je m’étais dit que c’était un marché des dupes », déplore Lulu Dilu.
Flou sur le coût des travaux
Au départ, l’exécution de l’ensemble des travaux de réhabilitation et d’amélioration du réseau électrique de la cité de Muanda avait été évaluée à 5,3 millions dollars américains avec PIK-Service. Une année plus tard, soit au moment des achats, l’entreprise PIK-Service n’a perçu que 1.9 millions de dollars américains.
Son Directeur général embarrassé ne sait plus se rappeler du coût réel des travaux au point de s'appesantir sur les estimations. « Difficile de déterminer -les chiffres- car le projet a évolué et les coûts ne sont pas fixes. Toutefois, la main d'œuvre est inférieure à 30 % », a dit Papy Kiakala, DG de PIK-Service.
Cette réponse aussi réservée qu’ambigüe semble cacher la participation de PIK-Service dans un deal qui a fait exploser le coût du projet électrique de 5,3 à 7,5 millions dollars américains, soit un surplus de plus de 2 millions de dollars américains.
« PIK n’a touché que la partie concernant sa main d’œuvre et de petits achats locaux (ciments, graviers, poteaux…), environ 2 millions de dollars américains », a affirmé Jean-Paul Makengo, directeur de cabinet de la présidente de la CGFM.
Des sociétés fictives
Si Ulee International est tombée comme un cheveu dans la soupe dans le projet d’électrification de la cité de Muanda, PIK-Service, quant à elle, serait le fruit d’un arrangement qui ne dit pas son nom entre les animateurs de la CGFM derrière un appel d’offre déguisé.
Papy Kiakala, Directeur général de PIK-Service, a avoué que son entreprise n’avait pas un compte bancaire suffisamment garni pour lui permettre de remporter ce marché. Il a révélé avoir été recruté pour la connaissance du milieu. Le pire, dans le recrutement de PIK-Service, est que la société n'existe pas légalement.
« PIK-Service Engineering n’est pas enregistrée dans la base de données informatisées du Guichet unique de création des entreprise (GUCE). Ce qui signifie qu’elle n’a jamais accompli une quelconque formalité au GUCE, soit pour sa création, soit pour l’harmonisation ou la régularisation de sa situation juridique au regard du droit OHADA, soit pour une inscription complémentaire ou toute autre démarche », a ainsi répondu le Directeur général du GUCE, Amisi Herady, à une correspondance d’Opinion-Info.
Et, PIK-Service n'est pas la seule société ou structure fictive et budgétivore. Il y a aussi le Staff technique et administratif, présenté comme interlocuteurs directs des partenaires institutionnels et habitants sur terrain, et la Régie autonome de gestion des équipements de Muanda, (RAGEM), etc.
Nos démarches pour prouver l’existence légale de toutes ces structures se sont avérées vaines. « La fondation MIDI, bénéficiaire du marché des forages à Muanda, a disparu dans la nature avec le fonds sans réalisation les travaux», regrette le Chargé de communication de la CGFM, sans révéler le montant perçu par cette structure.
Perenco, le bouc-émissaire de CGFM
Alors que le ton monte de plus en plus contre la CGFM, certains matériels pouvant servir à l'électrification de Muanda sont abandonnés dans un entrepôt de la société pétrolière SOCIR. Il s'agit notamment des transformateurs, poteaux polygones, disjoncteurs, câbles électriques, chambres froides solaires, bancs pupitres. Ces matériels fragiles sont exposés aux intempéries et aux caprices de la saison pluvieuse. Le chargé de communication de la CGFM déplore la façon dont les gardiens du site cannibalisaient ces matériels. L’entreprise PIK-Service dit être bloquée par l'autre société pétrolière, Perenco, qui a refusé d’octroyer les 12 mégawatts sollicités pour électrifier la cité de Muanda. Selon le responsable de PIK-Service, le DG de Perenco avait assuré à la société civile que son entreprise avait la capacité d’offrir ces mégawatts pour la cité.
Papy Kiakala, qui « peine à cerner la volte-face » de Perenco, rassure qu'il tente de se rattraper en prenant d'autres dispositions. Il est cependant resté muet sur la date de reprise des travaux.
« Nous avons contacté ANSER -Agence nationale de l’électrification et des services énergétiques en milieux ruraux- car celle-ci devrait être en possession d'un milliard de dollars américains de la Banque mondiale pour le projet Zone grand Inga. Nous avons tout fait pour que le projet Zone grand Inga intègre le nôtre. Et, c'est fait. Déjà une mission mixte ANSER, SNEL et Banque mondiale a été dernièrement à Muanda pour palper du doigt cette réalité », a déclaré Papy Kiakala.
Ces accusations de blocage sont rejetées par la société Parenco qui produit son courant à l’aide du gaz de l’océan atlantique, avons-nous appris. L'un des responsables de cette société pétrolière a confié à Opinion-Info qu’aucun engagement n'a été pris avec qui que ce soit pour offrir 12 mégawatts à la cité de Muanda. Une source digne de foi voit dans cette démarche de la CGFM la volonté d’utiliser Perenco comme bouc-émissaire pour justifier le détournement.
« Perenco a déjà donné gratuitement son courant à la cité à travers la SNEL. Le peu de mégawatts qui restait nous les avons servis à la Base militaire de Kitona. Nous n’avons plus rien à offrir à la cité », a confié l’entreprise pétrolière.
Une autre source au sein de Perenco a, elle, affirmée être tombée sur une correspondance du directeur de cabinet du chef de l’Etat sommant « notre société » de disponibiliser les mégawatts à la CGFM. « Nous lui avons expliqué, preuve à l’appui, tous les raccordements déjà faits… et qu’il n’y a plus de mégawatts disponibles », a-t-elle poursuivi.
CGFM et ses 16 actes de mégestion
Un récent rapport de l’Inspection générale des finances a mis en lumière, à travers 16 actes, la mauvaise gestion de 10 millions de dollars américains décaissés en faveur de Muanda sur instruction du président Félix-Antoine Tshisekedi.
1. Non-respect de la loi n°10/010 du 27 avril 2010 relative aux marchés publics ;
2. Déviation de la CGFM de sa mission précisée dans la décision portant sa création ;
3. Nomination et recrutement irréguliers du personnel ainsi que l'absence de barème de rémunération et autres avantages alloués au personnel de la CGFM ;
4. Non-retenue de l'IPR lors des paiements des avantages et rémunérations du Comité de gestion, des membres de l'Assemblée plénière ainsi que du personnel de la CGFM ;
5. Fonctionnement de la CGFM sur base d'un Règlement d'ordre intérieur non approuvé par le ministre des Hydrocarbures, superviseur de la CGFM ;
6. Répartition disproportionnée de financement des projets retenus par la CGFM, et le non-respect de ses prévisions budgétaires ;
7. Retraits et paiements effectués en espèces, en violation de la réglementation en vigueur, pour des dépenses d'un montant égal ou supérieur à 10.000 dollars américains, totalisant un montant de 3.067.331 dollars américains incluant des paiements en espèce de 1.430.000 dollars américains versé à un fournisseur étranger sur le territoire congolais et 988.711 dollars américains à des prestataires congolais ;
8. Justifications insuffisantes ou absences pour plusieurs dépenses, incluant des frais de missions répétitifs cumulant 17.000 dollars américains par mois sur 7 mois consécutifs, ainsi que 300.000 dollars américains de dépenses non expliquées sous l'intitulé « manifestations diverses » ;
9. Absence du Protocole de vente et son avenant signés entre la CGFM et la société Ulee International, pourtant mentionné sur les factures, pour une commande d'un montant de 4.804.374 dollars américains ;
10. Investissement de 70 % du fonds de Muanda dans la réhabilitation du réseau électrique de Muanda sans engagement ferme de la part de Perenco Rep :
11. Double emploi dans le paiement des frais d'études se rapportant au projet d'électrification ;
12. Incertitude sur l'existence de la société Maxwin qui a bénéficié d'une commande et d'un paiement de 1.106.394 de dollars américains ;
13. Indices de surfacturations des matériels et équipements importés ;
14. Fournisseurs et prestataires introuvables aux adresses renseignées sur leurs factures ;
15. Facture pro forma de deux fournisseurs différents présentant des signatures similaires indiquant qu'un même fournisseur, agissant sous deux identités distinctes, a bénéficié de contrats cumulant 5.910.268 dollars américains hors toute procédure de mise en concurrence ; et
16. Des projets financés en totalité mais inachevés, aux arrêts ou non exécutés.
IGF, BCECO, Molendo et Budimbu, complices de malversation financière ?
Un arrêté, jugé « tardif et suspect » de l'actuel ministre des Hydrocarbures, Aimé Sakombi Molendo, a jeté de l’huile sur le feu. En effet, pendant que les membres de la CGFM continuaient à effectuer les derniers retraits auprès de First bank, Molendo a signé, le 13 septembre 2024, un arrêté qui modifie et complète la décision de son prédécesseur Didier Budimbu.
Le puissant ministre des Hydrocarbures s'est refusé de répondre à nos questions sur les motivations d’un tel arrêté qui, en plus et surtout, n’est pas passé par la délibération au Conseil des ministres. Cet arrêté, estiment de nombreux observateurs de cette affaire, est « irrégulier » et formalise le détournement opéré au sein de CGFM dont Molendo est le superviseur.
Face à ces insuffisances, l'IGF, dans son rapport de février 2025, a recommandé au ministre des Hydrocarbures de prendre un nouvel arrêté pour un meilleur encadrement des fonds de la CGFM.
Contrairement à lui, son prédécesseur, Didier Budimbu, passé ministre des Sports depuis juin 2024, s'est confié à Opinion-Info, affirmant, lui, avoir placé des garde-fous pour prévenir tout scandale financier. « J’ai placé un inspecteur des finances et un chargé des finances pour éviter toute déviation et de l’argent et de la mission », a précisé Budimbu.
Pourtant, sous son règne aux Hydrocarbures, 200.000 dollars américains ont été retirés en 2 tranches pour le compte de la CGFM, indique le rapport de l'IGF. « J’étais l’unique personne à engager la Commission quand ce compte a été créé. La CGFM avait besoin de certains fonds et moi, comme superviseur, je l’ai fait en son nom », a expliqué Budimbu.
Dans l'entre-temps, tous les 16 actes de mauvaise gestion relevés par l'IGF convergent vers le détournement des derniers publics, faux et usages de faux, surfacturation... Aussi curieux que cela puisse paraître, l'IGF, réputée pour sa traque contre « les bandits financiers et les prédateurs des fonds publics », n'a pipé mot ni dénoncer ces actes de détournement sur fond d'un matraquage médiatique comme elle sait si bien le faire. Pire, son rapport n’a jamais atteint les instances judiciaires. Jules Alingete, qui a signé ces recommandations, a opté pour un silence de cimetière.
Complicité ou culpabilité ?
Bien plus, le gendarme financier du Chef de l’Etat n’a pas rendu public le rapport signé depuis février 2025. Sur le site de l’IGF où figurent tous les autres rapports produits par des inspecteurs des finances, celui sur la CGFM est introuvable. « Jules Alingete a tenté de qualifier son propre rapport de fakenews », murmure une indiscrétion au sein de ce service de la présidence de la République. Pour tous les juristes consultés par Opinion-Info, nous sommes bien devant un cas de détournement des sommes colossales et ponctué de corruption avérée.
Dans une interview accordée l'année dernière à la Radio Okapi, le responsable de la Ligue contre la corruption (Licoco) avait déjà alerté l’Etat congolais sur ces actes de détournement des fonds et la désorientation du vœu exprimé par la population de Muanda.
Au nombre de ces juristes, Me Constant Mutamba. En sa qualité de ministre d’Etat, ministre de la Justice et Grade des sceaux, il a instruit, avec fracas, fin mars 2025, pour des poursuites et arrestations des présumés auteurs du détournement de 10 millions destinés à l’électrification de la cité de Muanda. En ligne de mire de Mutamba, les animateurs de la CGFM. Bien que cette « instruction soit en cours », comme nous a été indiqué par le ministre, mais aucun membre de la Commission n’a été arrêté, ni entendu.
Un membre de la commission a révélé que l’IGF était au départ partie prenante dans la gestion de ces fonds avant de se retirer. « Jules Alingete nous avait donnés quelques conseils d’utilisation de ce fonds. Conseils que nous avons appliqués à la lettre : ne pas procéder à l’appel d’offre puisqu’il s’agit d’un don ». Ce rapport de l’IGF sonne comme un arrangement entre inspecteurs des finances et membres de la CGFM. Les proches de Didier Budimbu ont soufflé à Opinion-Info que l'actuel ministre des Sports était étonné d’entendre parler de détournement des fonds destinés à la CGFM pendant que la commission était régulièrement conseillée par Alingete et ses hommes.
Par le biais de son Directeur, Jean Mabi Mulumba, le BCECO, chargé au départ du projet de gérer les 10 millions de dollars américains accordés à Muanda par Tshisekedi, s'est réservé de tout commentaire, lâchant cette sèche réponse à la question de savoir comment le fonds a quitté avec beaucoup de facilité le Bceco pour atterrir dans le compte de la CGFM ? : « le Bceco n’étant pas partie prenante de ce projet, je n’ai aucun commentaire à ce sujet ».
En novembre 2023, en pleine campagne électorale à Muanda pour solliciter des voix en vue de sa réélection à la présidence de la République, Félix-Antoine Tshisekedi a fait face aux mêmes jeunes à qui il avait promis, quelques années auparavant, de l'électricité.
Les animateurs de la CGFM, rattrapés par le temps et leurs malversations, ont vendu du vent au candidat Tshisekedi, ignorant des déboires ayant entaché l'exécution du projet d'électrification de Muanda. Tshisekedi, à son tour, a édulcoré la situation, en tentant de rassurer que « le courant électrique sera installé à Muanda d’ici au 20 décembre prochain ». Cette nouvelle promesse du candidat président, bien qu’accueillie avec une grande clameur par la population, s’est avérée à ce jour comme de la pure démagogie.
À l’Agence Nationale d'Électrification (ANSER), l’on assure que la cité de Muanda sera électrifiée. Sauf que l’Agence cherche avant tout à concilier les divers projets liés à l'électrification de Muanda et ses intervenants. L’objectif pour le gouvernement, c’est de faire de l’ANSER l’unique interlocutrice auprès de Perenco qui va fournir le gaz.
Par la suite, l’ANSER va récupérer 4 mégawatts de Perenco dans le cadre d’un projet à court terme, évalué à 1 an, qui sera confié à la SNEL afin d'augmenter sa capacité de fourniture à Moanda. « Déjàbeaucou mégawatts, beaucoup de ménages seront servis sans problème », affirme une source au sein de l’ANSER.
Pour ce qui est du projet à long terme, l’ANSER prévoit couvrir toutes les zones non électrifiées de la province du Kongo Central avec le gaz tiré de l’exploitation pétrolière dans l’océan. La durée de ce projet est estimée à 5 ans.
La Gazette du Continent.