Icône de la musique congolaise, ambassadrice du Mutuashi, Tshala Muana est née le 13 mai 1958 à Élisabeth , l’actuel Lubumbashi, au Katanga.
Fille d’Amadeus Muidikayi, son père était militaire, il a été assassiné en 1964 à Watsha par les maquisards mulelistes pendant la guerre du Katanga, alors qu'elle avait six ans. Elle sera élevée par sa mère, Alphonsine Bambiwa Tumba et sa grand-mère Tshala Mukole.
Elisabeth Muidikayi a été élevée par sa mère Alphonsine Bambiwa Tumba et sa grand-mère Tshala Mukole d'où l'origine du nom Tshala Muana.
Deuxième d’une fratrie de dix enfants, pour la distinguer de sa grand-mère qui l'a élevée -, elle portait le même prénom qu’elle, on l’appela « muana », qui signifie en français "l’enfant". Donc Tshala la grand-mère et Tshala ya muana ( l'enfant).
C'était pour éviter toute confusion dans leur parcelle à la cité Maman Mobutu, à Kinshasa.
La reine de mutwashi Tshala Muana, surnommée Mamu Nationale, de son vrai nom Elisabeth Mudikayi est décédée le samedi 10 décembre 2022 à Kinshasa.
C’est en Côte d’Ivoire, dans les années 80 que la reine du Mutwashi a été révélée au monde.
Tshala Muana a démarré sa carrière à Kinshasa en 1977 comme danseuse/choriste dans le Groupe Tcheke Tcheke Love de Mpongo Love, elle quittera aussitôt ce groupe pour se lancer en solo.
Elle compose et chante en tshiluba (la langue de sa région d'origine : le Kasaï), le succès peine à venir, les kinois sont très rétifs à la musique folklorique, le lingala domine la rumba zaïroise, le public kinois ne supporte pas les langues vernaculaires.
Ambitieuse, sa volonté ne faiblit pas, elle fréquente les formations chorégraphiques de l'Afrisa de Tabu Ley et de l’OK Jazz de Luambo Makiadi.
Recrutée en 1978 par Abeti Masikini comme danseuse et choriste, elle fait partie des Tigresses.
Abeti Masikini
Paradoxalement, sa carrière explose à l’international, à Abidjan, en Côte d’Ivoire et en Afrique de l’Ouest avec le mutuashi.
C’est une artiste en herbe qui se dévoile.
Sur scène, elle s’est construite un personnage immédiatement identifiable grâce à ses coups de hanches-véritable bête de scène-, cuisses dehors, le Mutuashi, danse aux déchaînements suggestifs à couper le souffle, séduit l’Afrique de l’Ouest. Les chefs d’État africains sont sous le charme de cette belle dame très sexy, on lui prête même une relation éphémère avec l’austère Thomas Sankara et le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny.
Le 18 décembre 1981, elle envoûte les chefs d’Etat africains au centre culturel de Treichville.
Transgressive, elle brise les codes avec le "Mutuashi", elle impose le Mutuashi et le tshiluba dans la musique congolaise. Elle conquiert d’abord l’Afrique de l’Ouest avant de s’imposer en Europe, à Paris et se faire enfin accepter dans son propre pays.
En 1997, après la chute du maréchal Mobutu, Tshala Muana s’engage en politique, elle soutient le tombeur de maréchal Mobutu, le président Laurent Désire Kabila et devient membre du PPRD.
Grosse déception, elle s’attire les foudres d’une partie de ses fanatiques qui ne comprennent pas ce choix politique.
En 2019, le contexte politique change, la RDC vit sa première civilisation politique, le président Félix Tshisekedi accède au pouvoir.
Tshala Muana paie ses prises de position politiques.
Présidente de la ligue des femmes du Parti du peuple pour la reconstruction et de la démocratie (PPRD) de l’ancien président Joseph Kabila, le 16 novembre 2020, elle est au cœur d’une tempête politico-judiciaire, elle est placée en garde à vue par la très redoutée ANR (l’agence nationale de renseignement), et libérée le 17 novembre 2022, à la mi-journée.
En cause, le titre de la chanson « Ingratitude ». Cette chanson raconte l’histoire de deux associés, dont le premier, jugé « l’ingrat », n’a pas respecté son engagement en trahissant, le second qui est son « donateur ».
Engagée politiquement, le lien est vite fait, les Congolais à l’imagination fertile font une corrélation politique entre le président Félix Tshisekedi et son prédécesseur Joseph Kabila.
L’annonce de son interpellation provoque un tollé général sur les réseaux sociaux. Une partie de la population dénonce une dérive contraire à la liberté d’expression des acteurs culturels.
Son engagement politique a tari son inspiration, ses œuvres ont perdu la saveur de ses premiers refrains.
Ses prises de position politiques et polémiques l’affaiblissent artistiquement sans la faire chuter- elles ont primé sur son immense talent -, et terni légèrement son image.
Elle n’en demeure pas moins qu’elle restera à jamais l’une des dernières icônes femmes de la musique congolaise et africaine.
Jean-Claude Mombong