Le président zimbabwéen Emmerson Mnangagwa, 80 ans, a été reconduit samedi pour un second mandat à l'issue d'un scrutin, aux nombreux dysfonctionnements, dont les résultats ont aussitôt été rejetés par le parti de son principal rival. Le chef de l'opposition, Nelson Chamisa, a revendiqué la victoire.
Le président zimbabwéen Emmerson Mnangagwa conserve le fauteuil présidentiel. À 80 ans, le chef d’État sortant a été reconduit samedi 26 août pour un second mandat à l'issue d'un scrutin, aux nombreux dysfonctionnements, dont les résultats ont aussitôt été rejetés par le parti de son principal rival.
Emmerson Mnangagwa a obtenu 52,6 % des suffrages exprimés contre 44 % en faveur de Nelson Chamisa, à la tête du premier parti d'opposition, la Coalition des citoyens pour le changement (CCC), a annoncé la commission électorale tard dans la soirée de samedi.
"Mnangagwa Emmerson Dambudzo du parti Zanu-PF est déclaré président de la République du Zimbabwe", a proclamé la présidente de la commission, Justice Chigumba.
Nelson Chamisa a, de son côté, contesté dimanche la réélection du président sortant, et revendiqué la victoire. "Nous avons gagné cette élection. Nous sommes les leaders. Nous sommes même surpris que Mnangagwa ait été déclaré vainqueur (...) Nous avons les vrais résultats", a déclaré Nelson Chamisa, avocat et pasteur de 45 ans à la tête de la Coalition des citoyens pour le changement (CCC), lors d'une conférence de presse à Harare.
Des "fraudes" et des "entraves"
Les Zimbabwéens se sont rendus aux urnes mercredi et jeudi pour choisir leur président et leurs députés. Près de 69 % des inscrits ont pris part au vote.
Le scrutin, qui devait se clore mercredi soir, a dû être prolongé d'une journée. Les cafouillages, et notamment le manque de bulletins dans les bureaux, se sont multipliés en particulier dans la capitale Harare, un bastion de l'opposition.
Le CCC, qui avait déjà dénoncé des "fraudes" et des "entraves" lors du vote, a rejeté les résultats.
"Nous n'avons pas entériné les résultats parce qu'ils sont faussés. Le contexte électoral et pré-électoral n'était pas favorable, en particulier pour nous", a déclaré à l'AFP Promise Mkwananzi, porte-parole du parti.
"Nous ne pouvons pas accepter les résultats", a-t-il affirmé. La commission électorale a reconnu que moins d'un quart des bureaux de vote à Harare avaient ouvert à l'heure prévue mercredi.
L'opposition comptait sur un désir de changement, nourri par une corruption rampante et des pénuries d'essence, de pain ou de médicaments dans une économie sinistrée depuis une vingtaine d'années.
Doutes des observateurs
Les observateurs de l'Union européenne, d'Afrique australe (SADC) et des pays du Commonwealth ont unanimement mis en doute cette semaine le bon déroulement du processus électoral.
Ils ont souligné de "graves problèmes" ayant entaché la "régularité" et la "transparence" du scrutin, ainsi que la violation de "nombreuses normes internationales" régissant des élections démocratiques.
Des électeurs étaient introuvables sur les listes tandis que d'autres ont été la cible d'intimidations dans les bureaux de vote.
Les observateurs ont également relevé le refus des autorités d'accréditer certains médias étrangers et mis en cause la partialité des médias publics locaux.
Le vote s'est malgré tout déroulé dans un contexte "calme et pacifique", ont-ils noté.
La campagne électorale au Zimbabwe, qui avait été dirigé d'une main de fer par le héros de la libération Robert Mugabe, écarté en 2017 par un coup d'État, a été marquée par une répression sans nuance de l'opposition.
Un "processus électoral gravement défectueux"
Le CCC a dénoncé l'interdiction de dizaines de meetings et des arrestations d'opposants y compris chez des particuliers pour "réunion illégale", dans un pays déjà accablé par une longue histoire d'élections entachées d'irrégularités.
Dans un communiqué, le secrétaire général de l'Organisation des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, s'est dit "préoccupé par les arrestations d'observateurs, les informations sur l'intimidation d'électeurs". Il a appelé les parties à "rejeter toute forme de violence" et à régler les différends de manière pacifique et "transparente" de manière à ce que le résultat du vote soit "un reflet véritable de la volonté du peuple".
Avant le scrutin, Human Rights Watch avait déjà épinglé un "processus électoral gravement défectueux".
"Les élections ont été entachées d'irrégularités et les Zimbabwéens lésés ainsi que la Coalition des citoyens pour le changement ont de bonnes bases pour saisir la justice", a estimé l'expert en politique, Rejoice Ngwenya, interrogé par l'AFP.
En 2018, Emmerson Mnangagwa, successeur de Mugabe, avait été élu de justesse (50,8 %). L'armée avait tiré sur des manifestants deux jours après le scrutin, faisant six morts. Nelson Chamisa, alors déjà son adversaire, avait contesté le résultat avant d'être débouté par la justice.
La Zanu-PF a également remporté une majorité au Parlement, obtenant 136 des 210 sièges directement attribués par les électeurs contre 73 pour le CCC. Soixante doivent encore être attribués selon un système proportionnel.
La Gazette du Continent avec AFP / France 24