Réforme constitutionnelle : envisager des consultations avec toutes les forces politiques et sociales avant la mise en place de la Commission

Réforme constitutionnelle : envisager des consultations avec toutes les forces politiques et sociales avant la mise en place de la Commission

En ce début de l’année 2025, la Commission d’Intégrité et Médiation Electorales (CIME) s’est livrée le 8 janvier 2025 à Kinshasa à une analyse de l’environnement sociopolitique général qui prévaut en République Démocratique du Congo.

"La crise sécuritaire, conséquence d’une guerre imposée à la RDC a fait des millions de morts, de femmes et filles violées et mutilées, des enfants enrôlés de force dans des bandes armées", a fait savoir le président de la CIME, Idryss Katenga. Cette crise qui dure depuis près de trois décennies a tendance à s’intensifier et à gagner du terrain, alourdissant le nombre des déplacés internes et externes qui se comptent tout aussi par millions.
Dans la province de Maï-Ndombe à l'ouest du pays, à Kinshasa et dans certains territoires du Kongo Central, les populations innocentes sont victimes du phénomène "Mobondo" avec son lot de violences qui paralysent la vie des communautés et accentuent la précarité.
Le processus de Luanda qui, à un moment donné, a incarné l’espoir d’un dénouement pacifique a capoté suite à l’absence du président rwandais au rendez-vous du 15 décembre 2024 au moment où celui de Nairobi avec les groupes rebelles bat de l’aile.
Sur le plan politique, la RDC a renoué avec les sempiternelles tensions politiques comme si les Congolais prennaient plaisir à se faire peur, à se montrer des biceps et à cultiver la surenchère politique.
"Le débat politique est pollué par les extrémismes de tout bord, la propension à se lancer des défis les uns aux autres alors que l’altérité est aujourd’hui synonyme de l’animosité.
Le débat sur la reforme constitutionnelle ajoute son lot de tension avec d’un côté, ses partisans qui ont longtemps hésité entre la révision et le changement intégral de la loi fondamentale et laissé certains acteurs sans aucune maitrise de la question s’y inviter avec des arguments parfois hasardeux.
De l’autre coté, se rangent des opposants à la réforme qui, tout en reconnaissant la constitutionalité de la révision constitutionnelle, en rejette la moindre possibilité avec des arguments à la limite d’un procès d’intention aux autorités soupçonnées de chercher à se maintenir au pouvoir".
De leur côté, les personnes de référence, scientifiques et constitutionnalistes de renom sont dans le reniement des orthodoxies qu’ils ont professé de manière péremptoire il y a quelque temps, semant le doute dans les esprits de certains qui voudraient encore croire que « la science, comme la fille de César, ne devrait être soupçonnée ». Ce qui enlève à l’opinion des repères pour forger ses convictions et la livre à la merci des opportunistes et des manipulateurs de tous bords.
Au débat politique tendu, s’ajoute la monté des intolérances et même des violences communautaires qui s'observent tous sans état d’âme. C’est comme si les Congolais ne se rappellent plus, à moins qu’ils ne rêvent de le rééditer, le drame du conflit Katangais et Kasaïens au début des années 90 et que, tout en combattant la balkanisation du pays des bouts des lèvres, "nous y sommes déjà totalement acquis dans nos cœurs et dans nos têtes. Nous avons oublié qu’une nation fragmentée de l’intérieur ne saurait faire face aux défis et aux menaces extérieures qui la guettent continuellement".
Si les Congolais ne prenons pas tous conscience, individuellement et collectivement, chacun au niveau de sa sphère de responsabilité, les Congolais risquent de perdre les acquis de l’alternance politique qu'ils ont pourtant tous appelé de leurs vœux et salué à l’avènement de Félix-Antoine Tshisekedi à la magistrature suprême du pays.
Il convient peut-être de rappeler à ceux qui l’ont oublié que l’alternance politique a apporté à la RDC des avancées à préserver jalousement, notamment l’existence d’un ancien président et d’un président en fonction vivant en harmonie pour la première fois dans l’histoire de la RDC, la libération des prisonniers politiques et d’opinion ;
le retour des exilés politiques ;
le réchauffement des relations avec les pays voisins ; le retour de l’espoir d’un avenir radieux au pays.
C’est dans ce contexte que la CIME salue avec ferveur l’acte de pardon que le président de la République, Chef de l’Etat vient de poser en faveur de quelques condamnés et détenus à l’occasion des festivités de fin d’année. Le Pape François disait que « nous avons des plaintes les uns des autres. On ne peut pas vivre ensemble sans s’offenser ». Cette mesure de grâce présidentielle sonne le déclic de la décrispation politique dont le pays a grandement besoin aujourd’hui.

Recommandations

La Cime recommande au chef de l’Etat d’envisager dans la mesure du possible des consultations avec les forces politiques et sociales avant de mettre en place la Commission qui sera chargée de réfléchir sur la réforme constitutionnelle ou, tout au moins, d’assigner ces consultations qui doivent être nationales et les plus inclusives possibles, comme première mission de la Commission à créer.
Cette structure croit en effet qu’il est important pour un peuple de s’arrêter un moment et lever des options susceptibles de mieux répondre aux défis qui sont les siens. Ainsi, la CIME invite tous les Congolais à aller au-delà de leurs positions et de leurs intérêts dans la recherche des solutions apaisées aux problèmes du pays.
En dépit des atermoiements des autres parties, la CIME encourage le Président de la République à poursuivre ses efforts diplomatiques à travers les processus de Luanda et de Nairobi. Ces processus ont en effet permis à l’humanité de se rendre compte de la volonté de la RDC de régler la question de la guerre de l’Est par des moyens pacifiques.
La CIME recommande également au chef de l’Etat de mettre en sourdine toutes les initiatives de nature à diffuser son attention et celle du gouvernement de la République au détriment de la réalisations de six axes prioritaires de son programme et des efforts à consentir pour le retour de la paix à l’Est du pays.
La CIME recommande à la société civile de redoubler d’efforts dans la mise en place des initiatives citoyennes de paix qui incluent les acteurs de la Région de Grands Lacs et de l’EAC.
La CIME interpelle la conscience de tous les leaders politiques et communautaires qui arment les jeunes congolais et leur présentent les autres jeunes congolais comme des ennemis. La CIME rappelle qu’Haïti est aujourd'hui ingouvernable du fait d’avoir armés les jeunes qui se sont mués en gangs incontrôlables. Plus près de la RDC, c’est la même pratique qui a été à la base du génocide rwandais de 1993 perpétré essentiellement à l’arme blanche.
S’agissant particulièrement de la question de l’encadrement des jeunes, la CIME recommande au Gouvernement congolais d’augmenter significativement le budget alloué à l’initiation à la nouvelle citoyenneté et à l’éducation à la paix et impliquer la société civile dans l’élaboration et l’exécution des projets.
Enfin, la CIME rappelle que la paix est une affaire de tous. Elle exhorte Congolaise et chaque Congolais à agir avec responsabilité pour contribuer à consolider la paix, l’unité et la cohésion nationale.

La Gazette du Continent.

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