Jean-Marie Belobie N’gekerme, l’un des plus grands batteurs du Congo, s’est éteint le 27 août 2020, à Liège, en Belgique.

Jean-Marie Belobie N’gekerme, l’un des plus grands batteurs du Congo, s’est éteint le 27 août 2020, à Liège, en Belgique.

Il est rentré dans la légende dans l’histoire de la batterie en Afrique.

Meridjo a eu un impact sur toute une génération des batteurs de la RDC.

Il a fait preuve d’une inventivité hors du commun. Il est sans conteste l’un des plus grands batteurs du Congo. C’est lui qui a conçu et crée avec l’aide d’Evoloko Lay-Lay et Mbuta Mashakado le rythme Cavacha.

Meridjo (Mary Jo) en anglais est son nom de scène qui provient de son prénom Jean-Marie, c’est Jules Shungu Papa Wemba qui l’a prénommé ainsi.

Il a intégré Zaïko Langa-Langa, le 27 juin 1970, juste après la sortie de Zaiko au mois d’avril 1970.

Il est parmi les artistes de Zaiko qui n’a pas fait de test. Comme d’habitude, c’est le co-fondateur et dénicheur des talents DV Moanda qui l’a intégré dans Zaïko, il l’a présenté à Jossart Nyoka Longo et aux autres membres du groupe à Hawaï, le 27 juin 1970.

DV Moanda l’a connu dans la section de Xavérie, dans la paroisse Saint-Joseph. Ce jour-là, Jean-Marie était accompagné de son meilleur ami Riko Lukusa, un grand basketteur. C’est d’ailleurs par le truchement de celui-ci que le même DV Moanda avait recruté Lengi Lenga Ya Lengos.

Oncle Bapius, Teddy Sukami, Ilo Baplo étaient tous des xavériens, membres de Xavérie -un mouvement culturel qui encadrait des jeunes- Xavérie et Scoutisme sont des mouvements éducatifs d'origine chrétienne destinés à compléter la formation des enfants par des activités collectives. Ils étaient sous l’égide des prêtres catholiques. Le jeune Jean-Marie vient à la musique par le Xavérie justement, alors qu’il n’avait que 14 ans, il apprend à jouer la percussion lors des soirées culturelles organisées par les missionnaires de Xavérie, et du basket aussi avec son ami Riko Lukusa. Il n’était pas un bon élève, et pourtant, son père voulait qu’il poursuive des études à l’institut des techniques appliquées (ISTA), afin d’assurer la relève à l’Onatra, en cas de retraite.

Fils aîné d’une famille nombreuse, son père était mécanicien à (Otraco) office des transports coloniaux, renommé Office des transports au Congo, à l’indépendance, plus tard sera supprimé et remplacé à son tour par (Onatra), Office national des transports, en 1971, par le président Mobutu.

Jean-Marie est originaire de Mangai dans le territoire d’idiofa, province de Bandundu. Il est né le 23 décembre 1952 à Kinshasa.


Jean-Marie Belobie N’gekerme

Comme tout jeune adolescent de Camp Cito, Jean-Marie débute ses études primaires à l’école Saint-Jean Berkmanns au Camp Cito, l’actuel Camp Kauka, cette école a formé beaucoup de personnalités congolaises (Mayanga, Pepe Manuaku, Lita Bembo, Papa Wemba), etc...

Élève moyen, mais pas studieux, il abandonne ses études pour se consacrer à la musique, après ses études secondaires à l’institut Technique de Makala.

À l’âge de 18 ans, il débute dans Zaïko comme batteur d’abord, car la place de drumeur  était occupée par Baudouin Mitchou et plus tard Bimi Ombale. Baudouin Mitchou (un ancien Belgicain) c'est comme ca qu'on appelait les étudiants congolais de Belgique, retourne à Bruxelles; Bimi Ombale quitte Zaiko Langa Langa pour Tabou National.

Lorsque Bimi Ombale quitte Zaïko pour Tabou National (il réintègrera plus tard Zaïko, comme chanteur), Meridjo devient le batteur attitré du groupe, toujours sous la bénédiction du fondateur DV Moanda.

Il avait deux maîtres, Seskain Molenga de l’Afrisa International de Tabu Ley et François Esabe Zigo Zago de Thuzaïna.

Il s’inspirera aussi de la fanfare de la police, dirigée par le commandant Major Kele et du batteur Ringo du Continental. C'est  DV Moanda qui lui trouvera une caisse claire, il répétait le vendredi après-midi avec DV et le président Jossart Nyoka au bar Vis-à-Vis pour s’inspirer du drumeur Ringo.

Meridjo changera  l’histoire de la musique congolaise et de Zaïko, un talent unanimement reconnu en matière rythmique.

Sa légende sera fondée lors de la première sortie de Zaïko à l'extérieur  du pays, le groupe signe un contrat à Pointe Noire, au Congo, en 1971. C’était le premier voyage du groupe à l’étranger, ils étaient invités par la Poste Congolaise de Pointe-Noire.

Le voyage s’est très mal passé, car le producteur ne s’était pas acquitté de ses obligations -abandonnées à leur propre sort- heureusement, ils étaient  pris en charge  par des personnes de bonne foi, entre autres la petite sœur de Madame Sassou. Dans le train qui les ramenait, les passagers les ont reconnus et leur ont offert à boire.

Surexcités après une consommation abusive de l’alcool, les musiciens de Zaïko chantaient et dansaient au rythme des bruits ou les cliquetis des roues motrices du train. Evoloko Lay Lay et Mbuta Mashakado, certainement sous l’emprise de la drogue (ils dansaient comme des fous), lui demanda, s’il ne pouvait pas reproduire ce rythme sur une batterie. C’est comme ça que la légende Meridjo fut créée et fera fortune jusqu’aujourd’hui, il s’y mettra, écouta les cris des oiseaux, les bruits de moteurs de train et créa « le Cavacha ». Il a capté la synchronisation des bruits des roues du train avec des rails, il  a sorti le rythme cavacha, d’où le nom "Machine ya Kauka" en d’autres termes le train de Kauka.

Le rythme Cavacha ainsi lancé, sera usé et abusé par tous les groupes musicaux congolais, par une grande partie de l’Afrique et surtout du groupe Kassav.

Sans le savoir, Meridjo venait de créer une identité musicale et culturelle qui se démarquera de deux styles traditionnels de l’époque incarnés par Tabu Ley et Franco Luambo Makiadi.

En introduisant la caisse claire, il révolutionna le rythme et la musique congolaise.

On ne peut parler de Meridjo sans évoquer l’histoire de son arrestation en 1974, un contrôle banal qui l’a amené à la prison d’Ekafela. Il est resté deux ans. La prison d’Ekafela est une île en pleine forêt équatoriale sous la deuxième république. Il sera remplacé par Ilo Pablo, un ancien de Stukas Boys qui avait des coéquipiers devenus plus tard de véritables artistes en l'occurrence Lita Bembo et Lomingo Alida. Il y est resté pendant presque 2 ans en attendant les démarches entreprises par DV Moanda pour le libérer. Il égayait les gardiens avec qui il avait des liens solides.

Plus de deux ans de prison, le temps a semblé plus long à Jean-Marie, il s’évada dans la nuit.

S’il a réussi son entreprise, d’autres évadés seront décédés  d'épuisement ou de maladie, parfois dévorés en pleine forêt suite à un égarement par des fauves ou crocodiles. Malgré les risques auxquels ces évadés s'exposaient, Meridjo finira par atteindre son objectif, il débarque  à Kinshasa au grand étonnement de sa famille et des mélomanes kinois.

Sur place, il apprend les infidélités de l’amour de sa jeunesse.

L'amour de sa vie se marie . « Sangela », une de ses meilleures chansons sera dédiée à son amour d’enfance, un véritable pincement de cœur  : « Natiaki motema nakuta yo monzemba, nazongi Kinshasa nakuti yo obala. Ba pasi epayi, makansisi epayi, mosika nazalaki se kolela lela yo, faute na yo te maman lokola oba li, kin mboka tembe  te, nalela ngai nalela kala ».

Meridjo reprend sa place dans Zaïko Langa Langa avec Ilo Pablo.

Il avait mal vécu la séparation du groupe en 1975 avec le départ d’Evoloko Lay Lay , Jules Shungu ( Papa Wemba ) , Simeon Mavuela et Bozi Boziana.

Bimi Ombale, Lengi Lenga quittent Zaïko pour créer « Familia Dei », dont l’existence sera éphémère. Meridjo choisit le président Jossart Nyoka Longo et reste dans Zaïko Langa-Langa « Nkolo Mboka ».

Il quittera Zaïko Langa-Langa avec Oncle Bapius en 1999 pour former Zaïko Langa-Langa Universel.

Très bon père de famille, il a toujours affiché une modestie sans faille, taciturne, il était un homme d’une bonne compagnie.

Son nom est inscrit dans le panthéon de la musique congolaise. Sa discographie est très riche, Meridjo a été un des meilleurs auteurs-compositeurs de Zaiko Langa-Langa avec des tubes à succès : Nyongo ekeseni, Kwiti-Kwiti, Ben Betito, Sangela, Bolingo aveugle, Matondo etc..

Décédé le 27 août 2020 à l’âge de 68 ans, Jean-Marie Belobi N'gekerme Meridjo, sera inhumé le jeudi 15 octobre 2020 à la nécropole entre Ciel et Terre, Kinshasa en RDC.

Il sera décoré à titre posthume dans l'Ordre de mérite civique et artistique.

 

Jean-Claude Mombong Mass

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