Trois mandataires du fonds spécial de réparation et d'indemnisation des victimes des activités armées de l'Ouganda (Frivao) avaient été suspendus le 12 août 2024 par le ministre d’Etat, ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Constant Mutamba.
Il s’agit du coordonnateur François Mwarabu Ngalema, du coordonnateur adjoint Arthur Poka Pinzi et de la secrétaire rapporteur Mimy Mopunga Makendeni. A la place, le ministre avait désigné quatre autres personnes pour assumer leur intérim. Près de quatre mois après, le dossier est au point mort étant donné que le détournement n’a jamais été prouvé. Mimy Mopunga Makendeni a répondu aux questions de la Gazette du Continent.
Ça fait presque 4 mois que vous avez été suspendus pour détournement. Ce détournement a-t-il été prouvé ?
Rien n'a été prouvé. Les faits qui nous ont été reprochés ne se basent sur aucun soubassement. J'ai la lettre de l'inspecteur des finances qui nous a signifié que ce n'est pas un détournement. Dans sa lettre, il souligne que Frivao avait besoin d'un encadrement puisqu'il y avait des mandataires qui n'étaient pas en place. Par exemple, le comptable public qui connaît les écritures comptables de l'État. Jusqu'à ce jour, ce détournement n'a pas été prouvé. Quatre mois après, rien n'a été fait. Nous avons écrit pour dénoncer ce fait puisque la procédure n'était pas respectée. Comme c'est un dossier administratif, normalement on devait ouvrir un dossier contre nous pour nous entendre et puis créer une commission et conclure ce dossier. Nous avons écrit une lettre au ministre d'Etat, ministre de la Justice qui nous avait suspendus. Nous avons réservé une copie à la Présidence de la République et à Madame la Première ministre. Nous avons réservé une copie à l'Inspecteur général des Finances. Seul l'inspecteur général des Finances qui a accusé réception de notre correspondance. Ce dernier, dans son accusé des réceptions nous a signifiés que ce n'était pas un détournement. Frivao avait plutôt besoin d'un encadrement pour bien faire son travail.
Plus de trois mois après votre suspension, qu'est-ce qu'on vous dit finalement ?
Rien. C'est le silence total. Nous avons écrit au Conseil d'État pour dénoncer d'abord la procédure et puis qu'on puisse suspendre cet arrêté à problème. Quatre mois après, nous n’avons reçu aucun accusé de réception. Aucune autorité ne s'intéresse à notre dossier. C'est ce qui est inquiétant. La petite prime que nous recevions a été supprimée depuis notre suspension jusqu'à ce jour. On crie à longueur des journées que nous voulons redresser la justice qui est malade. Au même moment, cette justice fait l'injustice à d'autres Congolais. Donc, c'est une justice à double vitesse. On dirait que nous ne sommes pas Congolais. Nous n'avons pas de droits comme tous les Congolais. C'est ça qui nous inquiète. Ça fait très mal. 4 mois après, on dirait qu'il y a l'absence de l'autorité ou l'autorité qui nous a suspendus est, elle, au-dessus de la loi. Elle est au-dessus de tout. C'est ça qui nous étonne. Que le ministre qui nous a suspendus prenne le courage de faire un autre arrêté pour que nous puissions reprendre le travail. Notre dossier dit de détournement est vide. La question avait été posée au ministre d'Etat, ministre de la Justice à Kisangani. Combien avons-nous détourné ? Il n'a donné aucun chiffre aux journalistes. Il ne peut pas salir les gens comme ça. On veut relever la justice de ce pays mais c'est étonnant. Nous avons écrit en suivant des voies légales. Malheureusement, personne ne nous écoute.
Après votre suspension, un soulagement a été perceptible de la part des victimes qui ont été payées !
Là aussi c'est un problème. Dire que les victimes ont été soulagées, non. Des victimes qui reçoivent de l'argent ne sont pas dans les listes certifiées à son temps par le conseil d'administration de Frivao. Je prends un cas. Un monsieur a touché deux fois un montant de 2.000 dollars américains. Il a été interpellé. Au lieu de le traduire en justice, non il y a eu des coups de fil pour dire qu'on le laisse. Un autre Monsieur avait mis 20.000 francs congolais dans une enveloppe pour qu'on puisse inscrire son nom sur la liste des victimes. Le dossier se trouve au niveau du parquet. L'Ouganda doit payer 325 millions de dollars américains à la RDC. En lisant l'arrêt, on reconnaît plus les victimes de l'Ituri. Cet arrêt de la Cour internationale de justice parlait de 660.000 dollars américains. En multipliant ce montant par 2.000 dollars, on va aller dans le 1 milliard de dollars et un milliard de dollars, où l'État congolais trouvera-t-il cet argent puisque l’Ouganda ne paye que 325 millions. La majorité des victimes sont des déplacés qui sont dans la province de l'Ituri. Il y a des enfants soldats qui doivent bénéficier de ces fonds d’indemnisation. Cet arrêt de la Cour internationale de justice établit la répartition claire. Dans notre stratégie, c'était que nous identifions d'abord toutes les victimes au niveau de l'ancienne Province Orientale. C’est à partir de ces chiffres que nous prenons le pourcentage dû à l'indemnisation individuelle et collective puisqu'il y a une quotité du gouvernement congolais qui revient à 60 millions de dollars. Donc, c’est une enveloppe de 325 millions de dollars. Alors allez-y comprendre! Quand vous donnez une somme de 2.000 dollars déjà et on parle de 14.000 personnes. Voyez-vous ce que ça fait ?
Finalement que font les experts internationaux qui sont dans l’administration de Frivao ?
C’est la question que moi je me pose puisque quand nous nous étions en place, c'était leur combat. Ils disaient qu’on ne peut pas payer. Si on a pris l'initiative de payer puisque il y avait des pressions entretenues par une personne connue de tout le monde. C’est le numéro un de Frivao qui est une fausse victime. Les preuves sont là puisqu’il n'est pas victime. C'est une fausse victime qui entretenait un groupe de gens pour se soulever enfin qu'ils fassent ceux qui sont en train de faire pour le moment. Nous apprenons qu’il y a l'opération retour dans la somme de 2.000 dollars qui sont en train de payer. On ne catégorise même pas les victimes. Lorsque nous étions en place, nous avons reçu des victimes. Comment une personne qui a perdu des mèches peut-elle recevoir une somme de 2.000 dollars ? Une personne qui a des éclats corporels reçoit aussi un montant de 2.000 dollars ? Une victime qui a vu sa maison endommagée reçoit également 2.000 dollars ? Non, la répartition a été bien faite par l'arrêt de la Cour internationale de justice pour chaque catégorie de victimes. Vous voyez que ce n'est pas sérieux. Nous, nous avons voulu mettre du sérieux. L'arrêt de la Cour internationale de justice ne reconnaît que 990 victimes au niveau de Kisangani. La majorité des victimes sont en Ituri. Si cet argent a été débloqué, c'est à cause des preuves des victimes de l'Ituri et maintenant l'Ituri est en train d'être sacrifié. On trouve que cet argent là c'est simplement pour la province de la Tshopo. Nous, nous disons non. Avant notre entrée en fonction, le gouvernement dans sa quotité des ressources humaines avait remis à la Snel une somme de 9 millions de dollars américains. C'est par là que le ministre de la Justice devrait commencer. Enquêter sur les 9 millions, comment la Snel a-t-elle utilisé cet argent ? L'Office des voies de desserte agricole (Ovda) a reçu un million 750 dollars américains. Le ministre n'a pas fait allusion à ça. A notre grande surprise, nous apprenons qu'on veut donner encore à la Snel 50 millions de dollars américains. Pour en faire quoi ? Lorsque nous avons organisé un atelier avec les organisations non gouvernementales et la notabilité de Kisangani, elles nous ont demandé pourquoi le gouvernement congolais a mis à la disposition de la Snel 9 millions au moment où la Centrale de la Tshopo II ne demande pas 9 millions ? Le devis établi par la Snel ne dépassait pas la somme de 9 millions. Avec les 9 millions de dollars, les habitants de Kisangani n’ont pas vécu l'impact des travaux réalisés avec ce montant lui alloué. On veut encore remettre à la Snel une somme de 50 millions, vous voyez qu'il y a l'anguille sous roche. il y a quelque chose qui ne va pas. Le jour où le ministre de la Justice a ordonné l’arrestation du mandataire de Frivao, il était avec le directeur général de la Snel. C'est lui qui devait être arrêté puisqu'il n'arrivait pas à justifier les 9 millions quand nous étions membres du comité de gestion de Frivao. Nous avons fait pression sur le conseil d'administration pour qu'on sache comment on a utilisé le 9 millions. Le directeur général de la Snel refusait de nous recevoir. Il n'a pas été en mesure de justifier les 9 millions mais on veut encore ajouter le montant de 50 millions. J'ai des documents où la Snel avait établi un devis de 7 millions. Cette somme est passée par la suite à 9 millions de dollars. Et pourtant la Snel n'a pas su utiliser les 9 millions de dollars. Elle n’a rien fait avec cet argent. Ils oublient qu’il y a l'Ituri, le Bas-Uele et le Haut-Uele. Qu'est-ce qu'on va faire avec les victimes de ces provinces ?
Frivao vient d’allouer aux Cliniques universitaires de Kisangani un montant de 100 millions de dollars. Cette somme était-elle prévue dans l'arrêt de la Cour internationale de justice ?
Ce qui m'étonne aujourd'hui, c'est le silence du conseil d'administration. Ses membres savent très bien et même quand les inspecteurs des finances sont venus nous voir, on a beau discuter par rapport à l’érection du Mémorial. Pour le conseil d’administration, on ne pouvait pas construire le mémorial. Nous leur avons dit que c'est dans l'indemnisation collective. On devait construire le mémorial pour y mettre les restes des ossements de victimes qui étaient dans les cimetières. C'est comme un musée qui va rester pour que les Congolais et les étrangers le visitent. Quel est le rapport entre les victimes et les Cliniques Universitaires de Kisangani ? L'arrêt est bien clair et il faut qu'il y ait un lien entre ce que nous on va faire et les victimes. En voyant ce qu’ils ont fait, ils cherchent à faire voir au monde qu’ils sont en train de travailler. En réalité, ils travaillent à l'encontre de l'esprit du décret créant Frivao qui demande à ce qu'on travaille selon l'esprit de l'arrêt de la Cour internationale de justice. Ils font comme dans un parti politique pour faire la propagande mais nous on travaille selon l'esprit de l'arrêt. Le décret créant Frivao a donné cette responsabilité aux gens qui ont travaillé dans les ONG. C’était pour éviter ce que nous assistons aujourd'hui, le populisme. On fait les choses pour préparer peut-être l'électorat de 2028. Qui serait à la base alors de ce désordre de selon vous ? Bon. Ceux qui sont à la base de ce désordre, je peux dire que ce sont les intérimaires. Comme intérimaires, ils prennent des décisions sur base de quoi ? Ils pouvaient attendre qu'on puisse les confirmer. Ce n'est qu’après, ils devraient lire calmement l'arrêt et le décret. Donc, ils veulent effacer le tableau comme on le dit, mais en commettant beaucoup d'erreurs. Au moment où nous parlons, ils suspendent les agents qui étaient là. Ils payent à ces agents peut-être les 20 % de leurs salaires. Nous ne comprenons plus rien à ce qui se passe au sein de cet établissement public. Ils veulent à ce qu'ils puissent contribuer dans la caisse de leur parti politique. Ils oublient que Frivao est un établissement public de l'État. Ce n'est pas un cabinet ministériel. Allez-y pour comprendre qu'il y a trop de désordre. Moi, ce qui me fait mal, c’est le silence total de la hiérarchie qui est là et qui trouve que ce désordre normal. Même nous qui étions suspendus, on ne nous donne pas notre prime pour quelle raison ? Jusqu'à preuve du contraire lorsqu'une personne est suspendue, elle a droit à ses avantages et avant peut-être qu'on trouve une autre solution. C'est supposé que nous sommes encore là. Nous avons droit à notre petite prime. Il y a désordre total entretenu par le PCA de Frivao. Ça m'étonne que des responsables qui ont de la sagesse, ils obéissent une personne qui n'a jamais travaillé et qui n'a aucune expérience. Son problème, c'est l'argent. D’ailleurs, il est une fausse victime. A notre nomination, il y a eu une pétition écrite par les ONG des droits humains de Kisangani contre lui. Elles ont signé cette pétition pour dénoncer cette personne qui a commis de bévues graves. Elle était arrêtée pour détournement des biens mis à la disposition de leur association. Elle a mis les membres de sa famille qui sont bénéficiaires de cet argent. Et pourtant celui qui est considéré comme victime est celui qui a subi des dommages qu'on doit réparer. Ce n'est pas parce que vous êtes la femme d'une victime vous avez aussi le droit. Les vraies victimes ne sont pas bénéficiaires. Allez-y comprendre ce qui se passe, c'est du désordre au vu et au su de tout le monde. Je pense que le Congo n'aime pas les gens sérieux. Nous, nous avions voulu mettre du sérieux puisque le monde nous regarde. Malheureusement, on nous a traités de tous les maux et de détournements. Où ont-ils trouvé cet argent qu'ils sont en train de payer aux « victimes » étant donné que nous l’avons détourné ? Quand les inspecteurs sont venus, ils ont eu pitié de nous pour la simple raison que nous ne bénéficions pas des avantages en tant que mandataires. On nous accuse de détournements. Nous avons détourné quoi et combien ? Qu'on nous le prouve pour que nos consciences soient tranquilles. S’il trouve que nous n’avions rien détourné, nous exigeons d’être réhabilités. Notre honneur a été sali. Le monde entier est au courant que nous sommes des détourneurs. Il faut nous laver tels qu'ils nous ont salis. C'est simple. Il faut clôturer ce dossier en nous réhabilitant.
La Gazette du Continent.