Les initiatives prises par le ministre d'État, ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Constant Mutamba, pour la réforme de l'appareil judiciaire en République Démocratique du Congo, ne font pas l'unanimité.
Dans un communiqué publié le lundi 19 août 2024, le Syndicats des magistrats du Congo (Symco) exprime sa profonde inquiétude face aux sorties médiatiques du ministre Constant Mutamba qu’ils jugent offensantes et préjudiciables à la justice congolaise. Cette organisation syndicale tient à informer l’opinion tant nationale qu’internationale en générale, et aux magistrats de la République Démocratique du Congo en particulier, que depuis la nomination du nouveau ministre d’Etat, ministre de la Justice et Garde des Sceaux, il s’observe malheureusement que ce dernier s’ingère, de manière intempestive et permanente, dans le fonctionnement du pouvoir judiciaire qui est un pouvoir distinct et garanti par la constitution de la République Démocratique du Congo du 18 Février 2006 telle que modifiée le 20 Janvier 2011.
L’Intersyndicale reproche au ministre d’avoir qualifié les magistrats de membres d’un « réseau mafieux », une affirmation qui, selon eux, dénote une méconnaissance du cadre constitutionnel régissant la magistrature. Les magistrats rappellent que cette institution est indépendante et que toute tentative de la soumettre à des influences extérieures représente une violation de la séparation des pouvoirs, un principe fondamental de la démocratie congolaise.
« Les discours anti-magistrats développés par le ministre d’État, ministre de la Justice au point de traiter les membres d’un pouvoir appartenant à un réseau mafieux procèdent de sa difficulté de faire un saut qualitatif de son statut d’avocat à celui d’Homme d’État lui conféré par le président de la République », peut-on lire dans le communiqué.
Le ministre est également accusé d'avoir libéré des détenus de manière conditionnelle à la Prison Centrale de Makala et à la Prison de Kisangani, sans la présence des procureurs généraux. Par ailleurs, cet état des choses va l’encontre de l’article 150 de la constitution prérappelée, à savoir que « le pouvoir exécutif ne peut donner l’injonction au juge dans l’exercice de ses fonctions, ni statuer sur les différends, ni entraver les cours de la justice, ni s’opposer à l’exécution d’une décision de justice.
Le collectif souligne également les dérives de Constant Mutamba en matière législative, notamment le dépôt de projets de lois sans consultation préalable avec les organes compétents, comme le Parlement. Ils rappellent qu’un précédent ministre avait été révoqué par le président de la République pour des actions similaires, soulignant ainsi les risques encourus par le ministre actuel s’il continue sur cette voie. Cette initiative unilatérale va à l'encontre des recommandations des derniers Etats Généraux de la Justice, et sans être présentée au Conseil des ministres. Cette démarche viole l'Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le président de la République et le Gouvernement ainsi qu'entre les membres du Gouvernement.
Le Syndicat rappelle au ministre d'Etat, ministre de la Justice et Garde des Sceaux qu'il existe des recommandations issues des travaux des États Généraux de la Justice, le Rapport de la Commission juridique de la Conférence Nationale Souveraine et les travaux sur la réforme de la justice qu'il a hérité dans le cadre du principe de la continuité de l'Etat qui requièrent application dans la réforme du cadre normatif et institutionnel du secteur de la justice. Nul n'est besoin de faire des diversions et gesticulations éhontées par la convocation de nouveaux Etats Généraux de la justice à la limite budgétivore.
En outre, l’Intersyndicale met en garde contre les tentatives d’interférer dans les procédures judiciaires en cours, rappelant que le pouvoir du ministre de la Justice est limité et qu’il n’a pas la capacité de s’opposer à l’exécution des décisions de justice.
Face à cette situation, les magistrats invitent le ministre à collaborer étroitement avec le Conseil Supérieur de la Magistrature pour aborder les défis actuels, plutôt que de convoquer de nouvelles assises qu’ils jugent inutiles et coûteuses pour l’État.
La Gazette du Continent