Luambo Makiadi Franco et sa Vespa

Luambo Makiadi Franco et sa Vespa

La Vespa de Franco a suscité pendant des années des épîtres diffusées en long et en large par d'innombrables commentateurs sans pour autant rentrer dans des connotations véridiques.

Nous sommes en 1958. Le Congolais, par essence, est plus que jamais résolu à s'émanciper du joug colonial et les relents de ce vent du changement commencent à s'ancrer dans les caboches de certains jeunes Congolais ; des jeunes Turcs, des révolutionnaires en herbe en quelque sorte.

Franco est de ceux-là. Avec ses droits d'auteur, il vient de s'acheter son premier bijou ; il vient d'acquérir un véhicule, lui le gamin qui avait perdu son Père à l'âge de 10 ans, qui vivait dans la pauvreté avec sa mère et qui faisait l'école buissonnière.

Pour faire sa rébellion et narguer à sa manière le pouvoir Colonial, il arpente les grandes artères de Léopoldville (Kinshasa) en roulant à bord de son engin à tombeau ouvert et en faisant des rodéos.

À chaque fois qu'il est interpellé par les policiers qui réglaient la circulation, et qui portaient un couvre-chef de couleur rouge comme des Marocains, ces policiers, qui aimaient sa musique et étaient fans de son charisme et son tube du moment "Cha cha oubali nketo de Mi Amor cha cha cha" le sermonnaient gentiment en lui disant : "Franco... la prochaine fois, roule moins vite". Peine perdue. Le "Voyou" comme Tout Kinshasa (Léopoldville) l'appelait dans ces années-là, récidivait.

L'information remonte aux oreilles du Commissaire Belge "Dierincks" qui se comportait à s'y méprendre comme les "Nazis", la Gestapo de Kinshasa.

Franco à ses habitudes faisait souvent ses rodéos aux alentours de 11 heures -12 heures en partant du Marché Central et ensuite en passant par Zoo, Jardin Botanique, l'avenue Prince ou Roi Baudouin (Avenue Kasa-Vubu), Boulevard Ermens (Boulevard Sendwe), Avenue Bokassa (Ironie du sort, cette avenue a été dénommée aujourd'hui Avenue Franco Luambo) pour de nouveau revenir au marché Central en toisant la flicaille et en leur faisant le pied du nez. Dierincks en a marre.

Pour clouer définitivement le bec à ce petit Guitariste de Merde qui se prend pour Django Reinhaert, il faut le foutre au mitard. Dierincks, de connivence avec ses Sbires lui tendent un piège et il tombe dans le panneau. Poursuivi par une meute de Policiers motorisés, il emprunte une rue dans la commune de Kinshasa et on finit par l'arrêter. Le Mec se débat tél une furie et toute la populace de la rue est prête à en découdre avec les policiers. N'eût été la présence sur les lieux du Commissaire Nazi Dierincks, que les Noirs craignaient. Franco aurait anticipé la révolte du 04 janvier 59. (Les relents de la révolte sonnaient déjà dans la tête de tout Congolais et tout le monde attendait l'étincelle). Il est arrêté illico et jeté dans les geôles de la prison de Ndolo. Le Commissaire Dierincks, Con qu'il était, pour humilier Franco, l'envoie 3 jours plus tard sous escorte balayer les travées du Marché Central. Dès que Franco est descendu de la boite à sardines des Prisonniers, toute une foule l'a entouré. Dierincks, de peur que cela ne dégénère, l'a immédiatement renvoyé à la prison de Ndolo, où il a purgé une peine de 3 mois avant d'être définitivement libéré. Entretemps dans L'OK JAZZ, pour palier à son absence, Vicky Longomba avait recruté Bolhen Bombolo pour le suppléer. Voilà un pan de l'histoire du TP OK JAZZ.

Cette photo date de 1967 devant la parcelle Familiale de Maman Pauline sur Goeman à Matonge (Quartier Renkin).

 

Umberto Luambo Lokanga

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