Il avait tous les atouts pour être le meilleur de sa génération, mais hélas !
Pour connaître si réellement Efonge Gina allait faire une grande carrière musicale, il fallait écouter les déclarations de son meilleur ami Célé-Célio "le Dinosaure" lors d’une de ses rares interviews à la presse audiovisuelle.
"Gina ne voulait pas vraiment intégrer le groupe musical Zaïko Langa-Langa nouvellement créé à la cité. Il ne voulait pas à cause de certains clichés, surtout ceux véhiculés sur son fondateur DV Muanda qu’on décrivait comme étant un homme mystérieux et très imprégné du mysticisme.
Je finirai par le convaincre pour intégrer ce groupe. Et c’était grâce à cette intégration que son ami Evoloko Anto qui était parti pour le Thu Zahina fera son retour dans Zaïko Langa-Langa pour former un duo fantastique avec Gina qui propulsera cet orchestre au sommet. Gina ne faisait pas de la musique comme son gagne-pain, mais pour le plaisir et pour la frime, car étant un enfant de Kalina et un beau-gosse, d’ailleurs, nous formions un groupe de beaux garçons et jeunes ambianceurs qui se rendaient souvent aux concerts de l’orchestre Thu Zahina à la Perruche-bleue en ville".
Des déclarations qui résument à merveille la carrière de Gina Efonge.
Gina, un jeune très talentueux, bon footballeur surnommé "Pelé" bon chanteur, frimeur et crâneur. L’homme qui snobait tout le monde, le poète. Gina Efonge se faisait protéger par des gardes du corps. Le tout premier dans notre musique à le faire. L'homme qui innovera la façon de chanter avec nuances vocales. L’idole de Kester Emeneya, qui grâce à la voix de Gina Efonge, sera recruté dans Viva la Musica de "Papa Wemba" nostalgique de la voix d’Isekofeta Laofanza au temps de Zaïko Langa-Langa.
Les chansons de Gina Efonge et Evoloko Lay Lay de l’ère Cavacha en 1973 feront entrer le Zaïko dans la cour des grands de la musique congolaise (zaïroise) pour toujours. Un statut de respectabilité.
Sa maladie de 1973 mettra un frein, non encore définitif, à sa carrière. Après 3 ans d’absence, Gina sera de retour, mais ses compagnons d’avant, des chanteurs pour la plupart, ne seront plus là. Ils partiront pour créer l’orchestre Isifi Lokole de courte durée avec Evoloko, Shungu Wembadio futur ’’Papa Wemba’’, Bozi Boziana et Mavuela Somo. Ils se sépareront à nouveau pour aller monter l’orchestre Yoka Lokole, abandonnant Evoloko Lay Lay avec son Isifi Lokole.
Ils se séparèrent encore une autre fois en 1976. Et seul Wemba réussira à percer avec son ensemble musical "Viva la Musica" en 1977 et deviendra une star nationale et africaine de la chanson des années après.
Bozi Boziana et Evoloko Lay Lay rentreront finalement au bercail respectivement en 1978 et 1979, donc, dans Zaïko Langa-Langa.
Le retour de Gina Efonge dans Zaïko en 1976 sera accueilli avec soulagement par tous les fanatiques de cet orchestre encore nostalgiques de la belle époque de Cavacha.
La pépite sera la bienvenue.
Gina trouvera sur place Jossart Nyoka Longo et Bimi Ombale, de vieilles connaissances d’avant ainsi que deux nouveaux venus : Likinga Redo et Lengi Lenga, la symbiose se fera automatiquement, la mayonnaise prendra sans tarder. Des chansons mélodieuses comme à l’accoutumée. Nouvelle danse "Siata-Siata", le Zaïko damera les pions à tout le monde. Pour mieux se rattraper de son absence causée par la maladie, Gina Efonge va monter un groupe musical d’accompagnement pour l’aider à vite récupérer dans une sorte de recyclage. On retrouvera dans ce groupe d’accompagnements quelques-uns de ses amis de Zaïko initial comme les Matima, Meridjo, Bozi Boziana ,Djo Mali et d’autres figures connues ou moins connues. Le début sera encourageant. Mais Gina Efonge grisé par le succès, ou envieux du succès de Shungu Wembadio qui montait en flèche, préféra lui aussi transformer cet ensemble musical d’enregistrements à un groupe de productions scéniques.
Un orchestre dénommé "le Tout grand Libanko Ekanga ngenge ou encore le Campus Libanko" dont le recteur n'était autre que Gina Efonge Isekofeta en personne.
Prudent, le fondateur de l’orchestre Zaïko Langa-Langa, DV Muanda qui voyait déjà un danger venir à l’horizon, va lui retirer tous ses musiciens. C'est alors que Gina Efonge va recruter d’autres jeunes musiciens comme renforts pour faire partie de son nouvel orchestre. Les Adamu Kela, Son Lubengu, Djo Batali, Djo Eph, Shimita Lukombo, Monza Baudoin, Pépé Mavakala etc... seront parmi ses nouvelles recrues. Un succès immédiat.
Il arrêtera définitivement avec le Zaiko L.L propulsé leader malgré lui. Sa résidence de Lemba deviendra le siège social de son orchestre et un lieu des répétitions.
Arrivé en 1977- 78, Gina sera sollicitée avec son orchestre à Mbandaka pour le compte d’un candidat Commissaire du peuple (Député national), Gina se rendra dans sa province d’origine pour agrémenter la campagne électorale dudit candidat. Après avoir empoché son cachet dans cette campagne électorale, Gina Efonge prendra le premier vol pour rentrer définitivement à Kinshasa, abandonnant ses musiciens à leur triste sort à Mbandaka comme si rien n’était. Ce sera en ordre dispersé que ces derniers rentreront à Kinshasa et signeront derechef leur démission au sein du groupe le’’Tout Grand Libanko.’’ Ils mettront en place un nouvel orchestre dénommé "Banko-Banko". Un feu de paille, un orchestre sans lendemain.
Voilà comment Gina Efonge hypothéqua sa carrière musicale, car il avait un autre plan en tête, lui, qui était dans la musique que pour faire passer son temps. Il ne comptait jamais gagner sa vie avec la musique. Contrairement à ’’Papa Wemba’’ qui y croyait vraiment à un certain moment, lui qui voulait devenir journaliste.
Abandonné par ses musiciens, Gina Efonge trouvera le temps un peu trop long, il va alors rejoindre son ami du temps de Map’s Iyambole et Zaïko Langa-Langa ; Evoloko Lay Lay Anto Nickel en perte de vitesse à Yolo -Nord lui aussi ,depuis le départ de Wemba, Bozi et Mavuela pour le Yoka Lokole en 1976 avant de relancer l’orchestre Isifi non pas Lokole mais’’ Melodia’’en 1978, l’orchestre pouvait compter sur les Djanana, Vadio Mambenga, Celuta ,Djounes etc... une aventure très éphémère.
Gina et Evoloko s’embarqueront finalement pour l’Europe dans l'espoir de revenir très fort au pays afin de réintégrer l’orchestre Zaïko Langa-Langa pour essayer de relancer leurs carrières qui étaient presqu’en chute libre.
Après un séjour de quelques mois en Occident, seul Evoloko rentrera au pays pour retourner dans Zaïko en 1979. Le succès sera donc au rendez-vous avec sa chanson mythique "Fièvre Mondo". Meilleure chanson. Evoloko va acquérir un nouveau surnom, celui de : Joker, la carte qui gagne, la carte qui bouffe, "Evoloko Joker".
Gina Efonge quant à lui, ne reviendra plus au pays pour des raisons d’études d’après ses propres déclarations, étudiant en dessins industriels. Il ne reviendra à Kinshasa qu'après le départ de Mobutu du pouvoir vers 1997, donc plusieurs années après son départ du pays en 1978. Une vingtaine d’années presque.
Gina Efonge se fera oublier par plusieurs générations musicales venues après. Seul le regretté Emeneya Kester perpétuera son nom et son talent. Beaucoup de jeunes musiciens congolais ne connaîtront Gina Efonge qu’à partir des dires d’Emeneya Mubiala "Kester, kwa mambu, Evala Malakoze.Hatari wambi, le King. Mutu wa zamani, le grand kisimbi". Son héritier spirituel.
Pour moi, Efonge Gina avait gâché sa carrière après son départ de Zaïko Langa-Langa en 1977 pour aller monter son "TG Libanko". Tout le monde n'est pas né leader, et qui n’avait rien avoir avec le même talent. Ça, Gina wa Gina le comprendra presqu’en retard. Gina ne prenait pas sa carrière musicale au sérieux au départ, et cette sorte de négligence lui coûta très cher.
Gina Efonge Isekofeta totalise aujourd'hui 70 ans âge ; mais que de regrets !
Aujourd’hui la musique est devenue un métier très noble et a commencé à nourrir ses artistes. Et si la vie était à refaire ?
Dary Abega