La nation, c'est le dépassement des ethnies et le refus de l'entre-soi

La nation, c'est le dépassement des ethnies et le refus de l'entre-soi

Les élections sont perçues comme l’un des moments forts de la vie démocratique de tout un pays. Elles permettent aux citoyens de faire leur choix, d’opter pour la continuité ou, au contraire, préférer le changement, en sanctionnant et rendant possible l’alternance politique.

Les Congolais sont appelés aux urnes ce 20 décembre 2023 pour élire leurs représentants.

Que retenons-nous de cette campagne ?

Cette campagne montre le fossé qui sépare la vie politique du reste des Congolais. Les vrais sujets ne sont pas débattus, la tonalité générale de cette campagne révèle deux Congo divisés, qui s’affrontent sur les invectives, les injures, « la Congolité », - et non sur des débats de fonds qui touchent le quotidien des Congolais : la misère de la population, l’usage de l’argent public, sur plus de justice sociale, la démographie, l’aménagement du territoire, les embouteillages, des services publics plus accessibles, le chômage, le pouvoir d’achat, la sécurité, la corruption, la justice etc.

Elle traduit aussi un malaise profond de l’état socio-culturel du pays, l’appartenance à une même Nation est le socle de notre République, si elle vacille, c’est la notion même d’intérêt général qui se déconstruit et, à terme, la possibilité de faire vivre ensemble une communauté qui ne partage plus rien.

Nos candidats sont-ils à la hauteur des enjeux ? Tout Congolais aspire à la députation, du jamais vu ! Pour y faire quoi ?

Il n’y a pas de débat d’idée, de projet contre projet, certains candidats moins connus ou stigmatisés ont de bonnes réflexions et idées qui mériteraient aussi valorisation, des personnalités vertueuses, des intellectuels, des anthropologues, des scientifiques, des sociologues pratiquent l’évitement et n’osent affronter et se prononcer sur des vrais enjeux et réels défis.

La tranche de la population la moins éduquée et instruite occupe le terrain, place aux thuriféraires, flagorneurs, aux journalistes militants et perroquets ; aux artistes musiciens, griots et pasteurs des églises de réveil.

La floraison d’organes de presse (caisse de résonance pour la plupart d’entre eux), la kyrielle de chaînes YouTube sur les réseaux sociaux, l’apparition des chroniqueurs improvisés et peu formés et de nouvelles formes de légitimités (des pasteurs, De Sankara de Kuta, Ngefa), l’irruption du phénomène des communicateurs politiques n’y aident vraiment pas.

Les pouvoirs successifs en place, les partis politiques en général, notamment ceux de l’opposition, ont leur part de responsabilité dans les dérives actuelles. Ils prêchent tous par incohérence et manque de ligne doctrinale et programmatique.

Les médias ne sont pas épargnés, ils ont aussi une part de responsabilité, ils sont accusés de faire trop de place aux polémiques, aux divisions et futilités.

La structuration du jeu politique repose largement sur des considérations mercantiles - l’appât du gain -, ethno-régionales, des affiliations partisanes et des solidarités religieuses ou confessionnelles.

Quels sont les vrais enjeux politiques, économiques et sociaux de la RDC ?

Dans les sociétés organisées, la capacité des dirigeants politiques ou des candidats à satisfaire la demande sociale influencent le vote et les résultats électoraux, à cela, il faut ajouter le rôle des médias dans la prise de conscience et la formation de l’opinion lors des élections.

Plus le citoyen est conscient des enjeux politiques, plus il a une identification partisane et dispose d’une formation lui permettant d’éclairer ses choix.

Malheureusement, les Congolais votent pour une bière, un sac de riz ou tee-shirts à l’effigie d’un candidat.

À ce sujet, tout un chapitre peut être consacré pour traiter les modèles explicatifs du vote en Afrique et l’achat des consciences.

En définitive, comme partout ailleurs, le vote revêt de multiples significations, mais quel que soit le sens que les Congolais attribueront à leur choix, un vote réfléchi et un modèle du choix rationnel sont indispensables pour le développement de la RDC.

Eu égard à la fragilité de nos sociétés, marquées par l’incertitude de son devenir, nos élites politiques, les états-majors politiques, les militants et autres soutiens doivent proscrire la radicalisation verbale comme mode d’expression ou moyen d’action dans la lutte politique, nous devons cultiver la culture de consensus là où la culture des valeurs partagées n’est pas encore fortement enracinée dans nos mœurs politiques.

L’entre-soi, le repli identitaire qui se nourrit de la haine de l’autre est la négation de la RDC comme Nation.

 

Jean-Claude Mombong

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