Les autorités ont reconnu, jeudi, que l’opposant à la tête du Parti socialiste sans frontières est mort dans l’assaut des militaires, la veille, au siège de son mouvement.
L’état du bâtiment, transformé en gruyère de béton, tranche avec le calme revenu, jeudi 29 février, dans la capitale tchadienne. Après s’être empressés de rejoindre leur domicile ou tout ce qui pouvait faire abri la veille, la plupart des habitants sont retournés vaquer à leurs activités. Comme si de rien n’était.
Le nombre d’impacts et la largeur des trous dans les murs témoignent pourtant de l’intensité des tirs. Aux environs de 13 h 30, mercredi, l’armée a donné l’assaut aux locaux du Parti socialiste sans frontières (PSF). Durant près d’une heure, des rafales d’armes automatiques et de sourdes détonations ont secoué le centre-ville de N’Djamena.
Dans la soirée, une photo du corps de l’opposant Yaya Dillo, le président du PSF, un orifice dans la tempe droite, a commencé à circuler sur les réseaux sociaux. Les autorités ont officialisé, jeudi, sa mort, par la voix du procureur de la République près le tribunal de grande instance de N’Djamena, Oumar Kebellaye. Les événements ont fait « des dizaines de blessés et de morts » et « 26 personnes sont interpellées », a-t-il précisé.
Profonde rancœur
Yaya Dillo était accusé d’avoir fomenté l’agression du président de la Cour suprême, le 19 février, puis d’avoir mené, la veille de sa mort, un mouvement de protestation devant le siège de l’Agence nationale de sécurité, les services de renseignement, qui a fait plusieurs victimes.
La carrière de Yaya Dillo, 49 ans, neveu de feu le président Idriss Déby et cousin de son successeur, Mahamat Idriss Déby, aura été une suite d’allers-retours entre les cercles du pouvoir et la rébellion armée. Son premier fait d’armes politique fut son opposition publique à la modification constitutionnelle qui permit à son oncle de se maintenir au pouvoir en dépit de la limitation des mandats. Il n’a alors pas 30 ans et prend, comme nombre de dissidents tchadiens, les armes et la route du Soudan voisin. Les deux hommes finissent toutefois par se réconcilier et M. Dillo rentre au pays, après que les rebelles de l’Union des forces de la résistance échouent de justesse à prendre le pouvoir par les armes, en février 2008.
Il occupe alors différents postes au sein du gouvernement jusqu’à ce que, au début de l’année 2021, il décide d’affronter une nouvelle fois le président Déby, mais dans les urnes. D’abord verbale et politique, l’escalade prend une tournure dramatique lorsqu’un commando de la direction générale de service de sécurité des institutions de l’Etat (DGSSIE), la garde prétorienne du régime, tente de l’interpeller à son domicile. Sa mère et l’un de ses fils sont tués dans l’opération.
Le Monde pour La Gazette du Continent