Musique : ’’Hélène, Jacquie et sous-alimentation sexuelle’’, Franco Luambo était-il devenu fou ?

Musique : ’’Hélène, Jacquie et sous-alimentation sexuelle’’, Franco Luambo était-il devenu fou ?

Jusqu’où peut amener la concurrence ? La concurrence est la cause de beaucoup de maux, et surtout dans le domaine de la musique.

Un artiste serait prêt à tous les sacrifices pour se maintenir toujours au top.

Franco Luambo n’avait qu’un seul concurrent à l’époque : Tabu Ley ’’Rochereau’’, le patron et leader de l’orchestre Afrisa international. Les deux leaders à travers leurs chansons se faisaient une concurrence artistique saine et sans polémiques.

À une chanson de Rochereau à succès, son adversaire Franco répondait par une autre, dans une sorte d’émulation. Cette concurrence leur rendait meilleurs, et ils étaient toujours au top de la musique zaïroise.

Mais l’année 1978 sera celle de l’hégémonie de l’orchestre Afrisa international sur l’OK Jazz. Tabu Ley Rochereau avait damé les pions à son concurrent. Des chansons comme : ’’Sorozo, Sukaina, Ponce Pilato, Ibrahim, Kiyedi’’ feront un tabac. Chez ’’Type K’’ le dancing-bar et le sanctuaire de l’orchestre Afrisa international ne désemplissait plus lors de la journée spéciale ’’Jeudi K’’ dans laquelle les femmes avaient un accès gratuit.

Cette époque coïncida avec la première victoire de l’Argentine de Mario Kempes à la coupe du monde 1978 de football.

Tabu Ley fier de son succès, se prenait pour cette Argentine-là.

De l’autre côté, dans l’OK Jazz et Franco Luambo, c’était la faillite et la désertion, les mélomanes avaient choisi le camp de son adversaire pour aller danser au rythme de Sorozo, Ponce-Pilato, Sukaïna etc...

Le dancing-bar "1,2,3" vidé du public. Franco obligé d’acheter une parcelle mitoyenne pour construire un nouveau bar pour s’y produire ’’ Chez mama kulutu ’’, toujours vide, les mélomanes ne venaient toujours pas ; comme une autre nouvelle solution : déménager dans la boîte de ’’1,2,3’’un peu plus étroit.

Toujours pas de public.

Un mélomane qui venait aux concerts de l’OK Jazz, ne traînait pas pour aller vivre l’ambiance au Type K de Rochereau.

Franco Luambo dépité, découragé, ébahi, ne savait plus quoi faire. C'était la sauce à la grimace.

Alors, Franco s’était résolu de risquer le tout pour le tout, advienne que pourra ! Il décida devant ses musiciens de chanter des insanités et des bêtises.
Sans blague ! Chose promise, Chose due.

Première chanson :’’ Hélène’’. Inutile de l’expliquer, après son enregistrement lors de la répétition, Franco va dupliquer la cassette et va la distribuer gratis. Une seconde chanson : ’’Jacquie’’ dans la même logique.

Troisième chanson : ’’Sous-alimentation sexuelle". Il va tout dupliquer à plusieurs exemplaires de cassettes, distribués sous le manteau à travers la ville de Kinshasa. Jamais pour une audition publique, mais en privée et dans un cercle très fermé.

Celui qui les avait, les dupliquait à son tour. Franco Luambo avait atteint son objectif. On le prendra pour un fou, un déréglé mental.

Bientôt, il en récoltera les dividendes, car les mélomanes qui avaient déserté ’’1,2,3’’, commençaient à revenir pour aller écouter en direct ces chansons impudiques de Franco.

L’OK Jazz commencera à revivre, les mélomanes étaient de retour, mais Franco Luambo malgré la demande du public, ne jouait jamais ces chansons lors de ses concerts. Malin !

Un certain jour, lors d’une production de son orchestre ’’Chez Nicolas’’ en ville, un dignitaire de la deuxième République et baron du régime insistera pour que Franco Luambo puisse chanter ses chansons pleines d’insanités. Refus de Franco Luambo, il se sentira piéger, mais ledit baron insista pour les écouter, mais Franco déjoua ce piège en reprenant les mêmes chansons cette fois-ci par des paroles angéliques aux antipodes de ses chansons à scandales dans les cassettes.

Les chansons ’’François, Ilousse, et Attention Sida’’ n’étaient que des versions arrangées, corrigées et aménagées des ’’Hélène, Jacquie et Sous-alimentation..." sacré Franco !

Quelques jours après, Franco Luambo sera cueilli à froid par les autorités pour ses chansons trop osées, et dans son sillage, les musiciens Kiambukuta Josky, Nedule Papa Noël, Makosso et Lutumba Simaro pour une atteinte à la pudeur.

Écroués à la prison centrale de Makala dans un premier temps, Franco sera transféré à Luzumu dans le Kongo Central, tandisque Josky, Simaro,Makosso et Papa Noël resteront à Kinshasa après avoir purgé une peine de 23 jours sur les 3 mois prévus. De suite à une intervention de président de la République, Franco Luambo sera libéré ainsi que ses 4 musiciens.

Voilà où pouvait amener la concurrence, une concurrence qui envoya Franco à Luzumu.

La vengeance de Franco Luambo viendra en 1979.

Émission’’ Sekele’’ de Marcel Landu.

 

Dary Abega

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