Ce jour-là, le 20 septembre 1979, l’empereur Bokassa 1er est destitué, après une décennie de règne sans partage et trois années d’un éphémère empire.
Dans la nuit du 20 au 21 septembre, l’opération Caban (Centrafriquebangui) commence, furtivement les parachutistes français prennent position dans la ville. Aucun coup de feu ne sera tiré, la garde personnelle de l’empereur se range rapidement derrière les troupes françaises.
Les Français installent l’ancien président David Dacko, premier président du pays, qui avait été renversé lors du coup d’État de la Saint-Sylvestre, la nuit du 31 décembre 1965, par son cousin, le jeune colonel Jean-Bedel Bokassa.
Président David Dacko
Colonel Jean-Bedel Bokassa
Il s’adresse à la population dans un message radiodiffusé : « Notre pays a été exploité par celui qui s’en est fait proclamer empereur..... par sa folie des grandeurs, il a ruiné le pays, l’économie a été détruite… ». Il annonce dans la foulée la fin de la monarchie, il déclare la République et instaure un gouvernement de salut public. Le lendemain, les imposantes statues de l’empereur Bokassa sont déboulonnées par une foule enthousiaste.
Comment expliquer le revirement de l’ex-puissance coloniale ? Officiellement, c’est à cause du massacre d’écoliers et d’étudiants, en janvier-mars 1979, qui avait choqué la communauté internationale ; en réalité, le rapprochement de l’empereur Bokassa avec le dictateur Mouammar Kadhafi, alors que la France est en guerre avec la Libye, avait provoqué la colère des autorités françaises.
Mouammar Kadhafi
L’opération Caban menée par le SDECE (services secrets français), se transforme en opération Barracuda à la demande du président Valéry Giscard d’Estaing.
L’empereur va s’exiler pendant quatre ans à Abidjan, en Côte d’Ivoire, puis s’installe dans son château d’Hardricourt, en banlieue parisienne.
En 1980, il est condamné par la justice de son pays par contumace à mort pour « assassinat, recel de cadavres, anthropophagie, atteinte aux libertés individuelles, coups et blessures volontaires et détournement de fonds publics ».
Par vengeance, il révèle l’affaire des diamants et empoisonne la campagne de Giscard d’Estaing, et compromet sa réélection à la tête de la France en 1981.
En octobre 1986, il décide de rentrer en Centrafrique, mais des ennuis judiciaires l’attendent dès son retour. Condamné pour la deuxième fois à la peine capitale (acquitté par contre pour la présomption de cannibalisme), sa peine sera commuée en prison à vie, puis à 10 ans de réclusion. En 1993, l’empereur Bokassa recouvre la liberté, il a été gracié par le président Kolingba.
Désiré Bilal Kolingba
Il meurt trois ans après, le 3 novembre 1996, d’une crise cardiaque, dans une indifférence quasi totale.
Il sera inhumé dans son ancien palais de Berengo et réhabilité dans tous ses droits, par le président François Bozizé, le 1er décembre 2010, à l'occasion de la fête nationale et du cinquantenaire de la proclamation de l'indépendance de la République centrafricaine.
Président François Bozizé
Mais aujourd’hui, une certaine nostalgie de l’empire et de l’empereur subsiste chez certains en Centrafrique. Paradoxe des paradoxes, pour les Centrafricains, volontiers nostalgiques, Bokassa demeure l’exemple du vrai chef, celui qui a assuré l’ordre et imposé la discipline. Le seul à avoir construit le pays, malgré ses inacceptables excès et ses comportements. C’est aussi ça, l’œuvre du temps, un discours nostalgique (dangereux) sur les tyrans et sur les dictatures, refait surface en ce moment.
Croyez-vous que les Irakiens, les Zaïrois, les Libyens, les Tunisiens, les Centrafricains sont plus heureux aujourd'hui qu'avant ? Je pose la problématique.
Jean-Claude Mass Mombong