La fin justifie toujours les moyens comme on dit souvent. Il fallait être un devin pour lire la destinée de cet orchestre des jeunes de Bandalungwa le Wenge Musica 4×4 pour la plupart encore élèves et plus tard étudiants vivant encore sous les toits parentaux. Et d’ailleurs, personne ne croyait à ce qu’ils faisaient comme musique rien que pour se divertir tout simplement pendant les grandes vacances. Un hobby.
À part les balbutiements du début, en tout cas aucun d’entre-eux presta dans un grand orchestre reconnu de l’époque. Sauf, dans des petits groupes musicaux sans lendemain et entre les copains.
L’orchestre connaîtra plusieurs étapes jusqu'à sa formule la plus aboutie, et qui existait déjà vers 1981 avant de connaître plusieurs mutations et des vagues successives d’arrivées et de départs.
Les enfants d’une même commune : Bandalungwa.
Une commune habitée par des musiciens célèbres et non célèbres. Commune créée vers 1956- 57.
Et la proximité de la star de la chanson zaïroise à l’époque, Emeneya Kester qui s’installa à Bandalungwa, étant le meilleur chanteur de ce moment et son orchestre Victoria Eleison joueront un rôle déterminant dans l’épanouissement artistique des jeunes de l’orchestre Wenge Musica.
King Kester Emeneya
Kester Emeneya le fantasque était leur idole. Leur rythme sera calqué sur celui de l’orchestre Victoria Eleison. Un modèle. Leur première chanson ’’Mulolo igi ma ’’comme preuve. On avait crû qu’Emeneya Kester leur avait prêté main-forte pour la réussite de cette œuvre initiale. D’après les informations,’’Evala Malakoze’’ assistait parfois aux répétitions de cet orchestre, voir aussi son pendant artistique, son petit-frère Joly Mubiala dans une sorte d’adoubement. Les jeunes de l’orchestre Wenge Musica 4×4 furent dans une bonne école. Et nés sous une bonne étoile.
Ensuite, il y avait des talents de musiciens comme le guitariste soliste Alain Makaba, les chanteurs JB Mpiana, Werrason et Blaise Bula. Un cocktail artistique explosif.
Sans oublier l’environnement musical propice à cette époque, surtout vers 1986 - 87 quand le jeune orchestre de Bandalungwa commença à pointer son bout du nez afin de revendiquer sa place dans la hiérarchie musicale zaïroise.
L’installation de l’orchestre OK Jazz en Europe pour 2 ans en 1984 et la scission de cet orchestre en deux camps, affaiblira un peu sa popularité, la chanson ’’Mario ’’sortie vers 1985- 86 sera le plus grand succès planétaire de Franco Luambo si pas son dernier, avant le début de ses ennuis de santé. Décédé en octobre 1989.
Tabu Ley son concurrent pour manque d’une concurrence de taille sur le terrain, malgré le sursaut de l’orchestre OK Jazz aile-Kinshasa, ne s’en remettra pas de sa rupture ou divorce d’avec Mbilia Bell, son égérie artistique et son double au féminin. Il va quitter le pays vers 1987 pour ne plus rentrer au bercail en abandonnant ses musiciens en Occident, d’autres reviendront au pays en ordre dispersé.
’’Papa Wemba’’ qui avait régné plusieurs années avec son orchestre Viva la Musica avait déjà fait son temps, il va alors s’installer en Occident pour une carrière internationale à partir du milieu des années 80 suite à la pression exercée sur lui par l’orchestre Victoria Eleison qui marchait sur l’eau.
Quant à l’orchestre Victoria Eleison, il sera en perte de vitesse vers 1989-91 après son apogée entre 1984- 86. Dès lors, le chemin de la gloire semblait se dessiner pour les jeunes de l’orchestre Wenge Musica ,un boulevard, qui avaient vite compris qu’il leur fallait se saisir cette opportunité. Car la nature ayant horreur du vide. Et les absents ont toujours tort.
Tout Kinshasa ne parlera plus que de ces jeunes de Bandalungwa. L’orchestre Victoria Eleison choisira aussi le chemin de l’exil en abandonnant le terrain à l’orchestre Wenge Musica à partir de 1991. Kinshasa tombera sous le charme de l’orchestre de Bandalungwa. Les Werrason, JB Mpiana, Alain Makaba, Blaise Bula, Adolphe Elongo, Didier Masela etc... des stars en devenir. Tous les orchestres de jeunes qui concurrençaient le Wenge Musica 4×4 tout terrain seront balayés proprement.
Le bouleversement de la géopolitique mondiale à partir de la chute du mur de Berlin va accélérer la libération de l’espace politique au Zaïre. L’avènement de la démocratie avec l’instauration du multipartisme au pays. C’en était fini pour le MPR parti- État lors du discours de Mobutu Sese Seko au mois d’avril 1990 à N'sele.
Plusieurs jeunes zaïrois vont alors quitter le pays pour l’Europe, la ruée vers l’eldorado, non pas pour les études mais pour la recherche d’une vie meilleure. Cet exode massif sera un autre élément catalyseur dans le succès de Wenge Musica. Ces jeunes exilés constitueront un réservoir inépuisable des fanatiques de Wenge Musica en Europe. Loin de l’époque où les seuls orchestres OK Jazz, Afrisa, Zaïko Langa-Langa, Empire Bakuba ou le Choc Stars de Ben Nyamabo dans une certaine mesure avaient le monopole de l’Europe. Le Wenge Musica apportera du sang neuf et va bouleverser toutes les donnes.
La page OK Jazz, Afrisa, Zaïko venait d’être tournée définitivement. La proximité des musiciens de Wenge Musica et les enfants de bonnes familles du régime Mobutu finissant, pour la plupart élèves dans les mêmes écoles comptera pour beaucoup. Qui y apporteront des moyens financiers et matériels conséquents à l’orchestre .Et surtout, la présence de Kongulu Mobutu ’’Sadaam Hussein ’’fera entrer l’orchestre de Bandalungwa dans une nouvelle dimension. Et surtout administrativement pour l’obtention des visas. Les jeunes de Bandalungwa auront désormais les carnets d’adresses bien remplis.
Ils arriveront à faire tomber le mythe qui voulait qu’un musicien meure pauvre et marche à pied ou en taxis. Ils vont rouler carrosse tous. Les costumes 3 pièces pour les politiciens et hommes d’affaires deviendront leurs tenues de concerts. Ils achèteront des villas au Congo comme à l’étranger. Une vie dans la bourgeoisie. Ils avaient accéléré une révolution musicale et culturelle inattendue.
Et depuis tout ce temps, ils se sont imposés dans la durée, et ont par la suite, commencés à faire des ramifications avec les jeunes musiciens sortis de leurs entrailles. Qui l’aurait crû ? Seul Koffi Olomide et son Quartier Latin arrivent quand même à les titiller de temps à autre.
L’orchestre Wenge Musica 4× 4 ou l’histoire d’un orchestre de Bandalungwa sorti de nulle-part pour s’installer au sommet. Et depuis qu’ils avaient lancé à l’époque vers 1991- 92 le cri : ’’Toza likolo,’’les musiciens de cet orchestre commencent à redescendre à peine sur terre.
Seul bémol : les jeunes de l’orchestre Wenge Musica 4× 4 ont légalisé et amplifié le phénomène ’’Matolo ’’autrement dit la mendicité officielle. Comme quoi : chaque médaille a ses revers. Et le Wenge Musica a même fait de Bandalungwa une nouvelle Paris. Est-ce que c’est vrai aussi que Bandal c’est Paris aujourd’hui ?
Dary Abega
