Dans l'histoire de notre musique, Adou Elenga restera comme étant le tout premier musicien congolais à avoir dit tout haut ce que la majorité des Congolais pensait tout bas, en bravant l'autorité coloniale en 1950 par sa chanson anthologique ''ATA NDELE'' (tôt ou tard). Une chanson qui fera trembler les colonisateurs belges, de suite au succès récolté, et son auteur culotté sera embastillé pour la prison de Ndolo, suspendu de toutes ses activités pendant un moment. Une traversée de désert. Il fut après le prophète Simon Kimbangu, la seconde personne à avoir lancé un message clair et net contre les Belges : ''tôt ou tard les rôles vont s'inverser''. Mokili ekobaluka. Si Papa Wemba n'avait que sa voix, lui par contre, avait sa voix plus son inséparable guitare toujours en bandoulière. Il composa d'autres chansons telles que : ''Maria Tebo'', ''Samedi soir'', de vrais chefs-d’œuvre légués à la postérité. Interprétées plus tard par Evoloko dans ''Fièvre Mondo'' avec le Zaiko L.L en 1980-81 ensuite ''Leya'' dans Langa-Langa stars : ’’Ebembe ya mbwa matanga te, ebembe ya soso matanga te, Adoula Elenga ngo ayemba en 1981 ; par Sam Mangwana (Maria Tebo) etc..
Immortalisé par Dindo Yogo dans ''Mokili échangé'' avec le Zaiko L.L en 1984, par Ndombe Opetun dans ’’Zibola 20 ème siècle’’ en 1975. Moi, j'aurai la chance de le voir personnellement vers fin des années 70 et début 80 lors de sa visite de courtoisie chez l'un de ses amis, un ancien gardien de FC Dragons à l'époque de Loulou quand le ballon obéissait à l'homme. Pakombe Cyprien alias ’’CP Masasi ’’à Kinkole.
Dindo Yogo
Étant un jeune adolescent et innocent, je ne savais pas que j'étais devant une icône de notre histoire musicale, un Adou Elenga amaigri, visage émacié, voix enrayée et ventre barré verticalement d'une longue cicatrice, souvenir d'une opération chirurgicale à l'ancienne. Et je ne savais pas que j'écrirais un jour sur lui.
Sa journée fut rythmée par sa voix rauque et le son de sa guitare sèche, entouré de quelques nostalgiques : journée arrosée d'alcool, bières Primus, Skol et alcool indigène (tout passait, sauf l'eau). Il revisitait son répertoire et ceux de ses contemporains : Wendo Kolosoy, Desayo, Tinapa, Bowane, Lucie Eyenga, Kasongo, Jhimmy Elenga et Muanga dans Onduruwe etc.
Je ne le reverrai plus par après, jusqu'au jour où devant le PSR de ’’Pont Kasa-Vubu’’, je verrai un vieux marchant en titubant comme un cocotier secoué par le vent, chemise ouverte, rassemblant toute sa dernière énergie pour la poursuite de la voiture Mercedes-Benz (trapèze) de Tabu Ley Rochereau qui venait de la salle Cultrana pour le ’’Type K ’’en empruntant l’avenue Kasavubu, le lieu de ses répétitions, qui revenait de la Cultrana. Adou Elenga se mettra à interpeller le ’’seigneur Roch’’ ’’ loselo...loselo ! Avec sa voix effacée, qui pouvait l’écouter dans tout ce brouhaha et vrombissements de moteurs dans cet endroit si animé ? Il va rebrousser chemin, dépité et découragé, les mains sur la tête comme un enfant triste. En tout cas, personne n’avait remarqué le vieux grabataire, l’ancien poil à gratter des colons belges. Sauf moi seul peut-être.
Quelques mois plus tard, j’apprendrai à la radio nationale le décès d’Adou Elenga au Sanatorium de Makala. Adou Elenga né à Watsa d’un père ghanéen et d’une mère congolaise dans la province Orientale en 1926 et décédé à Kinshasa en 1981.
Dans l’histoire de notre musique, seuls les musiciens Wendo Antoine Kolosoy en amour ’’Marie Louise ’’ et Adou Elenga’’ Ata ndele ’’dans l’éveil patriotique parviendront à secouer l’autorité coloniale en musique.
Wendo Antoine Kolosoy
’’Te ndeele te ndela ata ndele mokili ekobaluka, ata ndele mokili ekosukuama ! ’’.
Dary Abega