Ebuteli a publié le 13 mai 2025 son rapport intitulé, Corruption électorale sans frontière en RDC : des leçons à tirer pour l’avenir.
Cette étude révèle les pratiques de corruption à tous les niveaux du système électoral aggravant la crise de légitimité et le manque de redevabilité des institutions politiques.
Depuis 2006, les élections organisées pour améliorer la gouvernance donnent systématiquement lieu à des contestations, notamment en raison de la corruption. Malgré le recours à la technologie et l’augmentation significative du budget électoral — passé de 540 millions de dollars américains en 2006 à plus d’un milliard de dollars américains en 2023 — la corruption et le manque de transparence dans lesquels les candidats et d’autres parties prenantes aux processus électoraux se livrent dénaturent les résultats des élections. Au lieu d’incarner un exercice de libre choix citoyen, les élections en RDC s’apparentent de plus en plus à un marché de transactions illicites, dominé par des modes de corruption centralisée et décentralisée.
Ce rapport montre que la corruption électorale en RDC ne relève pas d’un dysfonctionnement ponctuel, mais constitue un système structuré, enraciné dans les pratiques, les institutions et les rapports de pouvoir. L’élection n’est plus un moment de légitimation démocratique, mais un moyen d’accès aux ressources, aux privilèges et à l’impunité.
Plusieurs facteurs alimentent ce système. D’abord, le contexte politique favorise la corruption électorale où le pouvoir en place garde une mainmise sur des institutions clés, notamment la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), la Cour constitutionnelle et d’autres juridictions électorales. Pour les élections de 2023, les retards accumulés dans l’organisation des élections ont favorisé l’attribution des marchés de gré à gré, entretenant l’opacité et la surfacturation. Ces pratiques ne profitent pas uniquement aux responsables de la Ceni, mais aussi à d’autres figures influentes de l’appareil de l’État.
Ensuite, le pays a un cadre juridique fragile en matière de lutte contre la corruption électorale. La RDC ne dispose pas de loi sur le financement des campagnes électorales et aucun plafond n’est fixé sur les dépenses y afférentes. Malgré les propositions du G13 en 2020, l’interdiction des dons électoraux n’a pas été prise en compte. Enfin, la précarité sociale alimente le système. Faiblement rémunérés, agents électoraux — permanents et temporaires — voient les élections comme une source de revenus complémentaires. De leur côté, de nombreux électeurs, confrontés à la pauvreté, perçoivent le vote comme une occasion d’obtenir des dons en échange de leur suffrage.
"Notre étude montre que la corruption électorale prend des formes variées : le détournement des dispositifs électroniques de vote (DEV) ; la non-utilisation de l’encre indélébile pourtant prévue ; le vote en série ; la désorientation volontaire des électeurs analphabètes, aveugles ou malvoyants ; l’intimidation et la violence ciblée ainsi que la délocalisation arbitraire des bureaux de vote".
La lutte contre la corruption électorale ne peut reposer uniquement sur les bonnes intentions. Elle nécessite donc des mécanismes solides, des institutions crédibles et un engagement collectif, à la fois institutionnel, judiciaire et citoyen, pour faire des élections un véritable moment de redevabilité. Dans cette perspective, et en vue des prochaines échéances électorales, notre étude recommande la restructuration de la Ceni pour garantir son indépendance, en instaurant un recrutement transparent par concours organisé par un cabinet indépendant ; la révision de la loi électorale, en y incluant l’interdiction formelle des dons pendant la campagne, l’encadrement strict du financement politique, l’organisation des élections des gouverneurs, des vice-gouverneurs et des sénateurs au suffrage universel direct pour limiter les achats de voix ; l'indépendance de la justice électorale, avec des juges nommés sur des critères clairs, et des sanctions effectives contre tout acteur impliqué dans les actes de corruption ; l’audit financier indépendant de la Ceni et la publication des rapports y relatifs, les réformes techniques, comme la suppression de l’encre indélébile – souvent contourné ou mal appliqué – au profit de la vérification biométrique des empreintes digitales pour éviter les votes multiples.
La Gazette du Continent.