L’Institut américain pour la paix (USIP) a annoncé le 9 décembre 2023 à Kinshasa la désignation de Mme Pétronille Vaweka comme lauréate du prix des femmes architectes de la paix 2023. C’est un prestigieux prix international, décerné annuellement, pour honorer les femmes dont l’engagement, le leadership et l’impact sont extraordinaires, qui travaillent à consolider la paix et à résoudre les conflits violents dans leurs communautés.
« Quelle belle façon de clôturer la semaine avec une réception pour reconnaître et honorer une partisane de la paix, Mme Pétronille Vaweka. Cette Congolaise est parmi les 4 finalistes au monde pour le prix 2023 des femmes pour la construction de la paix. Depuis que l’Institut américain pour la paix a lancé ce prix il y a à peine 4 ans, deux autres femmes congolaises ont été honorées en tant que finalistes de ce prestigieux international (Mme Julienne Lusenge et Mme Tatiana Mukanire) », a déclaré l’ambassadrice des Etats-Unis en RDC, Lucy Tamlyn.
Alors que le monde célèbre les 16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre, il s’agit d’une campagne internationale annuelle qui a débuté le 26 novembre 2023, journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et qui se poursuivra jusqu’au 10 décembre 2023 dédiée à la journée des Droits de l’homme.
« Aucun pays d’Afrique n’a connu le niveau de violences, le nombre de morts et les bouleversements internes de la population de l’Est de la RD Congo a subi au cours de ces trois dernières décennies. Comme vous les savez, les femmes et les filles congolaises ont été particulièrement touchées. Nous notons la grave préoccupation suscitée par la résurgence de la violence dans la province du Nord-Kivu à l’Est de la RDC cette année et cette semaine surtout ».
Lucy Tamlyn espère que ce prix et les efforts de l’USIP vont partager l’histoire de Mme Pétronille Vaweka et l’impact de son travail se verront en mettre en lumière et à recentrer l’attention de la communauté internationale sur ce qui se passe dans la partie orientale de la RDC.
Puis viennent des hommes sont arrivés pour l’argent
« De tel moment, on est remplie d’émotion, mais nous sommes habitués d’aller au-delà de nos émotions. Ce prix est également une chance et un cadeau pour la RDC qui peine encore sur le chemin de la paix et qui compte encore des morts tous les jours. Ce prix, je le dédie à mon mari, à mes enfants et à tous ceux qui sont présents dans ce lieu qui ont été à mes côtés, à m’encourager et surtout m’accompagner sur le chemin de la paix », s’est réjouie Pétronille Vaweka.
Elle était habillée en noire parce que ce prix n’est pas pour un match de tennis ou de football, mais c’est prix pour sauver des vies humaine, a-t-elle lancé à l’assistance. « Nous avons beaucoup de compatriotes qui nous ont quittés. Spécialement aujourd’hui, je pense à 12 personnes qui ont été tuées à ma place. Le chemin de la paix n’est pas un chemin de la joie. Il est un chemin difficile ».
Pour Vaweka, les ennemis de la paix qui sont souvent nos frères n’acceptent pas que les gens épris de paix aillent à l’encontre de leurs intérêts parce qu’ils se nourrissent de sang de leurs frères. Lorsqu’une personne travaille pour la paix, ils ne le supportent pas. Raison pour laquelle toute personne qui travaille pour la paix est la cible de ces ennemis.
« Les 12 personnes avaient pris place dans le véhicule que j’utilisais pour concilier les communautés Hema et les Lendu. Ce jour-là, je n’étais pas dans le véhicule. Ceux qui voulaient ma mort étaient certains que j’étais tuée. Le véhicule partait pour Fataki dans le territoire de Djugu. Ils étaient sûrs que ce jour-là, ils allaient m’avoir. En attaquant ce véhicule, ils avaient sauvagement les 12 personnes qui étaient à bord et leurs corps calcinés ».
Après l’attaque de mon véhicule, le commanditaire voulait lui-même aller annoncer sa mort à ses enfants. « Il était étonné qu’en voulant venir annoncer ma mort, c’est moi qui était sortie de la maison. Imaginez dans quel état il était. C’est pour cette raison que je dédie ce prix à ces personnes innocentes. J’ai voulu travailler pour la paix. Ce n’est pas par passion mais par devoir parce que nous devons travailler pour notre pays. Nous devons sauver la vie de nos frères et sœurs ».
Les conflits n’ont pas duré 25 ans puisqu’il y a eu un temps d’accalmie. Les conflits reviennent parce qu’en RDC les gens n’ont pas la culture de la mémoire et de la méritocratie. Ceux qui travaillent ne sont pas reconnus. « Ce n’est pas normal que ce prix je puisse l’avoir des États-Unis. C’est mon pays qui aurait dû m’honorer il y a bien longtemps parce que j’ai gravi tous les échelons ».
Pendant la guerre, elle a travaillé comme humanitaire et pour la défense des droits humains. Elle a été ensuite élue présidente de l’Assemblée spéciale intérimaire de l’Ituri. « Les Congolais oublient que notre pays a été balkanisé. Depuis la guerre de 1998, le Congo a été divisé. Nous, nous avons subi la balkanisation. Nous étions sous l’occupation ougandaise en Ituri. Les gens l’ont oublié. C’est à ce moment que je m’étais levée à les faire partir. Il y avait aussi des Rwandais. Prendre cette responsabilité de demander à nos frères et sœurs avec une équipe à côté de moi que cette guerre ne nous mènera nulle part. Nous sommes Congolais et nous devrions rentrer dans le giron national. Je suis parvenue à le faire. J’ai présenté l’Ituri au Congo sur un plateau d’or. Pas de prix, je n’en avais pas besoin bien sûr ».
Pétronille Vaweka été députée de la transition (1+4 de 2004 à 2008) et ne pense pas qu’il a eu beaucoup de gens qui ont eu cette chance d’être président de l’Assemblée dans une province et député au niveau national. Elle a assumé les deux rôles en plus de lobbying qu’elle menait à l’étranger. « Ensuite, on m’a demandé de quitter le Parlement pour devenir commissaire de District de l’Ituri (disons que je jouais le rôle de gouverneur aujourd’hui pendant 4 ans). Je suis partie puisqu’une fois la paix revenue. Les hommes se sont précipités sur l’argent. J’étais la personne qui ne devrait pas être à cette place ».
Si elle travaille pour la paix, pour elle, c’est un devoir et une responsabilité parce qu’elle ne pouvait pas rester les bras croisés pendant que « nos frères et sœurs perdent leur vie. Je m’étais engagée il y a près de 25 ans et je continue mon travail ». Elle a dit à Mme l’ambassadrice des États-Unis en RDC que la diplomatie est une arme puissante et qui va très loin. « Qu’elle nous aide par sa diplomatie à ce que cette guerre de l’Est de la RDC cesse. Elle le peut parce qu’elle a le cœur des femmes. « Elle a la sensibilité des femmes. Je suis très heureuse d’avoir en face de moi une femme qui peut nous aider dans cette diplomatie. Mme l’ambassadrice, je compte sur vous que d’ici là, vous allez mettre ensemble ceux qui ne le veulent pas pour que cesse cette guerre pour que les femmes, les hommes et les enfants ne meurent plus. Chacun d’entre nous dans ce qu’il fait a la capacité, il faut se sentir responsable, ne vous sentez pas loin de de l’Est du pays, nous sommes tous Congolais. Nous devons être interpellés par ce qui se passe dans les trois provinces martyres. Vous pouvez le faire aussi ».
Pétronille Vaweka est fière d’avoir ce prix après Mme Julienne Lusenge. Elle pense qu’il y en aura d’autres femmes qui vont les suivre. « Nous sommes là pour les aider ». « La morte et la destruction règnent dans l’Est de la RDC », ont déclaré les présidentes du Conseil Marcia Carlucci et Megan Beyer. « Pétronille est une femme extraordinairement courageuse qui a travaillé avec acharnement au cours de 30 dernières années pour le changement dans une culture de violence dominée par les hommes ».
La Gazette du Continent