Il était une fois Papa Wemba, Koffi Olomide et Reddy Amisi

Il était une fois Papa Wemba, Koffi Olomide et Reddy Amisi

A l’occasion de la commémoration du 8ème anniversaire de la disparition de Papa Wemba (24 avril 2016 – 24 avril 2024), nous partageons cette page d’histoire culturelle afin de lui rendre hommage.

Papa Wemba découvre le talent de chanteur de Rémy chez Antoine Agbepa

La page d’histoire de ce jour commence en 1981. Nous sommes sur l’avenue Aketi, dans la commune de Lingwala à Kinshasa. Papa Wemba, la grande star de l’époque, vient rendre visite à son « pur petit » et parolier Antoine Agbepa Mumba dit Koffi Olomide.

En entrant à l’improviste chez Agbepa Mumba, Papa Wemba le trouve en train de répéter une chanson avec un jeune qui, d’habitude, l’accompagne un peu partout. Le jeune garçon en question s’appelle Rémy ; plus exactement Jules – Rémy Namwisi Ngoy. Surpris par la présence de Papa Wemba, Antoine et Rémy arrêtent de chanter. Parce qu’Antoine Agbepa n’aimait pas trop qu’une tierce personne écoute l’une de ses compositions avant qu’elle ne soit achevée. Mais Papa Wemba va leur demander de jouer de nouveau la chanson en répétition.

Papa Wemba souhaite recruter Rémy

Peu après, le jeune Rémy va sortir et laisser les deux partenaires en tête à tête. Et là, Papa Wemba va manifester sa surprise en découvrant que le petit Rémy qui accompagnait souvent Antoine Agbepa à Molokaï et aux concerts de Viva – la – musica, avait une si belle voix et chantait très bien. Papa Wemba demande alors à celui qui deviendra plus tard Koffi Olomide de lui amener le petit Rémy pour qu’il l’intègre dans son orchestre Viva – la – musica. Sans même consulter le concerné, Antoine rejette d’emblée la demande de Papa Wemba ; en arguant que Rémy étant encore très jeune (il a 21 ans en 1981), il risquait d’avoir des problèmes avec Papa Benjamin, le père de Rémy ; qui lui faisait confiance pour l’encadrement de son fils.

Antoine Agbepa et Rémy Namwisi font connaissance

D’ailleurs comment Antoine et Rémy se sont – ils connus ? Dans les années 1970, Antoine Agbepa et son grand – frère Johnnico (de son vrai nom Johnny Assiabo Mapimbi Agbepa) qui habitaient Lemba, avaient l’habitude de rendre visite à leur tante maternelle répondant au nom de Mama suzanne ; de son vrai nom Arabella – Suzanne Moore. C’est la grande sœur de leur mère Amy Muyonge Moore dit « Mama Amy ». Mama Suzanne habitait l’avenue Kikweta n°30 (si je ne m’abuse), dans le quartier Yolo – Sud. Le petit Rémy et ses parents habitaient la même avenue Kikweta au numéro 24. Etant un familier de la parcelle de Mama Suzanne, voilà comment Rémy va faire la connaissance de Ya' Antoine et de Ya' Johnny, les cousins de ses amis. En 1975, son diplôme d’Etat en poche et après une tentative en année préparatoire de la faculté Polytechnique de l’Université de Kinshasa, Antoine Agbepa part poursuivre ses études universitaires en Europe.

Mama Suzanne est cambriolée

Un jour, Mama Suzanne, la tante d’Antoine Agbepa est visitée par des cambrioleurs qui la dépouillent de tout : bijoux, argent, appareils électro – ménagers. Son fils, vieux Motayo, considère que le quartier n’est plus sûr pour sa mère. Il décide alors de la déplacer vers le quartier « Macampagne » dans la commune de Ngaliema. Après le déménagement de Mama Suzanne, Motayo a un souci : qui va garder maintenant la maison familiale de Yolo – Sud ? Et là, tout de suite, il va penser à son petit du quartier, Rémy. Un garçon sérieux, poli, honnête, respectueux. Voilà comment Rémy va se retrouver résident – gardien d’une très grande maison qu’il va surnommer « MontParnasse », en référence à la Tour MontParnasse de Paris.

Antoine se rapproche de Rémy

Et lorsque Antoine Agbepa revient à Kinshasa passer ses vacances, il habite évidemment chez ses parents qui sont installés sur l’avenue Aketi dans la commune de Lingwala après avoir quitté la commune de Lemba. Mais lorsqu’il a envie de changer d’air ou prendre un peu de bon temps, il va à « MontParnasse » chez son petit Rémy qui garde la maison de sa tante Maman Suzanne. Voilà comment Antoine et Rémy vont devenir très proches au point où Remy accompagne Antoine presque partout comme on l’a vu ci – haut.

Papa Wemba a besoin de Rémy

Un soir de décembre 1982, Rémy est réveillé brutalement par les bruits d’une personne qui est en train de tambouriner à la porte de « MontParnasse ». Il va ouvrir et il voit son Ya Antoine. Ce dernier, très excité, va dire à Rémy qu’il revient d’un concert de Viva – la – musica au bar Type K. Il sort alors de sa poche un billet de 50 zaïres, communément appelé « Maze » et le montre à Rémy en disant : « Papa Wemba m’a remis cet argent pour que demain je t’amène intégrer son orchestre comme chanteur ».

Kester Emeneya quitte Papa Wemba

En effet, en ce moment – là, Papa Wemba est en très grande difficulté. Kester Emeneya, son fidèle et talentueux lieutenant, vient de claquer la porte de Viva – La – musica en emmenant la moitié des musiciens. Avec ce noyau, Emeneya va créer Victoria Eleison. Une année après avoir décliné l’offre de Papa Wemba de recruter Remy, Antoine Agbepa considère que dans les circonstances actuelles (défection d’Emeneya et des autres), il est de son devoir moral de voler au secours de son « Pur vieux », Papa Wemba en lui amenant Rémy.

Rémy Namwisi intègre Viva – la – musica et devient Reddy Amisi

Le lendemain, Antoine Agbepa amène son petit Rémy au bar vis – à vis où Papa Wemba et le reste de son orchestre étaient en train de répéter. Très heureux de voir le petit Rémy, Papa Wemba va le présenter aux membres de l’orchestre sous le nom de « Reddy Amisi ». Et Papa Wemba présente, au même moment, un deuxième chanteur qu’il venait de recruter et qui sera connu sous le nom de Lidjo Kwempa ! Un mois plus tard, un autre chanteur de talent va rejoindre Viva - la – musica en provenance de Kisangani. C’est Luciana de Mingongo.

En ce début d’année 1983, Viva – la – musica est revigorée par la présence de très grands chanteurs. En effet, on retrouve :

- Papa Wemba ;
- Jadot le Cambodgien ;
- Debaba (qui finira par rejoindre Emeneya) ;
- Maray – Maray (qui partira en Europe) ;
- Fafa de Molokaï (partira aussi en Europe) ;
- Reddy Amisi ;
- Lidjo Kwempa ;
- Luciana de Mingongo.

Viva la musica largue une bombe : " Ceci-cela "

Cette nouvelle formule de Viva – la – musica va sortir un tube qui va encore propulser cet orchestre au-devant de la scène musicale zaïroise. La chanson est une création du nouvel arrivant Lidjo Kwempa, ancien proche d’Emeneya (à Kikwit, Lidjo kwempa habitait chez les Mubiala, la famille d’Emeneya). Le tube de Lidjo Kwempa s’intitule « Ceci cela ». Il sera l’une des meilleures chansons de l’année 1983. Pendant plusieurs mois, grâce au succès de cette chanson, Lidjo Kwempa va faire de l’ombre à Emeneya. Mais, très rapidement Jean Mubiala Emeneya va reprendre le leadership en devenant le « King Kester Emeneya ».

Pendant ce temps, le jeune Reddy Amisi, est en train de fourbir ses armes, et prend le temps d’étudier son nouvel environnement. Quelques années plus tard, il se révèlera être le musicien le plus talentueux et le plus prolifique de sa génération. En enchainant des chansons et des albums à succès, tels que : Kotida, Bomengo ata kala, Zakina, Mayase, Libala, Queen Lina, Injustice, Prudence …

La contre-révolution " Ndembo na se "

Quant à Antoine Agbepa, l’histoire retiendra que ce parolier de talent va devenir avec le temps, et sous le nom de Koffi Olomide, l’un de plus grands artistes-musiciens de la RDC et d’Afrique. Il sera même à l’origine de la contre-révolution musicale de Zaïko Langa-Langa. En effet, dès sa création en 1969, les musiciens de Zaïko décident d’accélérer le tempo de la musique congolaise, en adoptant le tempo de la musique folklorique Né-kongo. Ce qui donnera naissance au « Nguasuma » actuel.

Koffi Olomide et son ami Kester Emeneya, passionnés de la rumba originale de l’Africa Jazz du Grand Kale, de l’Africa Fiesta de Rochereau …, considérerons que Zaïko Langa-Langa et ses héritiers (Isifi-Lokole, Yoka-Lokole, Viva – la - musica …) ont dévoyé la rumba originale. Ils vont décider alors de revenir à la source de la rumba en ralentissant le tempo. C’est la révolution dite « Ndembo na se » ou balle à terre.

Papa Wemba, le dénicheur des talents

En conclusion on peut retenir que le destin a fait se croiser les chemins de ces trois artistes musiciens d’exception afin de nous faire vivre des moments de bonheur inoubliables, à travers leurs œuvres d’anthologie. Au-delà de l’affection particulière pour l’un ou l’autre de ces trois grands musiciens qui ont marqué l’histoire de la musique congolaise et africaine (Papa Wemba, Koffi Olomide ou Reddy Amisi), il y a un point sur lequel nous devrons tous être d’accord : Jules Shungu Wembadio dit Papa Wemba était, outre ses qualités incontestées d’artiste-musicien, le plus doué pour dénicher les talents. Grand respect !

A suivre !

 

Thomas Luhaka Losendjola
Ancien président de l’Assemblée nationale, ancien ministre, avocat et Député national

 

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