Au siège des Nations unies, la RDC fustige les manoeuvres du Rwanda pour maintenir l’insécurité dans sa partie orientale

Au siège des Nations unies, la RDC fustige les manoeuvres du Rwanda pour maintenir l’insécurité dans sa partie orientale

La ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères de la RDC, Thérèse Kayikwamba Wagner s’est adressée le 9 décembre 2024 à la 9804ème Séance du Conseil de Sécurité des Nations Unies sur « la situation concernant la République Démocratique du Congo » à New York aux Etats-Unis.

Elle a tenu à féliciter les États-Unis pour leur présidence en ce mois de décembre et de saluer le leadership d’Antonio Guterres, Secrétaire général des Nations Unies, ainsi que l’engagement remarquable de Madame Bintou Keita, Représentante spéciale et Cheffe de la MONUSCO.
« Nous nous réunissons à un moment crucial, à la veille du renouvellement du mandat de la MONUSCO, pour faire le point sur une crise qui exige clarté et détermination. Et je compte sur vos délibérations pour traduire en actes l’urgence des défis qui nous concernent tous ».
Le Rapport du Secrétaire général, document S/2024/863, du 28 novembre 2024, dont le Conseil est saisi, fait état d’une situation sécuritaire extrêmement préoccupante à l’Est de la République Démocratique du Congo. Les rapports d’experts mandatés par ce Conseil ont confirmé les violations flagrantes de la souveraineté : en effet, plus de 4.000 membres des Forces de Défense Rwandaises (RDF), présents illégalement sur le territoire congolais, mènent des offensives avec le soutien du M23. Ces actes constituent une agression planifiée et préméditée, en violation manifeste de la Charte des Nations Unies, de l’Acte Constitutif de l’Union Africaine et des principes fondamentaux du droit international.
Les conséquences sont accablantes. Le massacre de Kishishe, le 29 novembre 2022, incarne les atrocités perpétrées, avec des exécutions sommaires et des viols infligés à des civils. Le bombardement du camp de déplacés internes de Mugunga causant la mort d’au moins 35 civils, en 3 mai 2024, majoritairement des femmes et des enfants, et encore, dimanche 8 décembre 2024, le bombardement de l’école Bungeni à Luofu, dans le territoire de Lubero.
Ces violences ont conduit à des déplacements massifs. Près de trois déplacements sur quatre en RDC cette année sont liés au conflit avec le Rwanda et le M23, exacerbant une crise humanitaire déjà dramatique. Par ailleurs, des déplacements prémédités de civils, combinés à la nomination illégitime d’autorités coutumières et territoriales imposées par le M23, traduisent une volonté claire de redessiner la composition démographique des territoires sous leur contrôle.
Ces pratiques, qui s’apparentent à une épuration ethnique, visent à établir un contrôle durable, tout en sapant les structures sociales et culturelles existantes et en exacerbant les tensions locales. Comme si cela ne suffisait pas, le Rwanda également, a ciblé les forces de maintien de la paix de la MONUSCO et de la SADC.
Et pourtant, le Rwanda continue de qualifier tous ces actes de "mesures défensives." Mais bombarder des camps de déplacés, occuper illégalement un territoire étranger et piller ses ressources naturelles n’a rien de défensif. Ce ne sont pas les discours du Rwanda qui définissent sa posture, mais ses actes.
Pour mettre fin à cette guerre, la République Démocratique du Congo s’est engagée avec détermination dans le processus de Luanda, sous les auspices du président angolais João Lourenço. Dans ce cadre, la RDC a pris l’engagement ferme de neutraliser les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), tel que prévu par le Concept d’Opérations adopte le 25 novembre 2024 à Luanda. Concept d’Opérations, dans lequel le Rwanda lui s’est engage à retirer ses troupes du territoire souverain congolais.
Le 5 novembre 2024 à Goma, les ministres des Affaires étrangères d’Angola, du Rwanda et moi-même avons lancé le Mécanisme de Vérification Ad Hoc renforcé, mandaté pour surveiller le cessez le-feu entré en vigueur le 4 août 2024. Composé de 18 experts angolais et de 3 experts congolais et rwandais respectivement, ce mécanisme représentait une étape clé dans la concrétisation des engagements pris. Or, depuis sa création, les experts rwandais n’ont jamais assumé leurs fonctions.
Cela fait donc 34 jours que le fonctionnement de ce mécanisme est entravé, mettant en doute la volonté du Rwanda de respecter ses engagements. Pendant ce temps, le Rwanda et le M23 ont systématiquement continué à violer le cessez-le-feu, tout en paralysant délibérément le mécanisme pour échapper à toute responsabilité.
Face à ces réalités alarmantes, il est impératif que ce Conseil reste mobilisé dans son soutien au processus de Luanda et exige des parties le respect de leurs engagements. Dans cette optique, le renouvellement du mandat de la MONUSCO doit impérativement refléter la dimension régionale du conflit, tout en maintenant une approche conditionnelle et responsable pour son retrait progressif. Cela est essentiel pour répondre aux menaces transfrontalières et garantir qu’aucun vide sécuritaire ne soit laissé.
La RDC salue à cet égard la Résolution 2746, qui reconnaît le rôle central de la Communauté de développement de l’Afrique australe dans la stabilisation régionale. La Mission SAMIDRC, mandatée dans ce cadre, constitue un pilier stratégique pour renforcer les efforts conjoints de protection des civils et de lutte contre les menaces transfrontalières.
Cependant, ces défis nécessitent une coordination encore plus étroite entre la MONUSCO et le Bureau de l’Envoyé spécial pour la région des Grands Lacs. Il est crucial que ce Bureau, dont les attributions doivent être renforcées, assume un rôle central dans la gestion des dynamiques transfrontalières. Une telle évolution permettrait à la MONUSCO de centrer ses efforts sur des zones particulièrement critiques au Nord-Kivu et en Ituri, tout en assurant une réponse régionale intégrée et cohérente par l’ensemble du système des Nations Unies.
Le transfert progressif des responsabilités sécuritaires aux FARDC devra s’accompagner d’une planification conjointe avec les Équipes Provinciales Intégrées de Transition et le Gouvernement congolais. De même, les agences des Nations Unies doivent continuer d’assumer progressivement les responsabilités de développement et d’assistance humanitaire.
Enfin, la MONUSCO doit poursuivre son partenariat avec la République Démocratique du Congo dans le contexte du Programme de Désarmement, Démobilisation, Relèvement Communautaire et Stabilisation (P-DDRCS) en contribuant à ce que ces initiatives soient durables et transparentes. Le renouvellement de ce mandat représente donc une occasion cruciale de tirer les leçons des approches passées tout en répondant aux réalités actuelles. Une reconnaissance explicite des dimensions internationales du conflit, couplée à une transition coordonnée, permettra de consolider les acquis et de garantir que la MONUSCO laisse un héritage durable pour la paix et la sécurité.
Le Sud-Kivu offre un exemple concret des opportunités et des défis liés au retrait de la MONUSCO. Une mission d’évaluation conjointe en ce mois de décembre a révélé des avancées significatives : le déploiement efficace des FARDC, l’activation des bases transférées, et la mise en place de mécanismes d’alerte précoce pour protéger les civils. Ces résultats illustrent qu’un retrait responsable, lorsque les conditions sont réunies, peut renforcer la stabilité et la résilience des communautés.
Cependant, des zones sensibles comme Kalehe et Fizi restent exposées aux menaces persistantes des groupes armés, exacerbant les risques de violations des droits humains. Ces défis soulignent l’importance d’une coordination étroite entre le gouvernement congolais et ses partenaires.
Le gouvernement de la RDC demeure fermement engagé à surmonter ces défis, mobilisant plus de 30 millions USD pour soutenir cette transition, en complément des 23 millions USD d’appui des Nations Unies. Cet engagement reflète notre détermination à renforcer l’autorité de l’État et à garantir une stabilisation durable des zones libérées.
Les enseignements tirés du Sud-Kivu orienteront la planification des prochains désengagements, avec un accent particulier sur l’évaluation des conditions locales, une coordination renforcée avec les FARDC, et un soutien accru aux initiatives communautaires pour assurer une transition fluide et durable.
Les progrès réalisés au Sud-Kivu démontrent que, malgré les défis, des solutions peuvent émerger lorsque la volonté politique, la coopération internationale et l’engagement local convergent. Ces enseignements montrent que la paix et la stabilité sont possibles, mais qu’elles exigent un effort soutenu et une responsabilité partagée.
La République Démocratique du Congo demeure résolument engagée en faveur de la paix, en s’appuyant sur les principes du dialogue et du multilatéralisme. Cependant, cette quête de paix ne saurait se faire au détriment de notre souveraineté, de la sécurité de nos citoyens ou de la dignité de notre peuple. Face aux défis persistants, une action collective et décisive est indispensable. Pour progresser vers une paix durable, nous appelons ce Conseil à :
1. Doter la MONUSCO des ressources nécessaires et proportionnées pour garantir pleinement l’exécution de son mandat, en particulier son rôle critique de protection des civils, du DDR et de la Réforme du Secteur de Sécurité.
2. Condamner et sanctionner les violations de la souveraineté de la RDC par le Rwanda, y compris les incursions militaires, le soutien au M23 et les attaques contre les civils et les forces de maintien de la paix.
3. Reconnaître explicitement la dimension régionale du conflit dans les paragraphes opérationnels du prochain mandat de la MONUSCO, afin de mieux répondre aux menaces transfrontalières, et ce en attendant l’amélioration du mandat de l’Envoyé spécial pour la Région des Grands Lacs.
4. Engager un plan de désengagement séquencé et responsable pour la MONUSCO, adapté aux réalités locales et minimisant les risques dans les zones fragiles.
5. Renforcer la coordination entre la MONUSCO, les FARDC et les mécanismes régionaux, afin de garantir une protection durable des civils et une stabilisation efficace des zones libérées.
6. Et enfin, garantir un suivi rigoureux et une redevabilité accrue dans le cadre du processus de Luanda, notamment à travers les mécanismes existants tels que le Groupe d’experts et le Comité des Sanctions des Nations Unies.
Ces actions ne relèvent pas seulement d’une obligation morale ; elles sont essentielles pour garantir la stabilité et la sécurité dans la région des Grands Lacs. Aujourd’hui, ce Conseil a l’occasion et la responsabilité historique de prendre des mesures concrètes pour faire face à cette crise.
La République Démocratique du Congo attend un soutien clair et résolu pour restaurer la paix, protéger les populations civiles et préserver un ordre international fondé sur le droit et la souveraineté.


La Gazette du Continent.

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