Le ministre du Commerce extérieur, Julien Maluku, a réagi le 30 décembre 2024 au cours d'un briefing co-animé avec le ministre de la Communication et médias, Patrick Muyaya, au règlement 2023/1115 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023, tel que modifié à ce jour, relatif à l'entrée sur le marché et à l'exportation à partir de l'Union européenne des produits de base associés à la déforestation et à la dégradation des forêts.
Ce règlement concerne une éventuelle exclusion du café et du cacao de la RDC sur le marché de l’Union européenne.
Dans sa politique déclarée de contribuer à la protection de l’environnement mondial et à la lutte contre les changements climatiques, en renforçant son action en matière de protection et de restauration des forêts de la planète, politique baptisée ‘’ Zéro déforestation’’, la Commission européenne avait élaboré un règlement, adopté par le Parlement et le Conseil européens le 31 mai 2023, qui était prévu d’entrer en vigueur le 30 décembre 2024.
Ce règlement instaure des mesures de restriction et de contrôle en amont de la chaîne d’approvisionnement de certains produits - notamment les bovins, le cacao, le café, le palmier à huile, le caoutchouc et le soja- et l’exigence de certification pour garantir qu’à partir des champs, des techniques de production et de transformation, ainsi que dans le circuit de commercialisation, ces produits n’ont pas contribué à la déforestation.
Avec ce règlement, seuls les produits ayant été soumise à la Certification de l’Agriculture Biologique de l'Union européenne et ayant obtenu le label de qualité ‘’ Bio’’, à travers des organismes de certification reconnus et mandatés par l’Union européenne, peuvent être vendus sur le marché des 27 pays membres de l’Union.
De l’entrée en vigueur de ce règlement initialement prévue au 30 décembre 2024 pour que les produits non ainsi certifiés n’entrent plus sur le marché de l’Union à partir du 1er janvier 2025, la Commission européenne avait estimé nécessaire de reporter cette entrée en vigueur d’un an, au 31 décembre 2025, afin de permettre à ses Etats membres, aux pays partenaires exportateurs (dont la RDC), aux opérateurs, entreprises et commerçants d’être mieux préparés et de mettre en place ce qu’on appelle ‘’des systèmes de diligence raisonnée », c’est-à-dire des mécanismes de surveillance et de rapportage sur leurs processus de production, de transformation et de commercialisation pour prouver que leurs produits répondent aux normes exigées par l’Union européenne quant à la politique ‘’ zéro déforestation’’.
Situation réelle de la RDC quant à la problématique mondiale de la déforestation et du changement climatique Il convient de rappeler que les 80 millions d’hectares de terres arables disponibles dans le pays ne sont pas 80 millions d’hectares de forêts ! Beaucoup de terres arables se trouvent aussi dans des savanes et dans d’autres espaces non forestiers.
Comme l’avait si bien affirmé Eve Bazaiba, ministre d’Etat, ministre de l’Environnement en disant que "nous avons 80 millions de terres arables qui n’ont rien à avoir avec le couvert forestier du pays qui est de 155,5 millions d’hectares, dont 62 % sont des forêts tropicales humides, parmi lesquels 105.000 kilomètres carré de tourbières, des mangroves et des forêts de Miombo ! Nous avons le droit de rentabiliser nos terres avec des cultures pérennes favorables à l’agroforesterie, notamment le café et le cacao. Tous les moteurs de déforestation réunis, la RDC nous n’enregistrons que 0,03 % de déforestation annuelle".
Il est mondialement connu que la pollution planétaire est avant- tout l’œuvre des pays industrialisés. Par exemple, les statistiques de 2023 produites par le ministère français de la Transition Energétique sur la répartition géographique de la production des gaz à effet de serre dans le Monde montrent que les régions les plus pollueuses sont l’Asie avec 48,6 % d’émission de gaz à effet de serre, l’Europe et l’ex-URSS avec 15,2 % et l’Amérique du Nord avec 13,8 %. L’Afrique subsaharienne où nous sommes n’y est que pour 4,6 % seulement ! S’agissant de la stabilisation climatique mondiale, tout le monde sait le grand rôle que jouent les forêts naturelles de la RDC et celles du bassin du Congo en général.
Et, dans la matérialisation de la vision du Président de la République, Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, de privilégier le rôle de la RDC comme pays-solution, le Gouvernement de la RDC est engagé dans plusieurs programmes de gestion durable des forêts et de promotion de l’agroforesterie et des techniques agricoles écologiques pour une agriculture durable compatible avec la priorité de la diversification de l’économie du pays.
Le café, le caco, et d’autres cultures sont des plantes et des arbustes qui se cultivent en RDC de manière naturelle sans produits chimiques et en combinaison avec d’autres végétaux, et participent au maintien du couvert végétal et à la régulation positive du climat.
Ce ne sont pas des fers à béton ou des résidus du pétrole, ce sont des végétaux ! L’Union européenne devrait nous aider à éviter un faux débat en voulant incriminer nos produits agricoles du mal de déforestation.
Après tout, nous devons développer notre agriculture pour le bien des familles congolaises, des petits producteurs agricoles, de la jeunesse qui s’engage progressivement à évoluer dans des emplois agricoles. La RDC souhaite consolider son partenariat avec l’Union européenne à travers divers mécanismes, parmi lesquels le Programme Global Gateway dont l’un des piliers est le renforcement des systèmes agricoles et alimentaires durables.
Les agriculteurs congolais de café, de cacao, de soja, de palmier à huile et d’autres sont prêts à être accompagnés techniquement par divers programmes de l’Union européenne, en collaboration avec le Gouvernement, dans le renforcement de la pratique des techniques agro- écologiques non seulement pour l’intérêt de la conformité aux exigences des marchés extérieurs, mais aussi pour l’intérêt de la durabilité de leur production et de la qualité de leurs produits sur le bien-être et la santé des consommateurs aussi bien à l’extérieur que dans notre propre pays.
La RDC est prête à tout moment à accueillir les enquêteurs et auditeurs de certification de l’Union européenne pour des visites sur terrain, et à les accompagner avec sécurité sur terrain en cas de besoin, y compris dans les zones de production de l’Est du pays affectées par l’activisme des groupes rebelles et des pays voisins qui les entretiennent, mais dans lesquelles les petits agriculteurs, leurs coopératives et les entrepreneurs locaux font preuve de résilience exceptionnelle en poursuivant leur travail et la production.
Comme l’a toujours clairement dénoncé avec raison et preuves le chef de l’Etat, notre Gouvernement et notre population sur terrain, et comme l’ont clairement démontré les rapports des experts du Groupe des Nations Unies, des pays voisins créent et entretiennent l’insécurité chez nous, à travers des rébellions comme le M23 et des groupes armés, dans l’objectif machiavélique de piller nos ressources, d’ouvrir la voie à la traversée frauduleuse de nos minerais, de notre café et de notre caco vers leurs pays pour être exportés par eux vers l’Union européenne.
En voulant sanctionner le café et le cacao congolais, l’Union européenne tomberait dans le piège malicieux de certains pays voisins qui insécurisent notre pays. Il est temps d’éviter ce piège pour une coopération gagnant-gagnant avec nous, la RDC, et notre secteur agricole que nous tenons à revigorer pour des exportations de qualité, équitables et écologiques.
En conclusion, les mesures et dispositions prises et à prendre par le Gouvernement sont entre autres d'organiser une tripartite Gouvernement- UE-Monusco pour clarifier les dispositions du Règlement ‘’Zéro déforestation’’. Sont concernés, le ministère de l’Environnement, le ministère de l’Agriculture, le ministère des Affaires Etrangères, le ministère du Commerce Extérieur, l’Ambassadeur de l’Union européenne et le Responsable de la Monusco.
Il s'agit de définir, distinguer et délimiter les zones agricoles, forestières (de conservation) et urbanistiques. Il sera question de renforcer l’Agence Nationale de Promotion des Exportations (ANAPEX) et l’Office national des Produits Agricoles du Congo (ONAPAC) à mettre en place un dispositif national de certification en collaboration avec l’Office Congolais de Contrôle. Cela éviterait de recourir aux auditeurs extérieurs qui évoquent souvent l’insécurité comme frein à l’exécution de leur mission.
Aussi de renforcer l’initiative ‘’Couloir vert Kivu-Kinshasa’’, le Nord-Kivu et l’Ituri étant dans ce couloir et d'organiser un guichet unique pour la certification de tous les produits agricoles à exporter. La RDC est pour le dialogue avec les certificateurs actuels Flocer et Africert pour lever les obstacles liés à la certification.
Accélérer la mise en place de Kinshasa Mercantile Exchange (K.M.E) tel que voulu par le Président de la République lors de la 24ème réunion du Conseil des ministres, tenue à Kalemie le 9 novembre 2024. Le K.M.E a été placé sous la coordination du ministre d’Etat en charge de l’Aménagement du Territoire.
Ses principales missions incluent la traçabilité et la transparence, la certification et la conformité, la valorisation économique, et la réduction des risques pour les acheteurs internationaux.
Intensifier les Zones Economiques Spéciales à travers le pays pour la transformation locale des ressources de la RDC. Le cas de la ZES de Musienene au Nord-Kivu est une des réponses à saisir par les opérateurs économiques de l’Est pour transformer le cacao et le café. Les Zones Economiques Spéciales de Miluna, au Sud-Ubangi et Kin Malebo, à Kinshasa sont également des opportunités à saisir pour la transformation locale.
La RDlC devra diversifier les marchés en saisissant les opportunités offertes par l’AGOA pour les États-Unis, et l’Asie qui regorge près de la moitié des consommateurs sur la planète mais également de renforcer la meilleure collaboration avec l’Union européenne qui est un partenaire privilégié pour la RDC afin de mettre en place des systèmes de diligence raisonnée, c’est-à-dire des mécanismes de surveillance et de rapportage sur les processus de production, de transformation et de commercialisation des produits.
La Gazette du Continent.